Peut-on (si les dates limites de conservation des documents en cause sont passées) détruire des documents administratifs pour s’éviter d’avoir à les communiquer ensuite d’une décision de Justice ? Avec quelles conséquences ?
Les administrations (ou les personnes de droit privé concernées) mentionnées à l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA) ne peuvent bien évidemment pas s’exonérer de leur obligation d’assurer l’exécution d’une décision de justice annulant une décision de refus de communication de documents administratifs et de celle de communiquer les documents sollicités dans les conditions prévues par cette décision SAUF à établir l’impossibilité matérielle de communiquer lesdits documents.
Ce principe est loin d’être nouveau.
Ce qui l’est en revanche, c’est qu’il se trouve une personne morale assez imaginative pour croire pouvoir s’en sortir en détruisant lesdits documents afin de ne pas avoir à les fournir !?
Une société délégataire de fourrière animale avait été en 2018 puis en 2020 condamnée à communiquer une copie de ses registres d’entrée et de sortie des animaux ainsi que les registres de leur suivi sanitaire et de santé, détenus par cette société dans le cadre de sa délégation du service public.
Evidemment que cette société savait qu’elle avait ce contentieux en cours et qu’elle savait ensuite qu’elle avait perdu son premier procès (décision du 11 décembre 2018 notifiée le 19 décembre suivant).
Que fit la société ? Elle a « procédé à la destruction des documents sollicités au début du mois de janvier 2019 » !
Avec un argument qui pouvait faire illusion à toute personne à la bonne foi incertaine : puisque la date de conservation de ces documents venait d’expirer.
Ben voyons…
Le Conseil d’Etat en déduit :
- l’illégalité de cette décision (certes)
- l’obligation pour le détenteur de ces documents administratifs de les reconstituer (sauf charge de travail manifestement disproportionnée)
- de possibles engagements de responsabilité (point rappelé par le juge mais qui n’était pas en l’espèce l’objet du litige)
Citons la Haute Assemblée :
« 2. Les administrations mentionnées à l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration ne peuvent s’exonérer de leur obligation d’assurer l’exécution d’une décision de justice annulant une décision de refus de communication de documents administratifs et de celle de communiquer les documents sollicités dans les conditions prévues par cette décision qu’à la condition d’établir l’impossibilité matérielle de communiquer lesdits documents. Pour ce faire, les administrations doivent, d’une part, faire état de ce que des faits postérieurs au jugement ou des faits dont elles ne pouvaient faire état avant son prononcé ont rendu impossible cette communication et, d’autre part, qu’elles ont accompli toutes les diligences nécessaires pour assurer l’exécution de cette décision compte-tenu de la date d’élaboration des documents demandés et de la précision de cette demande. Elles ne peuvent en aucun cas procéder à la destruction délibérée des documents dont le refus de communication a été annulé par le juge administratif, alors même que la réglementation ne leur imposerait plus, à cette date, de les conserver. Si elles ont procédé à une telle destruction après la notification du jugement, elles sont tenues d’accomplir toutes les diligences nécessaires pour les reconstituer, sous réserve d’une charge de travail manifestement disproportionnée, sans préjudice de l’engagement de leur responsabilité.»
CE, 17 mars 2022, n° 452034, à mentionner aux tables du recueil Lebon
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