A la veille des élections sénatoriales, posons une question qui, certes, n’en concernera qu’une infime minorité : si un élu local devient parlementaire, cela change-t-il pour ses dossiers en cours « au pénal ».
Un élu fait l’objet d’une enquête préliminaire au pénal. Voire d’une mise en examen. Est-ce que cela change que cet élu soit local ou parlementaire ?
Non cela ne change strictement rien.
Un juge peut convoquer un parlementaire dans le cadre d’une instruction, l’entendre comme témoin ou le mettre en examen (Cass. crim. 19 septembre 2007, n° 06-85.003, Bull.crim. no 217 p.902)
Mais alors que sont les protections dont bénéficient les parlementaires au pénal ?
Il y en a deux ; l’irresponsabilité et l’immunité. Mais aucune ne prémunit contre les faits qui ne sont pas en lien avec les fonctions parlementaires :
- L’article 26, alinéa 1er, de la Constitution pose qu’aucun « membre du Parlement ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions. » Mais cette protection (appelée « irresponsabilité ») ne s’étend pas aux agissements qui ne sont pas en lien avec les fonctions parlementaires.
- L’inviolabilité est prévue par le deuxième alinéa de l’article 26 de la Constitution, selon lequel « aucun membre du Parlement ne peut faire l’objet, en matière criminelle ou correctionnelle, d’une arrestation ou de toute autre mesure privative ou restrictive de liberté qu’avec l’autorisation du bureau de l’assemblée dont il fait partie. Cette autorisation n’est pas requise en cas de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive ». Concrètement, la levée de l’immunité – lorsqu’elle est nécessaire, c’est-à-dire en l’absence de crime ou délit flagrant ou de condamnation définitive – prend la forme d’une demande d’autorisation du procureur général près la cour d’appel compétente et transmise par le Garde des Sceaux, ministre de la Justice, au président de l’assemblée intéressée (art. 9 bis de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires). Cette inviolabilité ne concerne pas l’engagement des poursuites, de sorte que les députés et sénateurs peuvent être visés par un réquisitoire introductif d’instance du parquet.
L’immunité parlementaire est de toute manière systématiquement levée dès que les faits sont sans lien avec l’activité parlementaire. Pire ; le fait que l’immunité doive être levée donne aux poursuites une publicité supplémentaire qui conduit rarement les juges ensuite à la clémence…
Nb : ce régime est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme (4 mai 2021, 68136/16).
Et au stade de la mise en examen ?
Là encore, un parlementaire peut être mis en examen dans les mêmes conditions que n’importe quel citoyen pour tous les actes qui ne sont pas directement liés à l’exercice de son mandat.
Si l’élu est condamné, est-ce que cela change que cet élu soit local ou parlementaire ?
S’il est élu local, cet élu applique sa peine. S’il décide d’interjeter appel, la peine est suspendue sauf si le juge de première instance a décidé de prononcer l’exécution provisoire de la peine.
S’il s’agit d’un parlementaire, il en va exactement de même à deux détails près :
- une « mesure privative ou restrictive de liberté » passe par la levée de l’immunité parlementaire (qui est toujours accordée et qui, même, en général, censure plus encore l’élu)
- l’élu ne sera pas démissionné d’office pour ses mandats parlementaires (au contraire de ce qui se passe pour le mandat local) tant que l’appel est pendant, si en 1e instance le juge a condamné l’élu à l’inéligibilité.
Sources : C. Const. n° 2021-26 D du 23 novembre 2021 ; CE, 20 décembre 2019, n° 432078).
Donc si l’on résume ?
Le régime est le même. Les seules différences sont donc, pour des fais non liés une activité parlementaire :
- le fait que les mesures privatives ou restrictives de liberté en passent par la levée de l’immunité parlementaire (laquelle est toujours donnée pour des faits non liés à la vie parlementaire)… Ce n’est donc au total qu’une différence procédurale.
- le régime des démissions d’office du mandat au stade d’un éventuel appel dans l’hypothèse où en première instance l’exécution provisoire de la peine accessoire d’inéligibilité a été prononcée.