Le juge administratif a eu l’occasion de préciser à plusieurs reprises que l’établissement du décompte a pour objet d’arrêter définitivement les obligations respectives des parties: il établit ainsi le solde de l’ensemble des dettes et créances des parties nées de l’exécution du contrat afin de permettre la liquidation des comptes (CE, 4 décembre 1987, Commune de la Ricamarie, req. n° 56108 ; voir en ce sens également CE, 8 décembre 1961, Société Nouvelle compagnie général de travaux, req. b° 44994, Lebon p. 701).
L’enjeu de l’établissement de ce décompte est que le maître d’ouvrage ne pourra pas réclamer ultérieurement des sommes dans le cadre des relations contractuelles avec les constructeurs y compris son maître d’œuvre.
En l’espèce, (CE, 19 novembre 2018, INRSTEA, req n ° 408203) l’INRSTEA avait confié à un groupement d’architectes le marché de maîtrise d’oeuvre pour la réalisation d’un ensemble immobilier. A la suite de la réception des travaux (qui a été prononcée sans réserves) et de la mise en service des bâtiments, des désordres sont apparus.
Le TA de Clermond-Ferand puis la CAA de Lyon ont été saisis de cette affaire: le premier a condamné le maître d’œuvre à indemniser l’INRSTEA pour avoir failli à son devoir de conseil en n’attirant pas l’attention du maître de l’ouvrage sur certaines défectuosités le second en annulant ce jugement.
Saisi d’un pourvoi le Conseil d’Etat a précisé sans surprise que :
“il appartient au maître de l’ouvrage, lorsqu’il lui apparaît que la responsabilité de l’un des participants à l’opération de construction est susceptible d’être engagée à raison de fautes commises dans l’exécution du contrat conclu avec celui-ci, soit de surseoir à l’établissement du décompte jusqu’à ce que sa créance puisse y être intégrée, soit d’assortir le décompte de réserves ; qu’à défaut, si le maître d’ouvrage notifie le décompte général du marché, le caractère définitif de ce décompte fait obstacle à ce qu’il puisse obtenir l’indemnisation de son préjudice éventuel sur le fondement de la responsabilité contractuelle du constructeur, y compris lorsque ce préjudice résulte de désordres apparus postérieurement à l’établissement du décompte ; qu’il lui est alors loisible, si les conditions en sont réunies, de rechercher la responsabilité du constructeur au titre de la garantie décennale et de la garantie de parfait achèvement lorsque celle-ci est prévue au contrat;”
La Haute Assemblée a considéré qu’en l’espèce, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en déduisant que l’INRSTEA ne pouvait rechercher la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre y compris en raison d’un manquement à leur devoir de conseil lors de la réception des travaux, dès lors que le décompte du marché de maîtrise d’œuvre était devenu définitif et ne contenait aucune réserve relative à la façon dont le groupement s’était acquitté de cette obligation. Cela vaut même lorsque les désordres étaient apparus postérieurement à l’établissement du décompte du marché de maîtrise d’œuvre.
Notre conseil est d’être extrêmement prudents lors de l’établissement du décompte afin soit de l’assortir de réserves soit surseoir à son établissement afin d’intégrer toutes les créances. Lorsque ces deux possibilités ne peuvent pas être mises en œuvre alors le maître d’ouvrage peut avoir recours aux garanties (notamment parfait achèvement et décennale) lorsque naturellement les conditions de leur mises en œuvre sont réunies.