C’est une valse à trois temps que dansent le Gouvernement et le Parlement en matière d’indemnités de fonctions. Avec l’espoir qu’à la fin les danseurs se retrouvent au point de départ (un tour pour rien) sans être tombé sur le parquet. Ce qui n’est pas gagné.
I. Premier (faux) pas de la valse : la suppression
L’article 42 de la loi Notre du 7 août dernier avait supprimé les indemnités de fonctions :
1/ des syndicats plus petits, géographiquement, que les communautés…
2/ de ceux des syndicats mixtes ouverts qui pouvaient en bénéficier, selon une grille spéciale (i.e. ceux dont la composition n’était ouverte qu’à des collectivités locales, des EPCI à fiscalité propre ou non et des syndicats mixtes fermés, pour résumer une question complexe).
Le Gouvernement avait autorisé les comptables publics à continuer de payer lesdites indemnités (au moins celles des syndicats de communes inclus dans le périmètre de communautés) au nom d’une réforme législative à venir (!) et d’une interprétation selon laquelle le législateur se serait trompé dans la rédaction de cet article 42 de la loi Notre (ce qui vu les débats se discute nettement).
Selon les propos gouvernementaux de la fin de cet été, dans le cas des syndicats inclus dans le périmètre d’une communauté, c’est au premier janvier 2017 que les indemnités de fonction avaient vocation à disparaître. Une date relativisée depuis comme on va le voir.
Ajoutons qu’une erreur de transcription sur le site Légifrance avait ajouté à la confusion.
Fin du premier temps de la valse. Un vrai faux pas a été commis et le gouvernement annonce un rétablissement de la situation avant que les indemnités des élus ne donnent lieu à infraction et à saisie du parquet…
II. Deuxième temps de la valse : le vrai-faux rétablissement
Puis les difficultés se sont accumulées.
Sur le terrain, la confusion a parfois atteint des sommets ubuesques, certaines perceptions acceptant de payer des indemnités d’autres non ; certains élus ayant supprimé puis rétabli leurs indemnités de fonctions sous le regard de préfectures plus au moins au courant du problèmes et de la population goguenarde…
Et au Parlement la clarté n’était pas non plus de mise…
La commission des finances du Sénat a tout d’abord refusé des amendements à la loi de finances rectificative qui pourtant étaient rédigés de sorte à avoir un lien avec l’objet d’une loi de finances (au nom de l’article 40 de la Constitution)…
… avant d’accepter un amendement gouvernemental sur cette même question qui, lui, n’avait pas pris le soin d’avoir le moindre lien avec l’objet d’une loi de finances. Conclusion ; le Parlement a rétabli ces indemnités de fonctions, mais en vertu d’une disposition de la loi de finances censurée par le Conseil constitutionnel comme n’étant pas liée à ce que peut contenir une loi de finances (au nom de l’article 40 de la Constitution). Le premier amendement qui avait été refusé avait, lui, des chances de passer la censure du Conseil constitutionnel. Sic.
Retour à la case départ.
Pour ceux que les bêtisiers amusent, voir l’article que nous avions consacré à ce sujet :
III. Troisième temps de la valse : le retour à la case départ, sauf nouveau faux pas
Ouf ! Les parlementaires (notamment la sénatrice J. Gourault et le sénateur C. Kern) rétablissent la situation en suscitant des amendements du Gouvernement.
Si cette proposition de loi est validée par l’Assemblée Nationale, comme il en est question, on aurait donc :
• un maintien des indemnités de fonctions dans les syndicats intercommunaux plus petits que les communautés, et ce jusqu’au 31/12/2019
• un régime un peu complexe pour les syndicats mixtes ouverts :
- jusqu’en 2020 application du droit antérieur à celui de la loi du 7 août 2015 (et donc présence d’indemnités de fonctions mais selon une grille spéciale qui est moitié moindre que pour les syndicats mixtes fermés, mais sans le plafonnement à 15 vice-présidents).
- à compter de 2020 application du même régime que pour les syndicats intercommunaux mais sans prendre en compte la population des départements en tant que membres… en précisant qu’à cette date, un décret pourra-t-il prévoir que, comme à ce jour, les indemnités de fonctions seront moitié moindre que dans les syndicats mixtes fermés ? Il semble, vu la formulation de ce texte, que non. Et à cette date, le plafonnement à 15 vice-présidents sera-t-il applicable aux syndicats mixtes ouverts ? En l’état de la formulation du texte, il nous semble que non
Soit :
Pour les SMO qui avant la loi du 7/8/2015 avaient le droit à des indemnités de fonctions, si la loi DFI passe… | Situation d’ici au 1/1/2020 | Situation à compter du 1/1/2020 |
Droit à des indemnités de fonctions ? |
Oui |
Oui |
Avec plafond à 15 VP ? |
Non |
Selon nous, non (mais en cas de litige il est une petite ambigüité textuelle via laquelle un juge sensible à l’air du temps — ou un pouvoir réglementaire — pourrait s’engouffrer) |
Avec grille (fixée par décret) réduisant de moitié ces indemnités par rapport à la grille des syndicats mixtes fermés et des syndicats intercommunaux ? |
Oui |
Sans doute que non |
Ce feuilleton passionnant est à suivre.. et en attendant, voici le texte adopté par le Sénat en première lecture, et qui a été transmis à l’Assemblée Nationale :
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Article 1er
I. – La première partie du code général des collectivités territoriales est ainsi modifiée :
1° Le chapitre unique du titre II du livre VI est complété par un article L. 1621-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 1621-3. – Un fonds est créé pour le financement du droit individuel à la formation des élus locaux, prévu aux articles L. 2123-12-1, L. 3123-10-1, L. 4135-10-1, L. 7125-12-1, L. 7227-12-1 du présent code et à l’article L. 121-37-1 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie.
« La Caisse des dépôts et consignations assure la gestion administrative, technique et financière de ce fonds et instruit les demandes de formation présentées par les élus.
« Le bilan de la gestion du fonds fait l’objet d’une information annuelle du comité des finances locales. » ;
2° Au I de l’article L. 1881-1, la référence : « et L. 1621-2 » est remplacée par la référence : « à L. 1621-3 ».
I bis (nouveau). – Le même code est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa des articles L. 2123-12-1, L. 3123-10-1 et L. 4135-10-1, les mots : « et financé par une cotisation obligatoire, dont le taux ne peut être inférieur à 1 %, assise sur leurs indemnités » sont remplacés par les mots : « . Il est financé par une cotisation obligatoire dont le taux ne peut être inférieur à 1 %, prélevée sur les indemnités de fonction perçues par les membres du conseil, » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 7125-12-1, les mots : « et financé par une cotisation obligatoire, dont le taux ne peut être inférieur à 1 %, assise sur leurs indemnités » sont remplacés par les mots : « . Il est financé par une cotisation obligatoire dont le taux ne peut être inférieur à 1 %, prélevée sur les indemnités de fonction perçues par les conseillers à l’assemblée de Guyane, » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 7227-12-1, les mots : « et financé par une cotisation obligatoire, dont le taux ne peut être inférieur à 1 %, assise sur leurs indemnités » sont remplacés par les mots : « . Il est financé par une cotisation obligatoire dont le taux ne peut être inférieur à 1 %, prélevée sur les indemnités de fonction perçues par les conseillers à l’assemblée de Martinique et les conseillers exécutifs, ».
II. – Après l’article L. 121-37-1 du code des communes de la Nouvelle-Calédonie, il est inséré un article L. 121-37-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 121-37-2. – La demande de formation prévue à l’article L. 121-37-1 est instruite par la Caisse des dépôts et consignations, gestionnaire du fonds pour le financement du droit individuel à la formation des élus locaux institué à l’article L. 1621-3 du code général des collectivités territoriales. »
Article 2
(Supprimé)
Article 3 (nouveau)
I. – L’article L. 5211-12 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction issue de l’article 42 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, est applicable à compter du 1er janvier 2020.
II. – Le même article L. 5211-12, dans sa rédaction antérieure à l’article 42 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 précitée, est applicable du 9 août 2015 au 31 décembre 2019.
III. – L’article L. 5721-8 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 5721-8. – Les dispositions des articles L. 5211-12 à L. 5211-14 applicables aux syndicats de communes sont applicables aux syndicats mixtes associant exclusivement des communes, des établissements publics de coopération intercommunale, des départements et des régions. Pour l’application de l’article L. 5211-12, le périmètre de référence de ces syndicats ne tient pas compte de celui des départements ou régions qui en sont membres. »
IV. – Le III du présent article est applicable à compter du 1er janvier 2020.
V. – L’article L. 5721-8 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction antérieure à l’article 42 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 précitée, est applicable du 9 août 2015 au 31 décembre 2019.
Délibéré en séance publique, à Paris, le 3 février 2016.
Le Président,
Signé : Gérard LARCHER