Un pilote d’avion peut croire au ciel de son choix (une pratique rigoriste de l’Islam ne suffit pas à l’écarter des aéroports)

Retrait de l’habilitation aéroportuaire d’un pilote : le juge opère un contrôle poussé… et une ordonnance du TA de Montreuil vient de l’illustrer avec clarté.

L’administration a retiré à M. A., pilote de ligne de la compagnie aérienne Hop !, son habilitation à accéder aux zones de sûreté à accès réglementés des aérodromes. Cette décision était justifiée par sa proximité avec un autre pilote de ligne connu pour sa pratique rigoriste de l’Islam. Elle était également justifiée par l’adhésion personnelle de M. A à une telle pratique.

Contestant la réalité de ces faits, M. A. a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Montreuil la suspension de cette décision.

Or, compte tenu de la nature de l’affaire, le président du tribunal a estimé que l’affaire devait être jugée collégialement par trois juges des référés.

Voici comment le tribunal résume cette ordonnance pour la presse, via un intéressant résumé que nous avons voulu reproduire :

Au cours de l’instruction, M. A. a produit de nombreux témoignages de commandants de bord-pilotes de ligne de la compagnie Hop ! et de personnels navigants féminins et masculins ayant effectué des vols en équipage avec lui attestant d’une vie professionnelle et sociale non affectée par sa pratique religieuse. M. A a aussi produit plusieurs documents émanant de son employeur et d’une autre compagnie aérienne faisant l’éloge de ses qualités professionnelles et le sélectionnant pour être recruté à Air France ou Transavia. Par ailleurs, M. A. a contesté entretenir des relations avec des personnes connues comme étant proches de la mouvance islamiste radicale, dont les noms n’étaient pas cités par l’administration.

L’administration a de son côté produit une note dite « blanche » reprenant les motifs de la décision de retrait de l’habilitation, mais sans apporter de précisions sur les circonstances des faits reprochés à M. A. et la date, ou du moins l’année, où les actes qui lui sont reprochés avaient été commis. Cette note, en outre, fait état de manquements très graves de M. A. aux règles de sécurité en vol en raison de sa pratique religieuse. Lors de l’audience M. A. a relevé que les manquements invoqués, qui n’auraient pas manqué d’être portés à la connaissance de sa compagnie, n’ont donné lieu à aucune suite, notamment disciplinaire.

En raison du caractère imprécis et non circonstancié des faits reprochés à M. A., une partie d’entre eux étant contredits par les pièces du dossier, les juges des référés ont estimé que l’administration n’apportait pas, à ce stade de l’instruction, les preuves suffisantes pour établir l’adhésion de M. A. à une pratique rigoriste de l’Islam et justifier de lui retirer son habilitation. Ils ont, par suite, suspendu la décision attaquée et enjoint à l’administration de délivrer à M. A. une habilitation provisoire lui permettant d’accéder aux zones de sûreté à accès réglementé des aérodromes jusqu’au jugement au fond de l’affaire.

Source :

TA Montreuil, ord., 24 février 2022, n° 2200405

 

A comparer notamment sur l’usage des « notes blanches » :

Voir aussi :