Confirmation : le parallélisme des procédures ne s’impose pas en cas de refus d’abroger un acte (application en l’espèce s’agissant des monuments historiques)… mais avec à cette occasion une petite relance des débats propres à ce principe lui-même

En commentant « la règle du parallélisme des procédures », le Professeur Chapus signalait que « son économie est moins simple que celle du parallélisme de compétences » car « outre qu’elle n’intéresse que les procédures imposées, sa portée est différenciée selon que la décision en cause est ou non réglementaire. » (Chapus, DAG t.1, n°1316, 15e éd.).

Et l’auguste enseignant de rappeler que ce principe, selon lequel on abroge un acte selon les mêmes procédures que celles requises pour son édiction, ne s’impose que :

  1. pour les procédures obligatoires
  2. et encore n’est-ce que sauf texte contraire
  3. et avec des nuances selon que l’acte est, ou non, réglementaire

Pour citer une doctrine plus récente, notons les propos du Professeur Vincent Tchen selon lequel le « parallélisme des compétences n’impose pas à l’autorité de respecter en toute hypothèse les procédures initialement suivies. De manière générale, celles-ci ont tout d’abord pu être modifiées, le cas échéant par des textes ayant un champ d’application plus large. Le respect du parallélisme des procédures pourrait ici conduire à appliquer des textes abrogés(in  Jurisclasseur administratif Fasc. 107-20 ; MAJ juin 2021).

Et bien sur ce principe peut s’imposer quand on retire ou qu’on abroge un acte : pas quand on refuse de le faire (CE, 23 décembre 2014, n°s 375639 375828, Commune de Fournels et commune de Janvry, rec. T. p. 497-498).

C’est ce dernier point qui vient d’être confirmé en matière de monuments historiques par une décision du Conseil d’Etat à publier aux tables du recueil Lebon.

La Haute Assemblée y précise qu’il résulte des articles R. 621-54 et R. 621-59 du code du patrimoine que si la décision d’inscrire ou de radier un immeuble au titre des monuments historiques suppose nécessairement l’intervention de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, il n’en va pas de même de la décision refusant de faire droit à une demande de radiation, dont aucun texte ne prévoit qu’elle doit être soumise à l’avis de cette commission et notamment pas l’article R. 621-59 du code du patrimoine, lequel se borne à prévoir la consultation de cette commission en cas de décision de radiation.

Logique.

Le principe de parallélisme des procédures eût peut être dû être respecté s’il s’était agi de retirer ce classement. Pas de refuser de le faire.

Un point interroge tout de même.

Car dans le résumé de la base Ariane relatif à cet arrêt, lequel préfigure celui des tables du rec., il est fait renvoi à une autre décision du Conseil d’Etat.

Cette décision (CE, Section, 10 avril 1959, Sieur , n° 22184, rec. p. 233), ancienne, vous ne la trouverez ni sur Légifrance, ni sur Doctrine, ni sur Lexis-Nexis. La voici, que j’ai scannée pour vous :

 

Et pourquoi vous en parler ?

Parce que l’auteur du résumé qui préfigure celui des tables va jusqu’à citer cet arrêt après la mention hardie : « s’agissant de l’inexistence d’un principe de parallélisme des procédures : […] ».

… ce qui est à tout le moins lapidaire et un brin excessif. Mais indicatif de ce que le juge à tout le moins ne s’estime pas lié par ce principe reconnu par la doctrine.

Reste que sur le terrain mieux vaut appliquer ce principe pour tout retrait ou toute abrogation d’un acte (mais pas pour les refus d’abrogation bien évidemment, ce que l’arrêt présentement commenté confirme), par prudence, sauf texte contraire bien sûr… tout en sachant donc qu’ensuite le juge en fera ce que bon lui semblera appréciera tout ceci au cas par cas.

Voici cette nouvelle décision donc :

Source : Conseil d’État, 7 mars 2022, n° 449328, à mentionner aux tables du recueil Lebon

Voir aussi les conclusions de M. Nicolas AGNOUX, Rapporteur public :