A la base, le tribunal administratif compétent pour connaître d’un litige relatif aux conditions de délivrance d’un permis de recherche d’hydrocarbures est celui dans le ressort duquel se trouve l’établissement pour lequel a été demandé le permis de recherche ou une prolongation de celui-ci, y compris dans le cas où le périmètre géographique du permis de recherche s’étendrait au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif.
Le Conseil d’Etat vient de préciser que :
- 1/ Eu égard à la nature d’un tel permis, cet établissement est en principe réputé être situé au siège de la société qui a fait la demande (rien de vraiment neuf : voir CE, 27 juillet 2016, Société Lundin International, n° 398028, T. p. 694.)
- 2/ Cependant, si cette dernière a son siège à l’étranger :
- l’établissement pris en compte pour l’application de l’article R. 312-10 du code de justice administrative (CJA) est celui dont dispose la société en France dès lors que cela ressort de la demande adressée à l’administration ou de la requête dont est saisi le tribunal administratif…. Là encore rien de vraiment neuf.
- A défaut, cet article ne pouvant trouver à s’appliquer, le tribunal administratif territorialement compétent est déterminé conformément aux dispositions de l’article R. 312-1 de ce code….
Ce qui conduit à une compétence du TA de Paris pour toutes les sociétés étrangères n’ayant pas un siège en France et qui doivent attaquer des décisions implicites de rejet née du silence gardé par le ministre compétent en ce domaine à la suite d’une demande de prolongation de la validité d’un permis de recherches d’hydrocarbures…. ce qui est neuf.
Et comme de telles décisions implicites de rejet ont été multipliées par l’ancienne Ministre Ségolène Royal… Le CE a donc regroupé en un seul TA un mini-mini contentieux de masse à venir, sans doute pour éviter les discordances entre juridictions (voir notamment notre post d’hier, sur le présent blog, à ce sujet…).
NB : voir aussi sur ces procédures et l’acquisition d’une décision implicite CE, 17 juill. 2013, n° 365671, Sté Hess Oil France : sera mentionné aux tables du Recueil Lebon).
NB 2 : voir aussi, sur le droit à renouvellement pour les entreprises de leurs permis de recherches sous certaines réserves, rendant le regroupement de ces contentieux stratégique pour le CE, notre article publié hier sur le présent blog (à propos d’un jugement récemment rendu par le TA de la Guyane) :
et voir aussi un jugement de TA de Cergy-Pontoise dans le même sens, mais pour des hydrocarbures non conventionnels :
VOICI CET ARRÊT DU CE :
Conseil d’État, 6ème – 1ère chambres réunies, 12/07/2017, 409896
N° 409896
ECLI:FR:CECHR:2017:409896.20170712
Mentionné dans les tables du recueil Lebon
6ème – 1ère chambres réunies
M. Cyrille Beaufils, rapporteur
Mme Suzanne von Coester, rapporteur public
lecture du mercredi 12 juillet 2017REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Texte intégral
Vu la procédure suivante :
La société Elixir Petroleum (Moselle) Limited a demandé au tribunal administratif de Paris d’annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par le ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer et le ministre de l’économie et des finances sur sa demande de prolongation de la validité du permis exclusif de recherches d’hydrocarbures liquides ou gazeux dit ” permis de Moselle “, ainsi que la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Par une ordonnance n° 1702135 du 14 avril 2017, enregistrée au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 24 avril 2017, le président du tribunal administratif de Paris a, en application de l’article R. 351-3 du code de justice administrative, transmis cette demande au président de la section du contentieux du Conseil d’Etat.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code minier ;
– le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Cyrille Beaufils, auditeur,
– les conclusions de Mme Suzanne von Coester, rapporteur public.
1. Considérant qu’aux termes du premier alinéa de l’article R. 312-10 du code de justice administrative : ” Les litiges relatifs aux législations régissant les activités professionnelles, notamment les professions libérales, les activités agricoles, commerciales et industrielles, la réglementation des prix, la réglementation du travail, ainsi que la protection ou la représentation des salariés, ceux concernant les sanctions administratives intervenues en application de ces législations relèvent, lorsque la décision attaquée n’a pas un caractère réglementaire, de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve soit l’établissement ou l’exploitation dont l’activité est à l’origine du litige, soit le lieu d’exercice de la profession. / Si, pour ces mêmes catégories de litiges, la décision contestée a un caractère réglementaire et ne s’applique que dans le ressort d’un seul tribunal administratif, ce tribunal administratif est compétent pour connaître du litige. / Par dérogation aux dispositions du premier alinéa, les recours contre les décisions prises par les autorités administratives en matière de composition et d’élection des institutions représentatives du personnel, sur le fondement des dispositions des titres Ier, II et III du livre III de la deuxième partie du code du travail, sont portés devant le tribunal administratif dans le ressort duquel se situe le siège de l’entreprise ” ; qu’il résulte du premier alinéa de l’article R. 312-10 du code de justice administrative que, s’agissant des actes à caractère non réglementaire, et notamment des décisions individuelles, qui entrent dans le champ d’application de ces dispositions, le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel se trouve l’établissement ou l’exploitation dont l’activité est à l’origine du litige, y compris dans le cas où le champ d’application de la décision en litige excède le ressort d’un seul tribunal administratif ; qu’il résulte du deuxième alinéa du même article que, s’agissant des décisions réglementaires relevant de cet article, il y a lieu de prendre en compte leur champ d’application et de déterminer si elles s’appliquent dans le ressort d’un seul tribunal administratif, qui est alors territorialement compétent pour en connaître, ou de plusieurs tribunaux administratifs ; que, dans ce dernier cas, les dispositions de l’article R. 312-1 du code de justice administrative trouvent alors à s’appliquer ;
2. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la demande de la société Elixir Petroleum (Moselle) Limited tend à l’annulation de la décision implicite par laquelle le ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie et le ministre du redressement productif, conjointement chargés des mines, ont rejeté sa demande de prolongation de la validité d’un permis exclusif de recherches d’hydrocarbures, ainsi que de la décision implicite rejetant son recours gracieux contre ce refus ; qu’un litige relatif aux conditions de délivrance d’un permis de recherche d’hydrocarbures est relatif à une législation régissant les activités professionnelles, et notamment industrielles, au sens de l’article R. 312-10 du code de justice administrative ; que les décisions en cause n’ont pas de caractère réglementaire ; qu’il résulte de ce qui a été dit au point précédent que le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel se trouve l’établissement pour lequel a été demandé le permis de recherche ou une prolongation de celui-ci, y compris dans le cas où le périmètre géographique du permis de recherche s’étendrait au-delà du ressort d’un seul tribunal administratif ; qu’eu égard à la nature d’un tel permis, cet établissement est en principe réputé être situé au siège de la société qui a fait la demande ; que cependant, si cette dernière a son siège à l’étranger, l’établissement pris en compte pour l’application de l’article R. 312-10 du code de justice administrative est celui dont dispose la société en France dès lors que cela ressort de la demande adressée à l’administration ou de la requête dont est saisi le tribunal administratif ; qu’à défaut, cet article ne pouvant trouver à s’appliquer, le tribunal administratif territorialement compétent est déterminé conformément aux dispositions de l’article R. 312-1 de ce code ; que, en l’espèce, la société Elixir Petroleum (Moselle) Limited a son siège à Southampton (Royaume-Uni), sans qu’il ressorte des pièces du dossier qu’elle disposerait d’un établissement en France ; que les dispositions de l’article R. 312-10 ne peuvent, par suite, trouver à s’appliquer ;
3. Considérant qu’aux termes de l’articles R. 312-1 du code de justice administrative : ” Lorsqu’il n’en est pas disposé autrement par les dispositions de la section 2 du présent chapitre ou par un texte spécial, le tribunal administratif territorialement compétent est celui dans le ressort duquel a légalement son siège l’autorité qui, soit en vertu de son pouvoir propre, soit par délégation, a pris la décision attaquée ou a signé le contrat litigieux. Lorsque l’acte a été signé par plusieurs autorités, le tribunal administratif compétent est celui dans le ressort duquel a son siège la première des autorités dénommées dans cet acte. (…) ” ;
4. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que la demande de la société Elixir Petroleum (Moselle) Limited a été adressée au ministre chargé de l’environnement et au ministre chargé de l’économie, conjointement chargés des mines ; que, si le sous-directeur de la sécurité d’approvisionnement et des nouveaux produits énergétiques a accusé réception de cette demande au nom des deux ministres, les décisions implicites rejetant cette dernière et le recours gracieux doivent être regardées comme prises par les ministres eux-mêmes ; que les ministres en cause siègent à Paris ; que, par suite, il y a lieu, en application de l’article R. 351-2 du code de justice administrative, d’attribuer le jugement de la demande de la société Elixir Petroleum (Moselle) Limited au tribunal administratif de Paris ;
D E C I D E :
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Article 1er : Le jugement de la demande de la société Elixir Petroleum (Moselle) Limited est attribué au tribunal administratif de Paris.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à la société Elixir Petroleum (Moselle) Limited, au ministre d’Etat, ministre de la transition écologique et solidaire, au ministre de l’économie et des finances et au président du tribunal administratif de Paris.