DIF élus : quels étaient les pouvoirs de la CDC avant 2022 ?

Le droit à la formation des élus locaux constitue un régime juridique bigarré, complexe, lourd, plafonné et limité. Voir :

 

Or, une décision du TA de Paris, éclaire ce droit quant aux pouvoirs conférés à la Caisse des dépôts et consignations (CDC) dans ce cadre.

Cette affaire portait sur la contestation, par 57 élus ont contesté des décisions du 2 février 2021 par lesquelles la Caisse des dépôts et consignations (CDC) a refusé de faire droit à leur demande de financement dans le cadre du droit individuel à la formation des élus (DIFE) pour une formation dispensée par une association départementale de maires intitulée « Comprendre le budget communal ».

La question n’était pas en ce domaine celle de l’adaptation de la formation à ce qui peut, ou ne peut pas, être assuré dans le cadre du DIFE, mais sur le prestataire de l’association départementale de maires.

La CDC a en effet refusé le financement de cette formation, car cette association départementale de maires :

« devait sous-traiter la formation en cause à un organisme soupçonné de pratiques contraires aux dispositions législatives et réglementaires applicables au dispositif de droit individuel à la formation des élus locaux.»

Sauf que, juge le TA de Paris, à savoir le 2 février 2021, la Caisse des dépôts et consignations n’avait pas ce pouvoir.

A cette date, en effet, selon le TA de Paris, ses capacités d’intervention étaient uniquement les suivantes :

« jusqu’au 17 mai 2021, lorsqu’elle statuait sur une demande de financement de formation présentée par un élu membre d’un conseil municipal au titre de son droit individuel à la formation, la Caisse des dépôts et consignations, après avoir vérifié que le plafond fixé par l’article R. 2123-22-1 B n’était pas dépassé, devait seulement, en premier lieu, s’assurer que la formation objet de la demande était éligible en vertu de l’article R. 2123-22-1 A. À ce titre, elle devait vérifier, d’une part, que la formation permettait d’acquérir, soit les compétences nécessaires à l’exercice du mandat, soit celles contribuant à sa réinsertion professionnelle à l’issue du mandat et, d’autre part, que la formation était assurée par un organisme agréé par le ministre de l’intérieur. En second lieu, elle devait vérifier que le coût horaire de la formation ne dépassait pas le coût maximal défini par arrêté ministériel. Par suite, en refusant la prise en charge de la demande de financement formulée par M. A… pour le motif que la société Formaeco était soupçonnée de pratiques contraires aux dispositions législatives et réglementaires applicables au dispositif de droit individuel à la formation des élus locaux, la Caisse des dépôts et consignations a entaché sa décision d’une erreur de droit. »

A cette date, donc, les compétences de la CDC étaient limitées, au stade de l’étude des demandes de DIFE :

  • à la vérification des plafonds en termes :
    • globaux de droit à la formation
    • de coût maximal horaire de ladite formation (fixé par arrêté ministériel, à un niveau d’ailleurs très bas)
  • au fait que la formation permettait d’acquérir :
    • soit les compétences nécessaires à l’exercice du mandat (à ce sujet, voir ici),
    • soit celles contribuant à sa réinsertion professionnelle à l’issue du mandat
  • au fait que la formation soit assurée par un organisme agréé par le ministre de l’intérieur.

 

Ce n’est qu’avec le décret n° 2021-1708 du 17 décembre 2021 que la CDC a vu ses pouvoir augmenter : « la Caisse » peut désormais refuser ou suspendre le paiement d’une formation lorsqu’elle constate le manquement d’un organisme de formation, ainsi que demander le remboursement des sommes indûment versées » (art. R. 1621-8-1 du CGCT). Mais ce nouveau régime n’est entré en vigueur que le 1er janvier 2022. … la Caisse des dépôts ne pouvait donc s’octroyer de tels pouvoirs avant cette date.

Voici ce jugement :

TA Paris, 6 juin 2023, n° 2106757, C 

Voir les conclusions de la rapporteure publique Mme Jeanne Ménéménis :

 

Oui mais ce jugement est à compléter par une autre décision, rendue quant à elle par la CAA de Paris, validant quant à elle (point 4) une suspension de paiement de formation en cas de suspicion de fraude, là encore avant le 1er janvier 2022 :

3. Il résulte de l’instruction que, par sa lettre du 20 janvier 2021, la Caisse des dépôts et consignations a informé l’association Solen de ce qu’elle avait constaté que certains organismes de formation, dont l’association Solen, avaient des pratiques contraires aux dispositions législatives et réglementaires applicables au dispositif du Fonds relatif au droit à la formation des élus et lui a indiqué qu’elle ne pourrait donner une suite favorable aux demandes de prise en charge de financement pour les formations qu’elle assure, et que toute partie intéressée pourrait saisir la juridiction administrative de requêtes tendant à obtenir les financements ou les paiements revendiqués. Cette lettre, dans cette mesure et dans les termes où elle est rédigée, doit être regardée non comme une décision faisant grief, mais comme une simple déclaration d’intention, compte tenu notamment de l’existence du recours contentieux, prévu à l’article R. 1621-11 précité du code général des collectivités territoriales, à l’encontre des décisions de refus de financement de formations dont elle annonce l’édiction. A cet égard, l’association Solen a d’ailleurs produit, à l’appui de sa requête, trois décisions postérieures de refus de financement en date des 2 février et 8 mars 2021, lesquelles mentionnent expressément les voies et délais de recours prévues à l’article R. 1621-11 susmentionné.
4. Il résulte en outre de l’instruction que par sa lettre du 20 janvier 2021, la Caisse des dépôts et consignations a également informé l’association Solen de ce que le paiement des frais pédagogiques présentés par elle était suspendu, « car la Caisse ne saurait encourager des fraudes en connaissance de cause », cette suspension concernant à la fois les demandes de paiement déjà présentées à la Caisse et celles qui auraient pu lui être transmises à compter de la réception de cette lettre. Si l’association requérante fait valoir que la suspension des paiements des frais liés aux formations déjà effectuées lui occasionne une perte financière substantielle de 44 560 euros, alors qu’elle doit notamment rémunérer formateurs et salariés, elle ne démontre pas que cette seule suspension l’exposerait à un risque de défaillance. Ainsi, contrairement à ce que soutient l’association Solen, la lettre contestée du 20 janvier 2021 ne lui fait pas davantage grief, dans la mesure où elle mentionne pas un rejet absolu et définitif de tout paiement.
5. Il résulte de tout ce qui précède que l’association Solen n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que par l’ordonnance du 19 juillet 2021, la présidente de la 3ème section du tribunal administratif de Paris a rejeté sa demande tendant à l’annulation de la décision de la Caisse des dépôts et consignations du 20 janvier 2021. Par suite, les conclusions tendant à l’annulation de ladite ordonnance et de la lettre de la Caisse des dépôts et consignations du 20 janvier 2021 ainsi que par voie de conséquence les conclusions aux fins d’injonction doivent être rejetées.
CAA Paris, 29 juill. 2022, n° 21PA04422.