Avec 4,8 millions de logements, le parc social représente un logement sur six et près de la moitié du parc locatif.
Les aides publiques qui lui sont consacrées s’élevaient à 17,5 Md€ en 2014.
La Cour des comptes et plusieurs CRC ont dans ce cadre rendu, hier, un rapport d’évaluation de la politique publique du logement social au regard de son objectif premier fixé par la loi : l’accueil des personnes modestes et défavorisées.
Leur rapport est assorti de cahiers territoriaux retraçant les investigations particulières conduites dans six territoires (communautés d’agglomération de Cergy-Pontoise et Valenciennes, métropoles de Grenoble, Nantes et Nice, département de la Haute-Vienne).
La Cour des comptes a estimé que cette politique :
- ne permet pas de loger dans des délais raisonnables tous les publics éligibles.
L’écart de loyers s’élève à 40 % en moyenne, pour un montant global de l’ordre de 13 Md€ par an. Mais le logement social fait face à une liste d’attente de 1,9 million de demandeurs et l’accès au parc social est long, complexe et peu transparent : un quart des organismes HLM seulement publie ses critères d’attribution….
Le logement social se caractérise, selon la Cour des comptes, par une spécialisation croissante en direction des ménages les plus modestes, sauf en Île-de-France où la répartition est quasi-égale entre toutes les catégories de revenu. Au niveau national, le parc social n’héberge que la moitié des ménages de locataires situés sous le seuil de pauvreté et mobilise pour eux à peine 40 % de sa capacité, alors que sa dimension lui permettrait de tous les accueillir. En outre, 48 % des occupants du logement social ne relèvent pas des publics modestes et défavorisés, les plafonds de ressources retenus pour accéder à la plus grande part du parc social ayant pour effet de rendre éligibles les deux tiers de la population. Les ménages en grande précarité rencontrent quant à eux plus de difficultés d’accès que la moyenne et le logement social demeure impuissant à accueillir ceux dont les ressources sont inférieures à la moitié du seuil de pauvreté. - souffre d’une inertie du parc social, frein de son adaptation à l’évolution des besoins.
L’offre de logement social pâtit de ses défauts d’ajustement aux déplacements de l’emploi, aux mutations de la famille et à la baisse des ressources des demandeurs. Les zones tendues concentrent 73 % de la demande de logement social pour 53 % de l’offre ; l’offre des loyers les plus bas se situe à 61 % dans les zones détendues, alors que la demande se porte à 73 % sur les zones tendues.
Le rapport entre les demandes en instance et les attributions de l’année varie de moins d’un (dans l’Indre) à 16 (à Paris). Les zones en recul démographique font face à des niveaux préoccupants de vacance.
La typologie des logements offerts n’est pas non plus adaptée à l’augmentation de la demande de petits logements, liée au développement de la décohabitation et de la monoparentalité. Les personnes isolées représentent ainsi 42 % de la demande et les ménages de deux personnes 65 %. - reste trop orientée vers la construction neuve et insuffisamment vers une gestion active du parc existant.
La politique publique du logement social est orientée vers des objectifs de construction ambitieux (150 000 logements). Ces objectifs ne sont pas déduits d’une analyse précise des besoins locaux. Ils ne découlent pas non plus de l’obligation imposée aux communes par la loi SRU d’atteindre d’ici 2025 un pourcentage minimum de logements sociaux, car cette obligation ne représente que 60 000 nouveaux logements par an. En pratique, l’effort de construction est coûteux en aides publiques (7,6 Md€) et insuffisamment ciblé sur les zones tendues et les logements destinés aux ménages les plus modestes, qui ne représentent que le quart des constructions.
Simultanément, les efforts de gestion sont insuffisants : une amélioration d’un point du taux de rotation au sein du parc ou une diminution d’un point du taux de vacance représenteraient une offre annuelle équivalente à la construction de près de 50 000 logements par an, sans aucun coût pour les finances publiques. Les dispositifs destinés à accroître la mobilité des locataires dont les revenus viennent à dépasser les plafonds de ressources n’ont qu’une efficacité marginale.
- n‘assure pas une cohérence au niveau territorial
La coopération des acteurs locaux au niveau intercommunal constitue le principal levier de mise en œuvre de la priorité donnée à l’accueil des ménages modestes ou défavorisés. La plupart des acteurs s’accordent à trouver dans la mutualisation de leurs droits de réservation une voie d’amélioration de la transparence et de l’efficacité des procédures d’attribution.
La question de la mixité sociale est soulevée par le déséquilibre entre les modes de logements dans certaines zones : 63 % des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville occupent ainsi un logement social, contre 13 % en dehors. La politique du logement doit assumer la réduction à terme de la proportion de logements sociaux dans les quartiers prioritaires et, dans les autres quartiers, qui abritent les trois quarts du parc social, faire bénéficier les populations les plus modestes des logements disponibles ou à développer. Cette démarche implique de pouvoir relocaliser à bon escient les loyers les moins chers et d’assouplir les possibilités de péréquation des loyers entre les implantations gérées par les bailleurs sociaux, afin de ne pas déstabiliser leur équilibre financier global.
La Cour formule 13 recommandations (dont le bail à durée limitée — au moins pour certaines populations sortant des critères d’attribution… à l’instar par exemple du bail de 5 ans qui prévaut en Grande-Bretagne, mesure qui commence à faire parler d’elle) répondant à trois pistes d’évolution :
- mieux cibler les publics modestes et défavorisés ;
- proposer plus de logements à la location sans augmenter la dépense publique ;
- accroître la transparence et mieux piloter cette politique au niveau intercommunal.
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Voici ce rapport et les cahiers territoriaux, en téléchargement libre et gratuit :