Liberté d’expression des élus locaux : de plus en plus de marges de manoeuvre… mais — fort heureusement bien sûr — sans aller jusqu’à avoir un quelconque droit au négationnisme. Il s’agit d’une jurisprudence constante, certes, mais qu’il était bon de rappeler car récemment la CEDH avait fortement fait avancer les droit d’expression des élus au détriment au besoin de la vérité.
Les élus locaux, notamment minoritaires, ont de plus en plus de droit d’expression, notamment dans l’arène politique (expression partisane, expression dans les chambres). En effet, la CEDH (et, même, le TUE) censurent souvent le droit pénal français en matière de diffamation au nom du droit à l’expression et, à mi-mots, du besoin d’avoir des lanceurs d’alerte.
Pour voir quelques exemples, cf. :
- voir par exemple CEDH, 7 septembre 2017, Lacroix c/ France, n°41519/12. Voir aussi TUE, 31 mai 2018, aff. T-770/16 et T-352/17.
- La liberté d’expression, toujours plus conquérante face à la protection contre l’injure, la diffamation ou le trouble à l’ordre public (jugements TUE du 31 mai 2018)
- La CEDH ouvre les vannes de l’invective et de la diffamation dans la vie des assemblées locales
Mais même l’invective ou la provocation ont un regain de droit de cité. Voir par exemple :
- Cass. crim., 7 juin 2017, 16-80322, Publié au bulletin : cass crim marianne voilée 201706
- Voiler Marianne en une de Valeurs actuelles ne constituait pas une provocation à la haine raciale, selon la Cour de cassation
au point que pour certains régimes juridiques, comme celui de la liberté de ton des élus d’opposition, les élus de la majorité marchent sur des oeufs (avec interdiction de les casser). Voir par exemple :
- Le maire doit s’assurer que l’opposition ne dérape pas dans le bulletin municipal, mais avec modération
- Une nouvelle décision de Justice pour censurer les atteintes aux droits de l’opposition municipale
Certes le droit relatif aux infos (« fake news ») a-t-il été renforcé, mais dans des cas limités (lois du 22 décembre 2018 ; art. L. 163-2 C. électoral ; TGI Paris 17/5/19 n° 19/53935). Voir :
- Lois fake news / infox et période électorale : premier référé
- Fake news en période électorale : le décret au JO de ce matin (avec une compétence centralisée au TGI de Paris)
- Voici les textes des lois anti-fake news, publiées au JO d’hier
Donc les défenseurs de la liberté d’expression (que nous chérissons tous) sont sensibilisés au risque, réel, de glisser vers un droit à diffamer ou à proférer les pires insanités ou dénis de l’histoire.
Il est donc rassurant de voir que la CEDH a confirmé que tenir, publiquement pour un élu local, des propos négationnistes relève bien de l’abus du droit de la liberté d’expression. Bref, pas de mensonge négationniste sous couvert de la nécessaire liberté d’expression reconnue aux élus locaux.
Cet arrêt est confirmatif de toute une jurisprudence antérieure CEDH, 10 novembre 2015, n° 25239/13 ; CEDH, 31 janvier 2019, n° 64496/17.
Pour un cas plus complexe cependant, voir CEDH, 15 octobre 2015, n° 27510/08 et lire le commentaire « Il y aurait donc génocide et génocide… » par Farah SAFI, in Droit pénal n° 11, Novembre 2015, comm. 139).
Voir aussi en droit français : Cass. crim., 6 octobre 2015, n° 15-84.335 ; Cass. civ. 1, 16 octobre 2013, n° 12-35.434 ; TGI Paris, 17e ch. corr., 6 juin 2017, n° 14356000489 ; TGI Paris, 17e ch. corr., 14 mars 2017, aff. Alain S., n° 16113000426 ; ; TGI Paris, 17e ch. corr., 25 janvier 2017, n° 16039000585 ; TGI Paris, 17e ch. corr., 23 novembre 2016, n° 14304000511…
VOIR CETTE DÉCISION :
CEDH, Grande Chambre, 3 octobre 2019, n° 55225/14 :