Par une ordonnance, en date du 18 octobre 2022 (TA de la Polynésie française, 18 octobre 2022, n°2200398), les juges des référés du tribunal administratif de la Polynésie française se prononcent sur la régularité d’une procédure d’attribution d’un contrat de concession au regard des obligations de mise en concurrence qui pèsent sur l’autorité concédante.
En l’espèce, le juge des référés a été classiquement saisi par un candidat évincé, la société E.
À l’appui de sa demande d’annulation, ladite société fait valoir que l’article 7.2 du guide de constitution des offres qui impose l’identification d’un constructeur en charge des travaux initiaux de la concession, au stade de la remise des offres, est illégal en ce qu’il aurait eu pour effet de restreindre les conditions d’accès à un contrat de la commande publique. De plus, cette exigence, qui conditionne la recevabilité des offres, ne serait justifiée par aucune nécessité ou motif d’intérêt général.
Elle soutient également que cette exigence est d’autant plus injustifiée qu’elle conduit à favoriser la société V., acteur dominant de l’activité d’exploitation aéroportuaire, qui a pu bénéficier du soutien des entreprises de construction du groupe auquel elle appartient et qui sont établies sur le territoire de la Polynésie française.
En statuant sur cette affaire, le tribunal rappelle les termes de l’article L. 3 du Code de la commande publique qui dispose que les acheteurs et les autorités concédantes doivent respecter les principes fondamentaux de la commande publique. Au titre de ces principes figurent l’égalité de traitement des candidats, la mise en œuvre du principe de libre accès aux contrats de la commande publique et le principe de transparence des procédures.
En l’espèce, les documents de la consultation prévoyaient qu’« un même opérateur ne peut pas appartenir à plus d’une équipe candidate.»
Sur un territoire aussi particulier que celui de la Polynésie française, le tribunal constate que compte tenu de l’importance des travaux et des moyens matériels et humains exigés, il n’y a que deux entreprises sur les sept présentes sur ce territoire, qui sont en mesure d’assurer la construction des ouvrages. Or, ces deux entreprises font toutes deux parties d’un groupe, pour l’une, et d’un groupement, pour l’autre, de deux des sociétés candidates à l’attribution.
Ainsi, les documents de la consultation empêchent la société requérante d’avoir recours à ces entreprises puisqu’elles sont déjà affiliées à des candidats à l’attribution du contrat de concession.
Cette situation conduirait donc la société évincée à recourir aux services d’une entreprise de travaux publics basée en France métropolitaine, ce qui crée indéniablement une distorsion de concurrence dans la mesure où cet éloignement géographique se répercuterait sur l’offre.
Les juges des référés en tirent donc les conséquences et affirment que
« Au vu de ce très faible tissu concurrentiel des entreprises de bâtiment et travaux publics en Polynésie française, les dispositions critiquées de l’article 7.2 du guide de constitution des offres, imposant aux candidats d’identifier, dès le stade de la remise des offres, le constructeur avec lequel le candidat sera amené à contracter pour la réalisation des travaux initiaux, et ce alors qu’en application de l’article 3, un même opérateur ne peut pas appartenir à plus d’une équipe candidate, ont pour effet, ainsi que le soutient la société E., de restreindre l’accès au contrat de concession en litige »
La procédure de passation est ainsi annulée.