Dépistage systématique, chloroquine et matériels de protection : rejet des demandes par le TA de La Martinique (conforme à la position du CE ; contraire à la position du TA de La Guadeloupe)

A rebours de la position du TA de La Guadeloupe, le Conseil d’Etat, au niveau des mesures nationales, puis le TA de La Martinique, au niveau des mesures locales, ont refusé toute demande en référé liberté portant sur un durcissement des mesures administratives actuelles ou sur des achats ou usages massifs de produits tels que l’hydroxychloroquine ou l’azithromycine.

 

La semaine passée, le TA de La Guadeloupe avait surpris la France entière en condamnant un CHU, en référé liberté, à passer commande de tests de dépistage et de traitements par l’hydroxychloroquine et l’azithromycine. Voir :

 

 

Mais cette position était en net décalage avec d’autres, émanant du Conseil d’Etat :

• CE, ord., 28 mars 2020, n° 439765, n° 439693 et n°439726 [3 esp. distinctes]
voir le Conseil d’Etat, par trois ordonnances, refuse des demandes d’injonctions faites à l’Etat en matière de matériel professionnels de santé, de tests dépistage et d’hydroxychloroquine 

• CE, ord., 29 mars 2020, n° 439798 :
Covid-19 : le juge du référé liberté peut-il contraindre l’Etat… à nationaliser ? 

• NB et pour le droit antérieur à la loi du 23 mars 2020, voir • CE, ord., 22 mars 2020, n° 439674) a déjà statué, certes indirectement, sur le pouvoir exercé face au Covid-19.
Voir : Covid-19 : les mesures prises à la mi-mars étaient-elles légales ? [VIDEO + article]  et voir surtout Le Conseil d’Etat vient de rendre sa décision en référé liberté sur le caractère suffisant, ou non, des mesures actuelles contre le Coronavirus Covid-19. 

 

Or, voici qu’un autre TA, celui de la Martinique cette fois, va à rebours de la position du TA guadeloupéen.

Saisi en urgence, ce tribunal administratif, statuant en chambre des référés, a rejeté la demande visant à ordonner aux autorités sanitaires et médicales de la Martinique :

  • de mettre en œuvre un dépistage systématique du coronavirus,
  • de procéder à des commandes massives de chloroquine
  • et de prendre des mesures complémentaires pour la mise à disposition de la population de matériels de protection (masques de protection et gel hydroalcoolique).

Le Tribunal administratif avait été saisi lundi 30 mars 2020, en référé liberté, par deux associations, un syndicat et un particulier, afin d’enjoindre au préfet de la Martinique, à l’agence régionale de la santé et au centre hospitalier universitaire plusieurs séries de mesures pour faire face à la crise sanitaire : mise en place d’un dépistage systématique du Covid-19, accès de personnels de santé étrangers, commande de doses massives d’hydroxychloroquine et d’azithromycine pour le traitement de 200 000 patients, mise à disposition de matériels de protection (masques et gel hydroalcoolique) pour l’ensemble de la population exposée au public, communication d’informations personnelles sur les personnes atteintes du Covid-19, la dotation de 500 respirateurs, et désinfection des lieux accueillant du public.

L’audience s’est tenue mercredi 1er avril 2020 de 9 h 00 à 12 h 00 au Tribunal administratif de la Martinique. Les débats riches et nourris ont permis aux juges des référés d’entendre toutes les parties qui ont pu s’exprimer longuement et répondre aux interrogations des magistrats. Des mesures de sécurité liées à l’état d’urgence sanitaire ont été mises en place conformément au plan de continuité d’activité.

La chambre des référés a rendu son ordonnance. Ce qui suit reprend largement le communiqué de ce tribunal, lequel :

  • rejette d’abord la demande de mise en place d’un dépistage systématique du Covid‑19. Il rappelle que ces tests de dépistage n’ont vocation à être pratiqués que dans la perspective de la sortie du confinement.Le tribunal constate en outre que l’agence régionale de santé de la Martinique a pris des mesures pour commander des tests de dépistage du Covid-19 supplémentaires, qui pourront être acheminés, notamment depuis la France hexagonale, grâce au maintien d’une liaison aérienne régulière, afin de renforcer, à brève échéance, les stocks disponibles.Il en conclut qu’il n’est pas démontré que, compte-tenu des mesures prises, les autorités publiques ne seraient pas en mesure d’organiser les dépistages nécessaires à l’issue du confinement.
  • observe que s’agissant de la venue de personnels de santé étrangers, le décret publié ce jour autorise le directeur de l’agence régionale de santé de la Martinique, à titre dérogatoire, dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, à délivrer des autorisations provisoires, permettant à des professionnels de santé ayant obtenu leur diplôme hors de l’Union Européenne, d’exercer en Martinique (Décret n° 2020-384 du 1er avril 2020 complétant le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire (NOR: SSAZ2008891D) https://www.legifrance.gouv.fr/eli/decret/2020/4/1/SSAZ2008891D/jo/texte). Voir aussi à ce sujet : Confinement, commerces et autres ERP, outre-mer, transports… Mise à jour au 02/04/2020 Le juge précise dans son communiqué qu’il ressort des débats à l’audience que le directeur de l’agence régionale de santé de la Martinique, après avoir identifié les besoins des établissements de santé, fera, le cas échéant, usage de cette compétence, qui nécessite toutefois une instruction préalable des éventuelles candidatures présentées.
  • rejette également la demande de commandes massives d’hydroxychloroquine et d’azithromycine. Il rappelle que les résultats des études réalisées sur ce traitement doivent être considérées avec prudence, tandis qu’il est dans le même temps avéré que l’usage de l’hydroxycholoroquine peut entraîner des effets indésirables susceptibles d’engager le pronostic vital des patients.En l’état de la réglementation en vigueur, l’hydroxychloroquine ne peut être administré aux patients atteints du Covid-19 que dans les cas les plus graves. Le Tribunal note que les stocks d’hydroxycholoroquine et d’azithromycine, détenus par le centre hospitalier universitaire de Martinique, sont suffisants pour permettre cet usage strictement encadré.
  • estime que la restriction des masques au profit des personnels soignants est justifiée par le nombre limité des stocks disponibles. Il observe qu’un réapprovisionnement, par le biais d’un avion ayant atterri à l’aéroport international de la Martinique Aimé Césaire le 31 mars 2020, permet de maintenir le stock de masques nécessaire à ce public prioritaire.Concernant le gel hydroalcoolique, il relève qu’à la date où il statue, aucune difficulté d’approvisionnement ne justifie l’édiction de mesures complémentaires pour continuer d’assurer la mise à disposition de la population.
  • rejette la demande de diffusion d’informations personnelles sur les personnes atteintes du Covid‑19. Le Tribunal constate que les services de l’Etat communiquent sur les chiffres de l’évolution de la maladie depuis que le premier cas a été diagnostiqué en Martinique. Il relève que la communication d’informations personnelles sur les personnes contaminées porterait gravement atteinte au secret médical et au droit au respect de la vie privée et ne présenterait aucun caractère utile à la lutte contre la propagation du virus.Le Tribunal relève que si la Martinique est dotée d’un nombre limité de respirateurs et de lits de réanimation, il résulte de l’instruction et des débats que le taux d’occupation de ces équipements est encore faible à ce jour, et que ces moyens vont être renforcés à brève échéance, grâce à la commande, par le centre hospitalier universitaire de Martinique, de respirateurs supplémentaires, qui pourront être acheminés depuis la France hexagonale grâce au maintien d’une liaison aérienne, et à la mise à disposition, dans la zone Antilles-Guyane, du porte-hélicoptères Dixmude, doté de lits et de matériel médical.
  • rejette la demande de désinfection de lieux accueillant du public. Il relève que les gestionnaires, publics et privés, des lieux accueillant du public assurent leur nettoyage régulier et qu’il n’est pas démontré que leur désinfection nécessiterait des mesures complémentaires.

 

TA de La Martinique, 1er avril 2020, n° 2000186 :

http://martinique.tribunal-administratif.fr/content/download/169771/1695539/version/1/file/2000186%20-%20Assaupamar%20vf.pdf

 

 

MISE À JOUR AU 5/4/2020

VOIR

• CE, ord., 4 avril 2020, n° 439904, 439905
Chloroquine : le Conseil d’Etat siffle la fin de la dissidence du TA de La Guadeloupe