Indemnités dues à un commissaire enquêteur en cas d’enquête publique unique complexe : le mode d’emploi du TA de Lyon

Voici un rebondissement dans ce qui est maintenant devenu l’affaire « Gabriel Ullmann » (lequel, contacté par nous, a préféré que son nom ne soit pas anonymisé… il faut dire que même le Canard enchaîné s’est emparé de cette affaire).

Ce commissaire enquêteur, aux avis défavorables supérieurs en nombre à la moyenne, a fini par donner lieu à une procédure de radiation, ce qui a donné et devrait donner lieu à diverses suites procédurales.

Dans ce contexte à tout le moins tendu, une entreprise publique locale compétente en matière d’aménagement contestait l’ordonnance fixant l’indemnité allouée à M. Gabriel Ullmann en sa qualité de commissaire enquêteur lors d’une enquête publique complexe.

Aux termes de l’article L. 123-1 du code de l’environnement :

« L’enquête publique a pour objet d’assurer l’information et la participation du public ainsi que la prise en compte des intérêts des tiers lors de l’élaboration des décisions susceptibles d’affecter l’environnement mentionnées à l’article L. 123-2. Les observations et propositions parvenues pendant le délai de l’enquête sont prises en considération par le maître d’ouvrage et par l’autorité compétente pour prendre la décision ».

L’article R.123-25 de ce même code et un arrêté du 25 avril 1995 fixent les montants des indemnités allouées aux commissaires enquêteurs ou aux membres des commissions d’enquête.

Dans ce cadre, le TA a posé que :

  1. l‘ordonnance par laquelle le président du tribunal administratif fixe le montant de l’indemnité due à un commissaire enquêteur au titre des frais et vacations d’une enquête publique et sa décision prise sur le recours administratif préalable obligatoire prévu à l’article R. 123-25 du code de l’environnement revêtent un caractère administratif et non juridictionnel…. Ce qui mettait à bas une partie des moyens soulevés par la requérante en termes de procédure (!). Notamment, la société requérante ne pouvait utilement invoquer les irrégularités formelles et procédurales affectant selon elle la décision de rejet de son recours administratif préalable.
  2. le taux de normal  des vacations de 38,10 euros s’applique à toutes les procédures conduites en cas d’enquête publique unique. L’entreprise publique locale posait que dans le cas d’une enquête publique unique s’appliquant à 7 autorisations distinctes, une autorisation devait donner lieu à un tarif de 38,10 euros, et que les six autres devaient être rémunérées au taux réduit de moitié, prévu à l’article 5 de l’arrêté du 25 avril 1995 précité. Le TA n’a pas accepté ce raisonnement, en estimant que cet article 5 prévoit que le taux réduit s’applique aux autres enquêtes, quand plusieurs enquêtes publiques sont organisées conjointement…. et non quand il est recouru aux enquêtes publiques uniques. Le TA a rejeté également ce raisonnement en raison du fait que l’enquête publique unique ne comporte, à la différence des enquêtes organisées conjointement, qu’un seul et même dossier, un seul registre et un seul rapport de la commission d’enquête, le tout ne permettant pas de distinguer ce qui relève des différentes procédures.
  3. le Commissaire enquêteur est relativement libre quant à l’appréciation du nombre de réunions préalables qu’il veut conduire et quant au besoin qui serait le sien d’analyser la dispense d’évaluation de la MRAE.Citons le TA :
    • « [la société reprochait à ] la commission d’enquête d’avoir organisé plusieurs réunions inutiles avant l’ouverture de l’enquête publique et d’avoir procédé à une analyse de la faisabilité du projet sous tous ses aspects et en particulier au regard de l’avis de la mission régionale d’autorité environnementale (MRAE), soutient qu’un certain nombre de vacations rémunèrerait des prestations superflues. Il résulte cependant de l’instruction que la commission d’enquête a, conformément au champ d’application d’une enquête publique relative à une opération susceptible d’affecter l’environnement, procédé à une analyse de la dispense d’évaluation de la MRAE. De même pouvait-elle, avant l’ouverture de l’enquête publique, entendre toute personne dont l’audition lui apparaissait utile afin d’informer le public et d’émettre un avis circonstancié, en toute connaissance de cause. En outre, cette commission a défini sa mission en distinguant la faisabilité du projet, qui relève de son domaine d’intervention au titre de l’utilité publique du projet, et sa fonctionnalité, pour chacune des sept procédures concernées par l’enquête publique, ce qui n’a pas manqué de créer des difficultés pour l’exercice de cette mission. En tout état de cause, compte tenu des enjeux du projet […], la commission d’enquête pouvait se prononcer sur sa faisabilité, ses inconvénients et ses risques. Dans ces conditions, eu égard à la complexité du projet ici en cause, à son importante technicité, aux difficultés variées qui en ont résulté pour la conduite de l’enquête, notamment à sa durée, portée à quarante-cinq jours, et à la charge de travail qu’elle a nécessairement occasionnée, à la nature et à la qualité du travail fourni par la commission d’enquête, telle qu’elle résulte en particulier du dossier d’enquête, y compris ses conclusions, le nombre de vacations retenu par les décisions contestées n’apparaît pas excessif. Par suite, aucune méconnaissance du 3ème alinéa de l’article R.123-25 du code de l’environnement ne saurait ici être retenue. »

 

Donc si l’on résume cet intéressant jugement, selon ce TA :

  1. les décisions du juge fixant le montant de l’indemnité due à un commissaire enquêteur revêtent un caractère administratif et non juridictionnel…. ce qui n’est pas sans conséquences sur les moyens que peut soulever une partie requérante en ce domaine
  2. le taux de normal  des vacations s’applique à toutes les procédures conduites en cas d’enquête publique unique.
  3. le Commissaire enquêteur est relativement libre quant à l’appréciation du nombre de réunions préalables qu’il veut conduire et quant au besoin qui serait le sien d’analyser la dispense d’évaluation de la MRAE.

 

Source : TA Lyon, 23 mai 2019, n° 1808622