Dans un arrêt, en date du 24 novembre 2022 (CAA Lyon, 24 novembre 2022, n°20LY03771), la Cour administrative d’appel de Lyon répond par la négative en affirmant que le Code de la consommation ne peut être invoqué par l’acheteur public pour obtenir la nullité d’un marché public de location du fait d’une clause prévoyant une tacite reconduction, dans la mesure où les marchés sont régis par le Code de la commande publique.
En l’espèce, la commune de M. conclut, le 12 novembre 2008, un contrat de crédit-bail avec la Société L. portant sur un afficheur électronique fourni par la Société I. Cet afficheur est proposé à la commune moyennant un loyer déterminé.
Le contrat prévoit qu’il sera renouvelable par tacite reconduction à l’expiration d’un délai de vingt-et-un trimestres.
Après la livraison de l’afficheur, la commune de M. conclut un « contrat d’implantation » avec la Société I. le 21 juillet 2009 qui détermine le tarif de location et stipule que la livraison de l’équipement inclut une garantie de quatre ans, avec pièces et main d’œuvre.
La garantie prévue par ledit contrat arrive à son terme le 1er avril 2014 alors que le contrat conclu avec la société L. continue de se reconduire tacitement. Afin de conserver une garantie sur le matériel, la commune de M. conclut un contrat de « location-maintenance » avec la Société I.
Durant le dernier semestre de 2016, c’est la Société O. qui assure la maintenance de l’afficheur électronique à la demande de la Société I. Dans ce contexte, la commune de M. règle deux factures émises par la Société O.
Finalement, par courrier en date du 3 février 2017, la commune de M. informe la Société I. qu’elle résilie le contrat de location maintenance du 1er avril 2014 et informe, le 26 juillet 2017, la société L. qu’elle résilie le contrat du 12 novembre 2008.
Estimant avoir payé au cours de cette période la même prestation, à savoir la location et la maintenance de l’afficheur électronique, la commune de M. a demandé le 13 avril 2018 au tribunal administratif de Grenoble de condamner les Sociétés L., O. et I. afin qu’une indemnisation lui soit versée.
La commune de M. a par ailleurs émis le 29 juin 2018 un titre exécutoire à l’encontre de la société O. Ce titre exécutoire a ensuite été contesté par les sociétés I. et O. devant le tribunal administratif de Grenoble.
Après avoir joint les deux demandes, le tribunal administratif de Grenoble prononce, par un jugement du 19 novembre 2020, l’annulation du titre exécutoire et décharge la Société O. de l’obligation de payer la somme demandée par la commune M. La Commune de M. interjette appel de ce jugement.
A cette occasion, elle soutient notamment, d’une part, que la société O. a encaissé les loyers prévus par le contrat conclu avec la société I. sans disposer d’aucun titre pour ce faire.
D’autre part, le contrat que la Société O. a signé en mars 2014 avec la Société I. doit être écarté compte tenu de sa nullité qui résulte de l’illégalité de la présence d’une clause de tacite reconduction dans un marché public.
Ainsi, est-ce que la présence d’une clause prévoyant une reconduction tacite entraine nécessairement la nullité d’un marché public ?
Est-ce que les dispositions du Code de la consommation peuvent être invoquées afin de demander la nullité d’un contrat de la commande publique ?
Afin de répondre à ces problématiques, la Cour administrative d’appel de Lyon commence par rappeler qu’en vertu du principe de loyauté contractuelle, établi par le Conseil d’État dans sa décision Béziers I (CE, Ass., 28 décembre 2009, n°304802), les parties sont tenues d’honorer le contrat auquel elles ont consenti.
Toutefois, dans l’hypothèse d’une illicéité du contrat ou d’un vice d’une particulière gravité l’affectant, le juge « doit écarter ce contrat ».
Partant, le juge considère en l’espèce que quand bien même la conclusion d’un marché public de location prévoyant son renouvellement par tacite reconduction constitue une violation des règles de mise en concurrence prévues par le code des marchés, il ne ressort pas, en l’espèce, qu’une telle méconnaissance constitue un vice d’une particulière gravité.
En effet, du fait des montants en cause, la violation n’est pas d’une particulière gravité et le litige peut donc être réglé sur le terrain contractuel.
Enfin, le juge administratif affirme que
« les dispositions du code des marchés publics, désormais reprises dans le code de la commande publique, régissent la passation et l’exécution des marchés passés par les personnes publiques mentionnées à son article 2 avec des professionnels pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services. Par suite, la commune de M. ne peut utilement invoquer, pour contester les clauses de tacite reconduction présentes dans les contrats litigieux, les dispositions des articles L. 215-1 et suivants du code de la consommation qui ne s’appliquent qu’aux relations entre un professionnel et un non-professionnel ou un consommateur. »
Le juge administratif semble faire valoir un principe généralement utilisé par le juge en droit de l’urbanisme. Il s’agit plus précisément du principe de l’indépendance des législations, établi par le Conseil d’État (CE, 1erjuillet 1959, Sieur Piard, n°38893), selon lequel la législation applicable à un acte ne peut être concurrencée par une autre législation.
Il résulte de ce qui précède que la commune de M. n’est pas fondée à demander l’annulation du jugement du tribunal administratif de Grenoble.
*article rédigé avec la collaboration d’Edwin Douzenel, juriste