Le recours contre l’affectation d’office d’un agent public est-il recevable lorsque cette mesure révèle des agissements constitutifs de harcèlement moral ?

Par un arrêt Mme A. c/ ministre de l’intérieur et des outre-mer en date du 8 mars 2023 (req. n° 451970), le Conseil d’État a considéré qu’une mesure d’affectation d’office d’un agent public ne peut recevoir la qualification de mesure d’ordre intérieur insusceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, lorsqu’elle est la manifestation d’un harcèlement moral.

En l’espèce, Mme B…, attachée principale d’administration de l’État, exerçant ses fonctions à la préfecture … à la date du litige, a été affectée d’office au secrétariat général de la préfecture en qualité de cheffe de la mission de pilotage des politiques partenariales et de l’appui territorial par une décision du préfet … en date du 25 janvier 2017. Après avoir formé un recours gracieux à l’encontre de cette affectation qui a fait l’objet d’une décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet, elle a demandé au tribunal administratif de Bastia d’annuler ces deux décisions. Par un jugement du 3 octobre 2019, le tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt du 25 février 2021, la cour administrative d’appel de Lyon a rejeté l’appel formé contre ce jugement par Mme B…, qui se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

Pour faire droit au pourvoi, le Conseil d’État rappelle tout d’abord sa jurisprudence constante (voir CE, Section, 25 septembre 2015, Mme B c/ ministre du travail, req. n° 372624) selon laquelle « les mesures prises à l’égard d’agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief constituent de simples mesures d’ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu’ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu’ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l’exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n’emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu’elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable. »

Cependant, nuance la Haute Assemblée, Mme B… avait fait valoir « que cette affectation d’office, alors qu’elle n’était pas candidate à ce poste, avait été retenue, parmi des agissements répétés et excédant les limites de l’exercice normal du pouvoir hiérarchique qui ont eu pour effet d’altérer sa santé, comme faisant partie des éléments caractérisant un harcèlement moral à son encontre par un jugement du tribunal administratif de Bastia devenu définitif du 25 juin 2020. » Aussi, « en ne recherchant pas, au vu de cette argumentation, si la décision contestée portait atteinte au droit du fonctionnaire de ne pas être soumis à un harcèlement moral, que l’intéressée tenait de son statut, ce qui exclurait de la regarder comme une mesure d’ordre intérieur insusceptible de recours, la cour administrative d’appel de Lyon a commis une erreur de droit. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CE/decision/2023-03-08/451970