Logiquement, le tribunal des conflits (TC) vient de poser qu’une affaire relative à la qualification d’un litige relatif à l’exécution d’une clause résolutoire figurant dans un contrat de vente portant sur le domaine privé d’une collectivité locale, en l’absence de clause exorbitante au profit de la collectivité (les clauses prévues étant puissantes, mais classiques en droit privé), relèvera du juge judiciaire. Le fait qu’il s’agisse de vendre un terrain à une entreprise pour le développement économique ne conduit pas non plus à faire glisser ce contrat et les litiges qui y sont connexes dans le monde public.
Si une personne prend des actes relatifs à son domaine privé, il y a :
- la compétence du juge administratif pour connaître des actes de disposition portant sur le domaine (même privé) des personnes publiques. En 1982, par exemple, le Conseil d’Etat s’est estimé compétent pour connaître de la légalité d’une délibération par laquelle un conseil municipal décidait de vendre, sans aucune condition, un terrain à un particulier (avec création, par cette délibération, de droits au profit de l’acheteur : CE, 8 janvier 1982, Epoux Hostetter, n° 21510 ; ou sans création de droits si la délibération se contente d’autoriser le maire à signer une promesse de vente : CE, 2 avril 2015, commune de Case-Pilote, n° 364539 ; il en résulte que c’est alors le juge administratif qui va régler des problèmes classiques en droit privé consistant à savoir s’il y a eu ou non promesse synallagmatique de vente : CE, 15 mars 2017, Société Bowling du Hainaut, n° 393407),
- la compétence du juge judiciaire pour connaître des actes de gestion du domaine privé (TC, 18 juin 2001, Lelaidier, n°C3241). Cette catégorie s’étend même à toute « contestation par une personne privée de l’acte, qu’il s’agisse d’une délibération du conseil municipal ou d’une décision du maire, par lequel une commune ou son représentant, gestionnaire du domaine privé, initie avec cette personne, conduit ou termine une relation contractuelle, quelle qu’en soit la forme, dont l’objet est la valorisation ou la protection de ce domaine et qui n’affecte ni son périmètre ni sa consistance »…
MAIS avec deux limites importantes :- le juge administratif sera compétent si le contrat a pour objet l’exécution d’un service public ou s’il comporte des clauses qui impliquent, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs (Tribunal des Conflits, 04/07/2016, société Generim, C4052). Soit deux critères alternatifs :
- 1/ soit le critère de l’exécution d’un service public
- 2/ soit celui de la clause exorbitante du droit commun (laquelle s’apprécie, restrictivement, à l’aune des compétences et de l’intérêt général porté par la personne publique, pour schématiser : TC, 22 novembre 2010, Société Brasserie du théâtre c/ Commune de Reims, n° C3764 ; voir ensuite TC, 12 février 2018, n° C4109). Sur ce point, et ses limites, voir Conseil d’État, 20 juillet 2022, 457616, Inédit au recueil Lebon et Tribunal des conflits, 07 novembre 2022, n° 4252 (ou c-4252 ou C4252 selon les sources), aux tables du recueil Lebon :
- le juge a très récemment posé que l’acte d’une personne publique, qu’il s’agisse d’une délibération ou d’une décision, qui modifie le périmètre ou la consistance de son domaine privé ne se rapporte pas à la gestion de ce domaine, de sorte que la contestation de cet acte ressortit à la compétence du juge administratif (TC, 13 mars 2023, n° 4260 ou C4260 ou C-4260).
- le juge administratif sera compétent si le contrat a pour objet l’exécution d’un service public ou s’il comporte des clauses qui impliquent, dans l’intérêt général, qu’il relève du régime exorbitant des contrats administratifs (Tribunal des Conflits, 04/07/2016, société Generim, C4052). Soit deux critères alternatifs :
Appliquant ce mode d’emploi, logiquement, le tribunal des conflits (TC) vient de poser qu’une affaire relative à la qualification d’un litige relatif à l’exécution d’une clause résolutoire figurant dans un contrat de vente portant sur le domaine privé d’une collectivité locale (la commune de Phalsbourg), en l’absence de clause exorbitante au profit de la collectivité, relèvera du juge judiciaire.
Il s’agissait en l’espèce d’une vente par cette commune d’un terrain situé sur son domaine privé en vue de la construction d’un bâtiment industriel, avec obligation (à peine de résolution de la vente) pour l’acquéreur de déposer une demande de permis de construire et de réaliser la construction dans des délais déterminés.
La vente a été résolue par la commune faute de réalisation de ces conditions. Sauf que des travaux avaient déjà été exécutés, conduisant la société à en demander indemnisation.
Or, en l’espèce, le TC :
- a estimé que la vente ne participait pas à l’exécution d’une mission de service public (le développement économique pouvant se hisser à cette qualification mais dans d’autres cas, celui de pépinières avec services communs, sans doute, parfois, par exemple)
- a noté que les clauses en question ne portaient pas des obligations inconnues en droit privé (voir déjà en ce sens Tribunal des Conflits, , 04/07/2016, société Generim, C4052, précité).
D’où une logique qualification de ce contrat en contrat de droit privé relevant du juge judiciaire.
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