La commission des lois a consacré sa réunion du 20 juin 2017 au bilan annuel de l’application des lois.
Au 31 mars 2017, le taux d’application des 30 lois promulguées au cours de l’année parlementaire 2015 2016 et examinées au fond par la commission des lois, c’est-à-dire le ratio entre le nombre de mesures d’application attendues et le nombre de mesures prises, s’est élevé à 72 %, soit un taux légèrement inférieur à celui de l’année passée (76 %). Un taux qui est globalement bon.
Toutefois, le Président Philippe Bas a souligné que
“les délais dans lesquels ces mesures sont publiées sont parfois plus longs que les délais d’adoption des lois elles-mêmes“.
Ils se sont détériorés en 2015-2016 puisqu’un peu moins de 33 % d’entre-elles ont été publiées dans un délai inférieur ou égal à six mois, contre 73,5 % en 2014-2015, 39,3 % en 2013-2014, 36,6 % en 2012-2013 et 57,4 % en 2011-2012.
L’inflation législative est un mal bien connu, régulièrement dénoncé mais qui s’est aggravé en fin de législature : le coefficient multiplicateur du nombre d’articles au cours de la navette parlementaire est ainsi passé de 1,83 entre 2007 et 2014 à 2,14 en 2015-1016.
Enfin, le Président Philippe Bas a relevé l’accélération sensible, à la toute fin du quinquennat, du rythme de parution des mesures d’application des lois promulguées au cours de la quatorzième législature.
Ainsi, pour les lois relevant de la compétence de la commission des lois, 92 mesures d’application ont été prises aux mois d’avril et mai 2017, soit une moyenne de 46 par mois, contre une moyenne de 7 mesures d’application par mois entre le 26 juin 2012 et le 30 septembre 2016.
Le rythme de parution des mesures d’application a ainsi été 6,5 fois plus élevé au cours des deux derniers mois qu’au cours des cinquante-et-un premiers mois du précédent quinquennat. Pour le Président Philippe Bas :
`”Si l’on peut s’en réjouir pour le traitement du stock et les délais de publication des mesures d’application des lois, il convient d’être attentif à ce que leur qualité ne s’en trouve pas dégradée“.
Il a ajouté :
“s’il a été possible de multiplier par 6,5 le rythme de parution des mesures d’application des lois en fin de législature, cette accélération est révélatrice d’une excessive lenteur au cours de la période précédente à laquelle le Gouvernement devra s’employer à mettre fin en modernisant ses méthodes de fonctionnement“.
Reste que notre obésité juridique est frappante. Osons avoir l’outrecuidance de nous citer nous-même :
En 2000, le Conseil d’Etat avait déjà fait un décompte : la France comptait 9 000 lois et 120.000 décrets. Huit ans après, on en était semble-t-il à 10 500 lois et 127 000 décrets (source politique.net), selon les calculs de Philippe Sassier et Dominique Lansoy. La XIVème législature (2012-2017) aura vu l’adoption de 448 lois (sur ce point, voir l’éditorial du SGG Marc Guillaume dans la lettre de la DAJ).
Quel est le chiffre en 2017 ? Cette abondance textuelle est-elle indispensable ? Elle est impressionnante et part du principe récent qu’au delà de la codification, il faut multiplier les textes à objet précis, souvent pour de louables nouvelles garanties. Sur ce point, voir l’intéressant article publié dans Tendance Droit « Rédaction législation, Le bilan c’est maintenant », le 27 mars 2017. Au risque d’une piètre qualité du droit comme le déplorait le Conseil d’Etat en 2016.
Voyons les avantages de cette inflation normative :
- adaptation à des circonstances particulières ;
- relative prévisibilité du droit écrit.
Voyons en les principaux inconvénients :
- grosse machinerie utilise pour produire cette normativité ;
- culture du droit écrit combinée avec une tradition qui reste centralisatrice… et qui n’est pas, en France contrairement à nos voisins, de nature à autoriser les autorités de terrain (entreprises dans leur dialogue social ; collectivités locales dans leurs propres textes) à faire leur propre droit ou à adapter leurs pratiques au terrain. Il n’est qu’à voir à quel point le « droit à l’expérimentation » est, en France, d’une redoutable complexité…
- très grande difficulté des acteurs à connaître le droit qui leur est applicable et qu’ils ne sont pas censés ignorer (même si le numérique relativise cette difficulté).
… Pas certain que les avantages l’emportent même au yeux d’un juriste Mithridatisé