Comment le juge administratif indemnise-t-il le préjudice tenant à la nécessité de recourir à l’aide d’une tierce-personne ?

Comment le juge administratif indemnise-t-il le préjudice tenant à la nécessité de recourir à l’aide d’une tierce-personne ?

Cette question n’est pas totalement nouvelle. Les futures tables du rec. rappellent ainsi les jurisprudences antérieures :

Cf., s’agissant des modalités d’évaluation, CE, 25 mai 2018, Mme , n° 393827, T. pp. 903-911. (2) Cf. CE, 6 mai 1988, Administration générale de l’Assistance publique à Paris c/ consorts , n° 64295, p. 186 ; CE, 24 juillet 2019, Mme , n° 408624, p. 330 ; CE, 30 novembre 2021, Mme et UDAF de l’Essonne, n° 438391, T. p. 903. (3) Cf., s’agissant des possibilités d’instruction, CE, 30 novembre 2021, Mme et UDAF de l’Essonne, n° 438391, T. p. 903.

Reste que ce mode d’emploi vient d’être affiné et surtout combiné avec le régime du crédit d’impôts (puisqu’une partie du préjudice se trouve ainsi indemnisé fiscalement mais, on le verra, le juge ne l’entend pas exactement ainsi) par une décision du Conseil  d’Etat à publier en intégral au rec.

Aux termes de cet arrêt, lorsque le juge administratif indemnise la victime d’un dommage corporel du préjudice résultant pour elle de la nécessité de recourir à l’aide d’une tierce personne dans les actes de la vie quotidienne, il :

  • détermine d’abord l’étendue de ces besoins d’aide et les dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence :
    • soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l’employeur,
    • soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l’aide professionnelle d’une tierce personne d’un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier.
      Il n’appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l’aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
  • déduit ensuite du montant de l’indemnité allouée à la victime au titre de l’assistance par tierce personne les prestations ayant pour objet la prise en charge de tels frais.
    Cette déduction n’a toutefois pas lieu d’être, pose la Haute Assemblée, lorsqu’une disposition particulière permet à l’organisme qui a versé la prestation d’en réclamer le remboursement si le bénéficiaire revient à meilleure fortune.

C’est alors qu’intervient le crédit d’impôt prévu à l’article 199 sexdecies du code général des impôts (CGI). Celui-ci permet à tout contribuable de réduire, à hauteur de 50 % des sommes versées en rémunération des services à la personne mentionnés à l’article D. 7231-1 du code du travail, dans la limite des plafonds fixés, les frais qu’il expose lorsqu’il recourt à de telles prestations. Le 3 de cet article 199 sexdecies précise que l’assiette des dépenses qui ouvrent droit à cet avantage fiscal ne comprend que les dépenses effectivement supportées par le contribuable, ce qui en exclut les dépenses faisant l’objet d’une indemnisation par l’auteur d’un dommage corporel au titre du besoin d’assistance par tierce personne qui y est lié.

Le Conseil d’Etat en déduit « qu’il appartient au juge, [lorsque celui-ci] arrête le montant dû en réparation des frais d’assistance à tierce personne qui seront exposés postérieurement à sa décision, d’allouer une indemnité permettant de prendre en charge le besoin d’assistance de la victime, sans qu’il y ait lieu d’opérer de déduction au titre du crédit d’impôt, que celle-ci ait recours à une assistance salariée ou à un membre de sa famille ou un proche

Et le Conseil d’Etat de conclure que « la réparation intégrale ainsi accordée fera obstacle à ce que le contribuable puisse bénéficier du crédit d’impôt au titre des prestations de service assurées par un salarié ou une association, une entreprise ou un organisme déclaré et dont cette indemnité aura permis la prise en charge

MAIS attention. Le Conseil d’Etat précise qu’il en

« va en revanche différemment lorsque le juge arrête le montant dû en réparation des frais d’assistance à tierce personne qui ont été exposés antérieurement à sa décision, que l’état de santé de la victime a nécessité le recours à une assistance qui a été assurée par un salarié ou par une association, une entreprise ou un organisme déclaré, et que celle-ci a effectivement bénéficié à ce titre de l’avantage fiscal prévu à l’article 199 sexdecies du CGI. Dans un tel cas, il appartient au juge de déduire, au besoin d’office, au même titre que les prestations ayant pour objet la prise en charge de frais d’assistance par une tierce personne, le montant de l’avantage fiscal perçu, dans la mesure où il correspond à une telle assistance, de l’indemnité mise à la charge de la personne publique en faisant, si nécessaire, usage de ses pouvoirs d’instruction pour déterminer le montant à déduire.»

Source :

Conseil d’État, 30 septembre 2022, n° 460620, à publier au recueil Lebon