Un permis de construire délivré sur la base d’un dossier incomplet n’est pas forcément illégal !

Plusieurs décisions jurisprudentielles l’avaient laissé entendre, mais maintenant c’est certain : lorsqu’un permis de construire a été délivré et qu’il s’avère que le pétitionnaire n’avait pas fourni à l’appui de sa demande tous les documents requis par le Code de l’urbanisme, l’autorisation dont il est titulaire n’est pas systématiquement illégale.

Le Conseil d’Etat a eu l’occasion de rendre cette décision dans un contentieux des plus classiques : un permis de construire a été délivré à un promoteur pour y édifier un immeuble de 29 logements, des riverains et une association locale contestent la légalité du projet et le juge administratif est saisi pour qu’il se prononce sur la validité du permis de construire. Dans la discussion, est soulevé l’argument selon lequel le dossier de la demande de permis ne contient pas tous les documents mentionnés par le Code de l’urbanisme, notamment ceux relatifs à l’insertion de la construction dans son environnement.

Dans une décision du 23 décembre 2015, le Conseil d’Etat a rejeté cet argument après avoir relevé que la commune disposait d’éléments suffisants dans le dossier pour pouvoir apprécier l’insertion de l’immeuble dans son environnement.

L’intérêt de cette décision réside surtout dans la phrase de principe qui justifie le rejet de l’argument soulevé par les opposants au projet :

« Considérant que la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l’ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l’urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n’est susceptible d’entacher d’illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l’appréciation portée par l’autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable ».

C’est donc le pragmatisme qui l’a emporté sur une lecture orthodoxe du Code de l’urbanisme : une demande de permis incomplète d’un point de vue formel peut être compensée par les autres éléments du dossier. Ce qui compte, c’est que les services instructeurs puissent disposer de la totalité des informations leur permettant d’apprécier l’ampleur et l’aspect de la construction et de vérifier sa conformité par rapport à la règle d’urbanisme. Si tel est bien le cas, le permis peut être délivré.

Les amateurs de formalisme seront déçus ; les constructeurs et les services instructeurs se réjouiront probablement de cette souplesse reconnue par les juges du Palais-Royal…

Ref. : CE, 23 décembre 2015, req., n° 393134 (à publier dans les tables du Recueil Lebon).