Un magistrat administratif peut-il, à titre accessoire, pour une personne publique, assurer une mission « d’écoute, de conseil et d’accompagnement » ?
Réponse : non. Tel est en tous cas l’avis récent, en ce sens, du collège de déontologie de la juridiction administrative :
Avis n° 2020/3 du 9 septembre 2020
En réponse à la demande dont il a été saisi par un magistrat administratif, le Collège a émis l’avis suivant :
« Monsieur le Président,
I.- Président de chambre dans un tribunal administratif, vous êtes sollicité par un important syndicat mixte de la région parisienne -régi par les dispositions des articles L. 5721-1 et suivants du Code général des collectivités territoriales- qui vous propose de remplir pour son compte, parallèlement à la poursuite de votre activité juridictionnelle, une mission que, dans la demande d’avis que, sous couvert de votre chef de juridiction, vous avez transmise au Collège le 1er septembre 2020, vous définissez comme une «mission d’écoute, de conseil et d’accompagnement».
Dans le projet de lettre de mission qu’il vous a adressé et que vous avez joint à votre demande d’avis, le directeur général de cet établissement public -qui vient de prendre ces fonctions- estime que le fonctionnement actuel n’est pas satisfaisant ; il évoque ainsi « une perte du lien entre le syndicat et certaines de ses collectivités adhérentes ainsi qu’une souffrance au travail » ; il souhaite « faire évoluer l’organisation avec pour objectif de reconstruire des liens de confiance et de coopération en interne pour favoriser la transversalité, de promouvoir et développer les actions du syndicat auprès des collectivités franciliennes, mais également redonner sens et perspectives au travail des agents ». Il vous propose en conséquence « une mission d’écoute, de conseil et d’accompagnement afin de faire un bilan sur l’organisation des services (…) et la faire évoluer dans un souci de transversalité, de représentativité et d’efficacité rendue nécessaire par les enjeux de transition et les difficultés qu’a traversées le syndicat » et indique que cette « expertise » « d’une durée globale de 6 mois » « devra permettre d’analyser la situation, de disposer de propositions d’évolutions de l’organigramme et des process internes, de rédiger et mettre en place les procédures permettant d’atteindre les objectifs ».
II.- Il résulte de l’ensemble du chapitre VII («Obligation d’exclusivité et activités accessoires») de la Charte de déontologie de la juridiction administrative ainsi que de la « jurisprudence » du Collège qu’un magistrat administratif ne peut, parallèlement à ses fonctions juridictionnelles, exercer « à titre accessoire » une activité professionnelle rémunérée qu’à la double condition :
– que la nature et l’objet de cette activité aient un lien suffisant avec ses fonctions et, plus généralement, ne soulèvent pas d’objection d’ordre déontologique,
– et que son exercice concret et notamment les charges qu’elle implique ne compromettent pas sa disponibilité pour l’exercice de ses attributions juridictionnelles.
Au cas d’espèce, alors même que la mission qui vous est proposée serait exercée pour le compte d’un établissement public et ne serait pas étrangère à des fins d’intérêt général, elle serait, par sa nature et son objet -qui évoquent l’activité d’un cabinet de conseil- trop éloignée des fonctions d’un magistrat administratif pour pouvoir être regardée comme une « activité accessoire » au sens du chapitre VII de la Charte.
Aussi le Collège est-il d’avis que l’acceptation de cette mission ne serait pas conforme à la déontologie de la juridiction administrative.
Je vous prie, M. le Président, de bien vouloir agréer l’expression de mes sentiments les meilleurs. »