Dans le cadre de cette affaire (Conseil d’Etat, 15 mars 2019,SAGEM, req. n° 413584) une commune a lancé une procédure de consultation en vue de la passation d’une concession d’aménagement portant sur une restructuration urbaine.
L’offre de la société K… été retenue. Et le contrat a été signé en 2011. Une SEM, candidate évincée, a saisi le tribunal administratif de Toulon le 6 octobre 2011 d’une demande d’annulation de cette convention, que ce tribunal a rejetée. La CAA a également rejeté l’appel de la SEM et l’affaire a été portée devant le Conseil d’Etatqui a tranché définitivement le litige et a annulé la convention en question même si celle -ci était déjà terminée. En effet, les innombrables vices touchant la passation du contrat ne laissaient guère le choix au juge…
Tout d’abord, le juge a constaté que la société attributaire de la convention avait fait appel à un architecte qui était le même que celui qui conseillait la commune…Dans ces conditions le juge a très naturellement considéré que cette « double » participation a été de nature à procurer un avantage à la société attributaire quand bien même le cabinet d’architectes en question avait offert ses services à l’ensemble des autres candidats et participé à des réunions de négociations également pour le compte de deux autres sociétés.
Mais ce n’est pas tout.
La Haute Assemblée a aussi constaté que l’offre retenue modifie considérablement le projet initial en rajoutant des logements sociaux (qui bénéficiaient d’importantes subventions publiques et de taux d’emprunts privilégiés), en prévoyant des places de parking supplémentaires ainsi que des travaux d’aménagement sur une surface de plus de 10% en sus de ce qui était prévu au programme initial. Le juge a ainsi considéré que « les modifications intervenues au stade de la signature de la convention ont modifié substantiellement l’économie du projet mis à la concurrence et ont ainsi porté atteinte aux règles de publicité et de mise en concurrence. »
Le Conseil d’Etat n’a donc pas eu d’autre choix que de prononcer l’annulation du contrat (alors que celui-ci était déjà arrivé à son terme…) en jugeant que « les vices entachant la convention litigieuse, tirés de la méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence, révèlent également, en l’état de l’instruction, une volonté de la personne publique de favoriser un candidat et ont affecté gravement la légalité du choix du concessionnaire. Par leur particulière gravité et en l’absence de régularisation possible, ils impliquent que soit prononcée l’annulation de la concession d’aménagement litigieuse, dès lors que, contrairement à ce qui est soutenu en défense, une telle mesure ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général ».
Le juge a néanmoins pris le soin de préciser que l’annulation prononcée n’aurait pas à elle seule pour effet de remettre en cause les actes de droit privé conclus, soit entre la commune et l’aménageur soit par l’aménageur avec des tiers, en vue de l’acquisition, de la vente ou de la location de biens immobiliers situés sur le périmètre de l’opération d’aménagement. Ainsi en l’occurrence il n’a pas retenu le motif de l’atteinte à l’intérêt général qui est souvent invoqué par la partie défenderesse dans ce type d’hypothèses pour essayer de sauver le contrat surtout lorsque celui-ci est exécuté depuis longtemps.
En ce qui concerne les relations entre la Commune et son cocontractant, la Haute juridiction a considéré que « Il appartiendra aux parties de réexaminer l’exécution financière de la concession d’aménagement annulée sur le terrain quasi-contractuel de l’enrichissement sans cause ainsi que, le cas échéant, sur le terrain de la faute. De même, il reviendra à la société K… de restituer les terrains ou équipements qui n’ont pas fait l’objet d’un transfert de propriété »
Ce qui ne va pas être si simple…