Référé précontractuel et groupements de commande mixtes

En septembre 2021, le Tribunal des conflits avait eu à répondre à une question :

La réponse dudit juge avait été que le le juge administratif sera compétent pour les litiges de la passation (référé précontractuel en l’espèce) si les besoins majoritairement (en euros sans doute) correspondent à ceux des futurs contrats qui seront bien des contrats administratifs… et ce pour un contrat passé par une entité adjudicatrice au nom et pour le compte de plusieurs sociétés.

Or, ce mode d’emploi vient d’être à tout le moins nuancé. 

Le Tribunal des Conflits avait en septembre 2021 rappelé au passage que la passation ou l’attribution des contrats passés en application du code de la commande publique sont susceptibles de donner lieu à une procédure de référé précontractuel qui, selon que le contrat revêt un caractère administratif ou privé, et donc selon les cas, en conséquence, doit être porté devant le juge administratif ou le juge judicaire.

Il ne s’agit, cela dit, pas que d’une question de compétence du juge judiciaire ou du juge administratif, mais aussi de la qualification du contrat global lui-même. Dans cette décision comme dans le résumé de la base Ariane, qui préfigure celui des tables du rec., le Tribunal des conflits avait bien précisé bien que :

« Ce contrat de la commande publique, passé par une entité adjudicatrice au nom et pour le compte de plusieurs sociétés, et destiné majoritairement à répondre aux besoins de l’une de ces sociétés dont les contrats passés en application du code de la commande publique sont des contrats administratifs par détermination de la loi, revêt lui-même un caractère administratif.»

TC, 13 septembre 2021, n° C4224 :

 

Voici une ligne fixée… dans le cadre de la détermination de la nature d’un contrat unique passé par une entité adjudicatrice au nom et pour le compte de plusieurs sociétés. Sauf que celle-ci sera parfois malaisée. Objectivement, en cas d’accord cadre, il sera parfois difficile de savoir ce que seront les montants des marchés in fine… mais bon… disons qu’il sera utile aux acheteurs publics et privés de fixer des plafonds de nature à éliminer tout risque de bascule incertaine entre le contentieux administratif et le contentieux judiciaire… puisqu’il faut de toute manière maintenant fixer de tels plafonds. Sur ce dernier point, voir :

 

Or, voici qu’hier ledit tribunal des conflits a prolongé et même nuancé sa réflexion sur le même sujet.

Il a confirmé que la passation et l’attribution des contrats passés en application du code de la commande publique sont susceptibles de donner lieu à une procédure de référé précontractuel qui, selon que le contrat revêtira un caractère administratif ou privé, doit être intentée conséquemment soit devant le juge administratif soit devant le juge judiciaire, selon la summa divisio ainsi fixée.

Le Tribunal des conflits commence par poser qu’il « appartient au juge du référé précontractuel saisi de déterminer si, eu égard à la nature du contrat en cause, il l’a été à bon droit. »

L’office du juge, en ce domaine comme à l’accoutumée, consiste donc déjà à vérifier qu’à cette nouvelle aune il a bien été compétemment saisi.

Puis le Tribunal des conflits continue en posant que, dans le cadre d’un groupement de commandes constitué entre des acheteurs publics et des acheteurs privés en vue de passer chacun un ou plusieurs marchés publics et confiant à l’un d’entre eux le soin de conduire la procédure de passation, et où, l’un des acheteurs membres du groupement étant une personne publique, le marché qu’il est susceptible de conclure sera un contrat administratif par application de l’article 3 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, le juge du référé précontractuel compétent pour connaître de la procédure est le juge administratif, sans préjudice de la compétence du juge judiciaire pour connaître des litiges postérieurs à la conclusion de ceux de ces contrats qui revêtent un caractère de droit privé.

Nous avons donc là deux raisonnements différents (et non un revirement à quelques petits mois de distance.

 

CONCLUSION

Le raisonnement est différent selon que le contrat est unique en vue de répondre aux besoins de plusieurs acheteurs ou selon que la procédure unique de passation conduit à la conclusion de plusieurs contrats :

  • en cas de contrat unique, il faut rechercher à quels besoins ledit contrat unique doit majoritairement répondre.
  • en cas de groupement de commandes (procédure unique) appelé à conclure plusieurs contrats : il y avoir en aval des contrats de droit public ou de droit privé… mais il suffit qu’un seul contrat de droit public soit dans l’ensemble pour que le juge du référé précontractuel soit le juge administratif.

 

Source : Tribunal des conflits, 10 janvier 2022, n° 4230 (ou c-4230 selon les nomenclatures utilisées), à mentionner aux tables du recueil Lebon