L’Etat, selon son Conseil, n’a pas à être contraint à nationaliser. Ce n’est pas dans les cordes du juge des référés libertés, selon la Haute Assemblée. Très critiquée par certains (voir ici et là), l’ordonnance qui sur ce point vient d’être rendue par le Conseil d’Etat est loin d’être une surprise pour le juriste et elle n’est pas non plus sans logique.
Les demandes des requérants (le parti Debout la France d’une part et son président M. Nicolas Dupont-Aignan, d’autre part) allaient de la demande
- banale mais avec le risque de se faire répondre que le Gouvernement fait déjà le maximum ( « enjoindre […] de prendre toutes mesures de nature à augmenter la production nationale de masques en vue de leur distribution massive et […] d’adopter sans délai toutes les mesures susceptibles d’accroître la production de tests de dépistage du Covid-19 ; »… et il est vrai qu’il s’est trouvé un TA pour accueillir une demande comparable, mais au stade des achats d’un CHU ( voir TA de La Guadeloupe, ord., 27 (28 selon ce tribunal, 27 selon le texte de l’ordonnance…) mars 2020, n°2000295 : COVID 19 : un TA impose à son CHU la commande de tests de dépistage et de traitements par l’hydroxychloroquine et l’azithromycine ! )
- à la demande hardie, à savoir « enjoindre au Premier ministre de faire racheter la société Famar et la
société Luxfer »
Les demandes « modérées » des deux requérants n’avaient guère de chance ce prospérer à la lumière de la décision précédente du Conseil d’Etat (CE, ord., 22 mars 2020, n° 439674) a déjà statué, certes indirectement, sur le pouvoir exercé face au Covid-19. Voir :
- Covid-19 : les mesures prises à la mi-mars étaient-elles légales ? [VIDEO + article]
- Le Conseil d’Etat vient de rendre sa décision en référé liberté sur le caractère suffisant, ou non, des mesures actuelles contre le Coronavirus Covid-19.
… confirmée d’ailleurs par d’autres décisions le lendemain, le 28 mars 2020 :
Plus intéressante, quoiqu’au résultat couru d’avance, était l’autre question : peut-on en référé liberté imposer la nationalisation forcée ou amiable d’entreprises privées ?
Il faut rappeler que les mesures d’urgence en cause face au Covid-19 sont pour l’essentiel des mesures de police. Normalement, pour résumer une question complexe, comme toujours en matière de pouvoirs de police, le juge applique :
- un contrôle de proportionnalité, d’autant plus strict que les libertés publiques sont en cause (voir par exemple les conclusions de Mme Laurence Marion sur l’arrêt du Conseil d’Etat, n°403275 Ligue des droits de l’homme c/ Commune de la Madeleine, 15 novembre 2017 ; cf. l’arrêt de référence CE, 19 mai 1933, Benjamin et Syndicat d’initiative de Nevers, n° 17413, p. 541 et une ample jurisprudence depuis lors)….
- mais avec un contrôle limité à une « atteinte grave et manifestement illégale » à une liberté fondamentale, dans le cadre d’un référé liberté.
Bref, le juge va loin dans le contrôle de proportionnalité, mais encore faut-il qu’il y ait atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale.
S’agissant de cette pandémie, nous avons, par exemple, pour le confinement, d’un côté la liberté d’aller et de venir et de l’autre la protection de la santé protégée par la Constitution via le préambule à la Constitution de 1946, intégré à notre Ordre constitutionnel (voir par exemple Décision n° 74-54 DC du 15 janvier 1975
Loi relative à l’interruption volontaire de la grossesse).
Pour la protection, les questions de masques, de dépistage… nulle liberté d’aller-et-venir. Mais la balance est entre d’autres libertés (celle du commerce et de l’industrie, par exemple, et les articles 2 et 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen, d’autre part, imposant des conditions aux nationalisations et réquisitions… voir ici) et le droit à la santé, dirons les uns, ou droit à la vie, selon les requérants en l’espèce, ce qui est un glissement sémantique important et moins lié aux formulations précises du bloc constitutionnel mais évoque sans doute l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales).
Mais sur les questions très techniques, et en période d’urgence, le juge hésite en général à trop rentrer dans les débats scientifiques au point d’entraver l’action gouvernementale en situation d’urgence.
Sur les mesures en matière de masques, dits FFP2, le Conseil d’Etat constate que :
« malgré les mesures prises pour renforcer la production nationale et pour procéder à l’importation de masques à partir des principaux pays fournisseurs, dont la Chine d’où est partie l’épidémie, il a été constaté une situation de pénurie à la suite de laquelle ont été pris les décrets des 3 et 13 mars 2020 relatif aux réquisitions nécessaires dans le cadre de la lutte contre le virus covid-19, dont les dispositions ont été reprises par le décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, et complétées par le décret du 27 mars 2020. Ces réquisitions, qui sont applicables jusqu’au 31 mai 2020, portent sur les stocks de masques, notamment de type FFP2 détenus par toute personne morale de droit public ou de droit privé, et par ailleurs, de masques anti-projections détenus par les entreprises en assurant la fabrication ou la distribution ainsi que sur les matières premières nécessaires à leur fabrication. A ces mesures, s’ajoutent les commandes portant sur plusieurs centaines de millions de masques, annoncées les 21 et 28 mars 2020 et dont les premières livraisons sont attendues prochainement.
« Le moyen tiré de l’existence d’une carence caractérisée dans la production et la mise à disposition de masques n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé. Les conclusions aux fins d’injonction correspondantes ne peuvent, dès lors qu’être rejetées. »
Tout va donc bien, ironise en ligne un de nos confrères. Disons plutôt que le Conseil d’Etat, dans l’office très limité du juge des référés libertés qui est le sien, et face à une requête imprécise selon lui, constate que le Gouvernement fait son possible sans qu’en fait on ait une carence assez grande pour entamer la marge de manoeuvre que laisse le juge aux gouvernants en pareilles circonstances. Dès l’ordonnance précitée du 22 mars 2020, ce résultat était couru d’avance, et nul doute que le requérant ne l’ignorait nullement.
Idem pour la production de tests ensuite dans le raisonnement du juge.
Plus intéressante mais aussi plus hardie était la demande d’enjoindre à l’Etat de procéder au rachat de deux « entreprises en difficulté, la société Famar, en raison de ce qu’elle serait la seule usine fabriquant en France de la chloroquine, et la société Luxfer, en raison de ce qu’elle serait la seule entreprise en France à produire les bouteilles contenant l’oxygène nécessaire pour alimenter les appareils de réanimation ».
Passons sur le fait que ces entreprises, vu leur marché, ont des chances de ne pas être encore en difficultés dans quelques semaines.
Concentrons nous sur la réponse du Conseil d’Etat :
« Toutefois, alors même qu’il est possible pour l’Etat de décider de se porter acquéreur à l’amiable de la majorité du capital d’une entreprise par décret, sur le fondement des dispositions de l’article 24 de l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, le vote préalable d’une loi de nationalisation n’étant nécessaire que pour procéder à une acquisition forcée, une telle décision, non provisoire, qui n’est à l’évidence pas la seule de cette nature susceptible de sauvegarder l’exercice effectif de la liberté invoquée et n’est, en tout état de cause et au demeurant pas susceptible d’avoir l’effet allégué par les requérants à bref délai, n’entre pas dans la catégorie de celles qu’il est dans les pouvoirs du juge des référés d’ordonner. »
Bref, la nationalisation ne relève pas du juge des référés libertés, ce qui ne surprendra personne et il faut vraiment avoir la dent très très dure contre le Palais Royal ou faire mine de méconnaître l’office du juge du référé liberté pour brocarder, sur ce point précis, la position du Conseil d’Etat.
Voici cette ordonnance :
CONSEIL D’ETAT statuant au contentieux
N° 439798 __
Ordonnance du 29 mars 2020
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE JUGE DES RÉFÉRÉS
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 26 mars 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le parti « Debout la France » et M. Nicolas Dupont-Aignan demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) d’enjoindre au Premier ministre et au ministre des solidarités et de la santé, en premier lieu, de prendre toutes mesures de nature à augmenter la production nationale de masques en vue de leur distribution massive et, en second lieu, d’adopter sans délai toutes les mesures susceptibles d’accroître la production de tests de dépistage du Covid-19 ;
2°) d’enjoindre au Premier ministre de faire racheter la société Famar et la
société Luxfer ;
3°) d’enjoindre au Premier ministre et au ministre de l’intérieur d’ordonner, à densité de population égale, l’application uniforme sur tout le territoire national des contrôles et des sanctions relatifs au respect du confinement ;
4°) de mettre à la charge de l’Etat la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que : – la condition d’urgence est remplie eu égard au caractère préoccupant de la situation française, à l’augmentation exponentielle du nombre de patients infectés par le Covid-19 et aux déclarations du directeur général de la santé qui évoque un doublement des cas tous les jours ;
N° 439798 2 – il est porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la vie rappelé notamment par l’article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales – les mesures prises par le gouvernement pour assurer la production massive de masques et de tests de dépistages sont insuffisantes ; – la carence de l’Etat consistant à ne pas nationaliser la société Famar, productrice de chloroquine, porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie et au droit à la santé dès lors qu’elle expose les français au risque de ne pas disposer de ce traitement s’il s’avère utile ; – la carence de l’Etat consistant à ne pas nationaliser la société Luxfer, productrice de bouteilles d’oxygène nécessaires au fonctionnement des appareils de réanimation, porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie et au droit à la santé dès lors qu’elle expose les français à un risque de pénurie ; – il apparaît que le confinement n’est pas uniformément respecté en méconnaissance des dispositions du décret du 23 mars 2020 relatif au cadre de l’état d’urgence sanitaire et, d’autre part, du principe de l’égalité de traitement.
Par un mémoire en intervention et des nouveaux mémoires, enregistrés les 27, 28 et 29 mars 2020, sous le n° 439806, M. X conclut à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la requête par les mêmes moyens.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 27 mars 2020, sous le n° 439807, M. XXXX concluent à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la requête par les mêmes moyens.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 27 mars 2020, sous le n° 439808, Mme X conclut à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la requête par les mêmes moyens.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 27 mars 2020, Mme Catherine Faudon conclut à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la requête par les mêmes moyens.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 27 mars 2020, M. X conclut à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la requête par les mêmes moyens.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 27 mars 2020, M. X conclut à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la requête par les mêmes moyens.
Par un mémoire en intervention, enregistré le 28 mars 2020, Mme X conclut à ce qu’il soit fait droit aux conclusions de la requête par les mêmes moyens.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu : – la Constitution ; – la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés
fondamentales ;
N° 439798 3 – le code de la santé publique ; – l’ordonnance n° 2014-948 du 20 août 2014 ; – le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ; – le décret n° 2020-344 du 27 mars 2020 ; – le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit :
Sur les interventions:
Les conclusions de M. XXXXX sont recevables et doivent par suite être admises. Il en va de même des interventions de Mme XXXXX
Sur l’office du juge des référés et les libertés fondamentales en jeu :
Aux termes de l’article L. 521-2 du code de justice administrative : « Saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ». L’article L. 522-3 du même code dispose en outre que « Lorsque la demande ne présente pas un caractère d’urgence ou lorsqu’il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu’elle est irrecevable ou qu’elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu’il y ait lieu d’appliquer les deux premiers alinéas de l’article L. 522-1. »
Il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 511-1 et L. 521-2 du code de justice administrative qu’il appartient au juge des référés, lorsqu’il est saisi sur le fondement de l’article L. 521-2 et qu’il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, résultant de l’action ou de la carence de cette personne publique, de prescrire les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte, dès lors qu’existe une situation d’urgence caractérisée justifiant le prononcé de mesures de sauvegarde à très bref délai et qu’il est possible de prendre utilement de telles mesures. Celle-ci doivent, en principe, présenter un caractère provisoire, sauf lorsque aucune mesure de cette nature n’est susceptible de sauvegarder l’exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le caractère manifestement illégal de l’atteinte doit s’apprécier notamment en tenant compte des moyens dont dispose l’autorité administrative compétente et des mesures qu’elle a déjà prises.
Pour l’application de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le droit au respect de la vie constitue une liberté fondamentale au sens des dispositions de cet article.
Sur les circonstances :
L’émergence d’un nouveau coronavirus, responsable de la maladie à coronavirus 2019 ou covid-19, de caractère pathogène et particulièrement contagieux, a été qualifiée d’urgence de santé publique de portée internationale par l’Organisation mondiale de la santé le 30 janvier 2020, puis de pandémie le 11 mars 2020. La propagation du virus sur le territoire français a conduit le ministre des solidarités et de la santé puis le Premier ministre à prendre, à compter du 4 mars 2020, des mesures de plus en plus strictes destinées à réduire les risques de contagion. Le législateur, par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, a déclaré l’état d’urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020 .Par un nouveau décret du 23 mars 2020 pris sur le fondement de l’article L. 3131-15 du code de la santé publique issu de la loi du 23 mars 2020, le Premier ministre, après avoir imparti l’observation de mesures d’hygiène et de distanciation sociale, a réitéré les mesures qu’il avait précédemment ordonnées tout en leur apportant des précisions ou restrictions complémentaires. Ce décret a été modifié en dernier lieu par un décret du 27 mars 2020 qui, notamment, en a prolongé l’application et a permis la réquisition de matières premières nécessaires à la fabrication de masques de protection respiratoire et anti-projections.
Sur les mesures sollicitées par les requérants :
Le parti « Debout la France » et M. Dupont-Aignan demandent au juge des référés du Conseil d’Etat, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, en faisant valoir que les carences qu’ils constatent portent une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie, d’enjoindre au Premier ministre, au ministre de la santé et au ministre de l’intérieur d’adopter les mesures nécessaires pour produire massivement des masques de protection et des tests de dépistage, nationaliser les sociétés Famar et Luxfer et faire respecter de manière uniforme sur le territoire national les mesures de confinement et les sanctions applicables.
En ce qui concerne la production de masques :
Les requérants soutiennent que « la production de masques même non médicaux est indispensable, faute de mieux » et que cette production est « manifestement encore insuffisante ».
Il résulte en particulier des déclarations du ministre de la santé que lors du début de l’épidémie de covid-19, le stock d’Etat ne comportait que 117 millions de masques antiprojections aussi dit chirurgicaux, qui ont avant tout pour fonction de protéger les personnes en contact avec les porteurs du masque, et aucun stock stratégique de masques dits FFP2, conçus plus spécifiquement pour protéger le porteur lui-même, ces deux types de masques ayant une durée d’usage limitée à quelques heures. Malgré les mesures prises pour renforcer la production nationale et pour procéder à l’importation de masques à partir des principaux pays fournisseurs, dont la Chine d’où est partie l’épidémie, il a été constaté une situation de pénurie à la suite de laquelle ont été pris les décrets des 3 et 13 mars 2020 relatif aux réquisitions nécessaires dans le cadre de la lutte contre le virus covid-19, dont les dispositions ont été reprises par le décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, et complétées par le décret du 27 mars 2020. Ces réquisitions, qui sont applicables jusqu’au 31 mai 2020, portent sur les stocks de masques, notamment de type FFP2 détenus par toute personne morale de droit public ou de droit privé, et par ailleurs, de masques anti-projections détenus par les entreprises en assurant la fabrication ou la distribution ainsi que sur les matières premières nécessaires à leur fabrication. A ces mesures, s’ajoutent les commandes portant sur plusieurs centaines de millions de masques, annoncées les 21 et 28 mars 2020 et dont les premières livraisons sont attendues prochainement.
Le moyen tiré de l’existence d’une carence caractérisée dans la production et la mise à disposition de masques n’est pas assorti des précisions permettant d’en apprécier le bien-fondé. Les conclusions aux fins d’injonction correspondantes ne peuvent, dès lors qu’être rejetées.
En ce qui concerne la production de tests :
Les requérants soutiennent que les mesures prises par le gouvernement ne sont pas de nature à garantir l’approvisionnement suffisant en tests « pour dépister massivement la situation ».
Il résulte notamment de la conférence de presse du ministre des solidarités et de la santé du 21 mars 2020, d’une part, que les autorités ont pris les dispositions avec l’ensemble des industriels en France et à l’étranger pour augmenter les capacités de tests dans les meilleurs délais, et les diversifier notamment pour permettre qu’un grand nombre puissent être pratiqués dans les laboratoires de biologie médicale, dans la perspective de la sortie du confinement qui n’interviendra pas avant le 15 avril prochain. Les conclusions aux fins d’injonction ne peuvent, par suite, eu égard aux pouvoirs que le juge des référés tient des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, qu’être, en tout état de cause, rejetées.
En ce qui concerne le rachat des sociétés Famar et Luxfer :
Les requérants soutiennent que l’Etat doit procéder au rachat de deux entreprises en difficulté, la société Famar, en raison de ce qu’elle serait la seule usine fabriquant en France de la chloroquine, et la société Luxfer, en raison de ce qu’elle serait la seule entreprise en France à produire les bouteilles contenant l’oxygène nécessaire pour alimenter les appareils de réanimation. Toutefois, alors même qu’il est possible pour l’Etat de décider de se porter acquéreur à l’amiable de la majorité du capital d’une entreprise par décret, sur le fondement des dispositions de l’article 24 de l’ordonnance du 20 août 2014 relative à la gouvernance et aux opérations sur le capital des sociétés à participation publique, le vote préalable d’une loi de nationalisation n’étant nécessaire que pour procéder à une acquisition forcée, une telle décision, non provisoire, qui n’est à l’évidence pas la seule de cette nature susceptible de sauvegarder l’exercice effectif de la liberté invoquée et n’est, en tout état de cause et au demeurant pas susceptible d’avoir l’effet allégué par les requérants à bref délai, n’entre pas dans la catégorie de celles qu’il est dans les pouvoirs du juge des référés d’ordonner.
En ce qui concerne l’application des mesures déjà prises :
Les requérants font état de nombreux témoignages, qu’ils ne produisent pas, et de déclarations prêtées à un membre du gouvernement par un article de presse, selon lesquels les dispositions du décret du 23 mars 2020 restreignant les déplacements ne seraient pas appliquées dans certaines parties du territoire et leur méconnaissance non sanctionnée.
Le non-respect par la population des « gestes barrière » imposés par les autorités sanitaires et des interdictions de déplacement, alors qu’il appartient à chaque personne d’empêcher la propagation du virus, ne saurait constituer une carence manifeste des pouvoirs publics. Il appartient néanmoins à ces derniers de mettre en place les mesures d’organisation et de déploiement des forces de sécurité de nature à permettre de sanctionner sur l’ensemble du territoire les contrevenants aux arrêtés ministériels et au décret du 23 mars 2020 et il n’apparaît pas qu’une décision de principe ait été prise de ne procéder à aucun contrôle ou à des contrôles restreints dans certaines parties du territoire, ni de ne pas sanctionner la méconnaissance des interdictions. Par suite, les conclusions à fin d’injonction doivent également sur ce point être rejetées.
Il résulte de tout ce qui précède qu’il est manifeste que la demande du parti « Debout la France » et de M. Dupont-Aignan doit être rejetée et qu’il y a lieu de la rejeter selon la procédure prévue à l’article L. 522-3 du code de justice administrative, y compris les conclusions présentées au titre des dispositions de l’articles L. 761-1 du même code.
O R D O N N E : ——————
Article 1er : Les interventions de M. XXXXX sont admises.
Article 2 : La requête du parti « Debout la France » et de M. Dupont-Aignan est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au parti « Debout la France », à M. Nicolas Dupont-Aignant, M. XXXXX au Premier ministre, au ministre des solidarités et de la santé et au ministre de l’intérieur.
Fait à Paris, le 29 mars 2020
Signé : XXX