Un préfet peut-il attaquer des délibérations d’un EPCC au motif de l’illégalité de la composition de celui-ci ?

Un préfet demandait l’annulation de délibérations adoptées par le conseil d’administration d’un établissement public de coopération culturelle (EPCC). Le moyen soulevé par l’Etat, tel que généreusement interprété par le juge administratif, pouvait être résumé ainsi :

« Considérant qu’à l’appui des quatre déférés susvisés le préfet de l’Isère soutient que, faute pour Grenoble-Alpes-Métropole d’avoir régulièrement adhéré à la Maison de la Culture de Grenoble, d’une part, M. F., président de GAM, ne pouvait régulièrement présider et convoquer le conseil d’administration de la MC2 et, d’autre part, les membres de cet établissement public de coopération intercommunale ne pouvaient régulièrement siéger au sein de ce conseil d’administration ; »

Passons sur le fait que l’on pouvait en l’espèce considérer que ledit conseil d’administration était régulièrement composé…

En effet, au début de l’année 2017, la ville de Grenoble a été remplacée au sein du conseil d’administration par des membres désignés par Grenoble Alpes Métropole (GAM), établissement public de coopération intercommunal. GAM a pris une délibération pour désigner ses membres siégeant au conseil d’administration de la MC2, et ce conseil a, par une autre délibération, désigné son président.

Les délibérations attaquées étaient du 4 juillet 2017… et GAM avait bien déclaré ces activités d’intérêt métropolitain. Donc, au fond, l’argument préfectoral d’un besoin d’adhérer en lieu et place d’une substitution pouvait, sur ce point précis, être discuté.

Passons en effet sur ce point, en effet, puisque le juge n’a pas eu à trancher ce point. C’est en amont qu’il a tranché, en estimant que le préfet aurait du attaquer les décisions de désignation des élus du CA de l’EPCC par le conseil métropolitain de GAM, ou la recomposition des organes dudit EPCC. Mais ensuite, une fois les délais passés, il est trop tard pour attaquer par voie d’exception d’illégalité les actes du CA de cet EPCC.

Citons sur ce point le considérant très clair du TA :

« 9. Considérant qu’en contestant la composition du conseil d’administration de la MC2 en raison de la présence de membres qui auraient été irrégulièrement désignés, le préfet de l’Isère entend en réalité remettre en cause la légalité de la désignation desdits membres (Conseil d’Etat, 2 mars 2010, Réseau ferré de France, n°325255) ; que de tels moyens, bien que présentés comme des vices affectant la procédure d’élaboration des délibérations en litige, constituent des exceptions d’illégalité dirigées à l’encontre, d’une part, de la délibération du 9 mars 2017 par laquelle le conseil d’administration de la MC2 a désigné M. F. pour le présider, et, d’autre part, de la délibération du 3 février 2017 par laquelle le conseil métropolitain de GAM a désigné les membres la représentant au sein dudit conseil d’administration ;

10. Considérant que l’illégalité d’un acte administratif, qu’il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d’exception à l’appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l’application du premier acte ou s’il en constitue la base légale ; que s’agissant d’un acte réglementaire, une telle exception peut être formée à toute époque, même après l’expiration du délai du recours contentieux contre cet acte ; que s’agissant d’un acte non réglementaire, l’exception n’est, en revanche, recevable que si l’acte n’est pas devenu définitif à la date à laquelle elle est invoquée, sauf dans le cas où l’acte et la décision ultérieure constituant les éléments d’une même opération complexe, l’illégalité dont l’acte serait entaché peut être invoquée en dépit du caractère définitif de cet acte ;

11. Considérant que tant la délibération du 3 février 2017 du conseil métropolitain de GAM désignant les membres la représentant au sein du conseil d’administration de la MC2 que la délibération du 9 mars 2017 de ce conseil d’administration désignant son président ne constituent pas des actes réglementaires ; que ces délibérations ne forment pas non plus, avec les délibérations prises ultérieurement par ledit conseil d’administration, dans la composition qui en est issue, une opération complexe ; qu’ainsi, le préfet de l’Isère ne peut utilement exciper de l’illégalité des délibérations du 3 février 2017 et du 9 mars 2017 qu’à la condition que ces délibérations ne soient pas devenues définitives à la date à laquelle ont été enregistrés les présents déférés ;

12. Considérant que si les actes des collectivités territoriales acquièrent leur caractère définitif, à l’égard des tiers par leur publication ou leur affichage et, à l’égard de leurs destinataires, par leur notification, le délai de recours contentieux ouvert à leur encontre au profit du représentant de l’Etat, auquel ces actes sont transmis pour permettre l’accomplissement de sa mission de contrôle de la légalité, est uniquement régi par les dispositions des articles L. 2131-6, L. 3132-1 ou L. 4142-1 du code général des collectivités territoriales ; qu’ainsi, le représentant de l’Etat ne dispose, pour contester la légalité des actes des collectivités territoriales ou de leurs établissements publics, que d’un délai de deux mois courant à compter de leurs transmissions, éventuellement prolongé par une demande de pièces complémentaires ou l’exercice d’un recours gracieux de droit commun ; »

 

Cette jurisprudence est aussi à lire sur les délais de recours et sur la possibilité pour GAM d’être, ou non, intervenante ou partie en ce domaine.

Voir :

Tribunal administratif de Grenoble – 5ème chambre – N° 1707290, 1707291, 1707292 et 1707293 – préfet de l’Isère – 3 juillet 2018 – C+

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