RHI et interdiction définitive d’habiter : à l’impossible, nul n’est tenu. Mais encore faut-il démontrer cette impossibilité.

Pas d’interdiction définitive d’habiter sans avis du CODERST démontrant l’impossibilité de remédier à l’insalubrité de l’immeuble. 

 

L’article L. 1331-25 du Code de la santé publique permet au préfet de déclarer l’insalubrité de locaux et d’installations utilisés aux fins d’habitation, mais impropres à cet objet pour des raisons d’hygiène, de salubrité ou de sécurité, après avis de la commission départementale compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires ou technologiques (CODERST), le maire ou le président de l’EPCI compétent étant invités à y présenter leurs observations.

Le juge a une vision large des biens concernés potentiellement par cette procédure (voir CAA Nancy, 31 juillet 1997, n° 94NC01681 et voir la formulation de l’article L.1331-26 du Code de la santé publique).

Le CODERST doit se prononcer

  • sur « la réalité et les causes de l’insalubrité »
  • ET « sur les mesures propres à y remédier ».

 

Le juge vérifie que le CODERST a bien étudié ces deux points, et ce au besoin avec des chiffrages techniques et financiers, pour s’assurer des scénarios possibles ou, en cas de scénario unique, des raisons justifiant que tel est le cas (CAA Paris, 6 décembre 2012, n° 11PA02677 ; CAA Paris, 27 mai 1997, n° 96PA01997 ;  voir aussi CE, 15 avril 2015, n° 369548).

 

Le TA de Toulouse a, le 11 juin 2019, par 4 ordonnances, confirmé et précisé qu’il :

«  ressort des dispositions combinées des articles L. 1331-25 et L. 1331-28 I précités que la possibilité pour le préfet de définir un périmètre au sein duquel il déclare insalubres les immeubles, locaux et installations utilisés aux fins d’habitation et prononce l’interdiction définitive d’habiter est conditionnée par l’avis du CODERST concluant expressément à l’impossibilité de remédier à l’insalubrité de l’immeuble. »

Bref :  pas d’interdiction définitive d’habiter sans avis du CODERST concluant, pièces et démonstration à l’appui, à cette impossibilité de remédier à l’insalubrité de l’immeuble.

 

En l’espèce :

« si le CODERST a rendu un avis favorable au projet d’arrêté préfectoral déclarant la constitution d’un périmètre insalubre, il ressort des pièces du dossier qu’il ne s’est prononcé que sur l’interdiction définitive d’habiter les parcelles et les installations qui y sont édifiées ainsi que sur la démolition des dites installations sans conclure à l’impossibilité de remédier à l’insalubrité. Dans ces conditions, eu égard à la nature des parcelles qui constituent, contrairement à ce que soutient le préfet, des immeubles aux sens des dispositions précitées, à la nature des locaux et installations utilisés aux fins d’habitation constitués de caravanes ou mobil homes non déplaçables, le moyen tiré de l’illégalité de l’avis du CODERST est de nature, en l’état de l’instruction, à faire naître un doute sérieux quant à la légalité de la décision litigieuse. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, d’ordonner la suspension de l’exécution de la décision attaquée. »

 

Ce tribunal a donc suspendu l’exécution de l’arrêté du 12 février 2019 par lequel le préfet de Tarn-et-Garonne avait déclaré insalubre et interdit l’utilisation de locaux et installations à usage d’habitation dans quatre lieux-dits de la commune de Labastide-Saint-Pierre, interdisant toute utilisation de ces parcelles, et ordonné aux propriétaires de procéder au relogement des occupants (des gens du voyage) et de démolir les installations existantes.

 

Nous étions en référé ; il fallait donc une urgence, d’une part, et un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté attaqué, d’autre part.

La condition d’urgence, qui s’apprécie concrètement, est remplie lorsque la décision contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation du requérant ou aux intérêts qu’il entend défendre. En l’espèce, le juge des référés du TA de Toulouse a considéré que cette première condition était satisfaite, dès lors que l’arrêté du 12 février 2019, qui interdit l’utilisation et ordonne la démolition des locaux et installations de ces lieux-dits porte une atteinte grave et immédiate tant au droit de propriété qu’au droit au logement. Il a notamment relevé que l’administration ne justifiait pas des conditions de relogement des occupants ni d’ailleurs de l’insécurité alléguée des habitations ou des risques avérés et existants.

La création d’un périmètre d’insalubrité par le préfet du département est soumise à l’avis de la commission départementale compétente en matière d’environnement, de risques sanitaires ou technologiques (CODERST) qui doit conclure à l’impossibilité de remédier à l’insalubrité du périmètre, en vertu des dispositions des articles L. 1331-25 et L. 1331-28 du code de la santé publique. L’agence régionale de santé avait rendu rapport le 6 décembre 2018 proposant la création d’un tel périmètre en laissant un délai d’un an pour que les parcelles soient définitivement interdites d’habitation. En l’espèce, il ressortait des pièces du dossier que, si la commission avait rendu un avis favorable au projet d’arrêté prononçant une interdiction définitive d’habiter les parcelles et les installations qui y sont édifiées et ordonnant la démolition des dites installations, la CODERST ne s’était pas prononcée sur l’impossibilité de remédier à l’insalubrité du périmètre, en méconnaissance des dispositions du code de la santé publique.

Compte tenu de la nature des biens en cause, caravanes ou mobil homes non déplaçables qui constituent des immeubles, le juge des référés a considéré que l’illégalité de l’avis de la CODERST était de nature à faire naître un doute sérieux sur la légalité de l’arrêté attaqué et, ainsi, justifier la suspension de son exécution, dans l’attente du jugement au fond des quatre requêtes dont il était saisi par quarante requérants.

Bref, en matière de RHI : à l’impossible, nul n’est tenu. Mais encore le CODERST doit-il démontrer cette impossibilité. 

Voici ces quatre ordonnances n° 19026211902622 1902623 et 1902624 rendues par le juge des référés du Tribunal administratif de Toulouse le 11 juin 2019 :