Finalement, à court terme, la loi ne va pas assouplir le droit des élections départementales et régionales (pas de vote par correspondance notamment, pas de double procuration avec mandataire hors de la circonscription au besoin, pas de doublement du nombre de bureaux de vote…).
Le Gouvernement et l’Assemblée Nationale ont préféré que ces points ne soient pas insérés dans la loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire… pour être traités par la « commission Debré »… ce qui est insensiblementdevenu (disparition de la « commission ») le « rapport Debré » remis au Premier Ministre. Avec une proposition de report à juin des élections départementales et régionales, mais… mais pas que.
Revenons en détail sur tout ceci avec une mise à jour car la commission des lois du Sénat vient de créer une mission d’information pour évaluer la faisabilité du vote par correspondance
- I. Le problème
- II. Le mandat donné à Jean-Louis Debré (21-22 octobre)
- III. La contre-offensive sénatoriale, qui semblait dépasser pour partie les clivages partisans (28 octobre)
- IV. la riposte du Gouvernement et de l’A.N. (du 2 au 9 novembre)
- V. Le « rapport Debré » (13 novembre)
- VI. Le Sénat se penche sur le vote par correspondance (18 novembre)
I. Le problème
Entre les difficultés pandémiques et quelques paramètres politiques… le Landerneau territorial bruisse, surtout depuis la fin de l’été, de rumeurs sur un possible report des élections départementales et régionales de 2021.
Sept présidents de département, majoritairement de la région Grand Est, ont plaidé pour un report de ces élections. D’autres élus ont ensuite exprimé l’opinion contraire.
A côté de ce débat, s’en ouvrent d’autres : faut-il passer au vote électronique ? Par correspondance ? Ou à l’ouverture des bureaux de vote sur plusieurs jours pour mieux respecter les gestes et distances barrière ? Et à chaque fois, quelles sont les limites constitutionnelles ?
Nous avions voulu, dès le début de la seconde moitié d’octobre, alors que commençait la polémique, vous faire partager la richesse des échanges que nous avons eus avec deux universitaires fameux à ce sujet. Ces universitaires sont :
- • Monsieur Didier Maus, Président émérite de l’Association française de droit constitutionnel
- • Monsieur Romain Rambaud, Professeur de droit public, Université Grenoble-Alpes ; auteur de « Droit des élections et des référendums politiques », LGDJ, Domat, 2019 ; fondateur du blog du droit électoral (https://blogdudroitelectoral.fr)
Voici en un peu plus de 8 mn, ces échanges qui sont encore d’actualité tant que le nouveau régime électoral à venir n’est pas réglé (il commence de l’être pour ce qui est des dates des élections, et encore… mais il ne l’est pas sur le vote par correspondance, sur les procurations, sur le nombre de bureaux de vote…) :
II. Le mandat donné à Jean-Louis Debré
Une commission associant « l’ensemble des forces politiques » devait examiner ce sujet, a très vite, dès le début de la polémique, annoncé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.
Puis entre le 21 et le 22 octobre on apprenait que c’est M. Jean-Louis Debré, ancien magistrat, ancien ministre, ancien président de l’Assemblée Nationale, ancien président du Conseil constitutionnel, qui allait donc en charge de présider la commission en charge d’examiner le report, ou non, voire l’aménagement, du scrutin des élections départementales et régionales de mars 2021, et ce pour cause de risque pandémique. Ou de déposer un rapport seul, sans création de commission (mais après auditions bien sûr)… les messages sont peu clairs à ce sujet.
Le Gouvernement parlait initialement de commission : mais le travail (avec certes moult concertations) est passé du travail en commission au travail en solo (plus adapté d’ailleurs à la temporalité de la mission ainsi confiée)…
III. La contre-offensive sénatoriale, qui semblait dépasser pour partie les clivages partisans
Puis, le 28 octobre, on apprenait que la Commission des lois du Sénat avait, de manière transpartisane, adopté un amendement (de son rapporteur, ancien président, M. Bas) au projet de loi sur la prorogation de l’état d’urgence sanitaire avec au menu de très, très forts assouplissements pour les prochaines élections départementales et régionales :
- en matière de procurations (deux procurations avec mandataire venant possiblement d’un autre bureau de vote)
- plus de bureaux de vote pour limiter les concentrations de population
- avec une introduction d’un vote possible par correspondance !
… Le but au Sénat étant si possible de maintenir les dates actuelles via un réaménagement, ce qui n’est pas nécessairement un point de vue totalement partagé par toutes les formations politiques. Mais le large consensus autour de cet amendement, qui fut ensuite confirmé au Sénat en plénière, pourrait sembler faire avancer le débat justement.
Voir :
IV. la riposte du Gouvernement et de l’A.N.
Mais Sénat et Assemblée Nationale ne se sont pas mis d’accord sur ce projet de loi de prorogation de l’état d’urgence sanitaire. Voir :
Ce qui après un passage sans encombre au Conseil constitutionnel conduisit à la loi n° 2020-1379 du 14 novembre 2020. Pour en savoir plus sur ce texte, voir :
… Surtout, toutes les innovations électorales introduites dans ce texte par le Sénat ont été supprimées par l’Assemblée nationale sous l’ombre portée du Gouvernement. Ce dernier a, alors, dit préférer que M. J.-L. Debré conduise ses travaux et que cette réflexion soit ensuite portée devant le Parlement…
V. Le rapport Debré
Puis M. J.-L. Debré a remis son rapport après avoir accompli une soixantaine d’auditions.
Il préconise :
- un report à fin juin des élections avec un suivi spécifique du cas guyanais et des point réguliers.
- d’envisager le développement du vote par correspondance ou par Internet (sans s’exprimer pour autant en faveur de ces régimes ; l’ancien Président du Conseil constitutionnel se contente de proposer que le débat soit mis sur la table).
- de reconduire et préciser le régime des procuration que l’on a connu en juin (deux procurations par personne ; procurations à domicile ; se posera la question de savoir si on autorise les procurations où le mandataire est d’un autre bureau de vote…).
- une majoration du plafond des dépenses électorales (puisque le comptes de campagne sont applicables depuis le 1er septembre 2020).
- que l’exécutif se fasse très vite une religion sur tout ceci (décision début décembre ; projet de loi début ou mi-décembre 2020).
Voici ces préconisations telle que résumées dans ce rapport :
Voici ce rapport :
Rapport de M. Jean-Louis DEBRÉ – 13.11.2020
VI. La commission des lois du Sénat crée une mission d’information pour évaluer la faisabilité du vote par correspondance
La commission des lois du Sénat a pris le relai en constituant une mission d’information pluraliste pour évaluer la faisabilité du vote à distance, en particulier en vue des élections régionales et départementales de 2021.
Cette mission aura notamment pour objet de s’interroger sur les conditions matérielles d’organisation du vote par correspondance, afin de déterminer dans quelle mesure le secret du vote et la sincérité du scrutin peuvent être pleinement assurés : vérification de l’identité des électeurs, acheminement et suivi des plis jusqu’au bureau de vote, organisation du dépouillement, coûts engendrés, etc.
Pour ce faire, elle auditionnera les services ministériels et des universitaires, ainsi que des acteurs de terrain, à commencer par les opérateurs du service postal. Elle examinera également le fonctionnement du vote par correspondance dans les pays étrangers comme les États-Unis, l’Allemagne ou la Suisse.
La mission d’information comprend 9 sénateurs représentant l’ensemble des groupes politiques du Sénat, majorité comme opposition.
La mission d’information rendra ses conclusions avant la fin de l’année 2020 (ce qui est dans les temps pour le débat parlementaire à venir mais qui sera plus tardif que les annonces gouvernementales normalement… ce qui n’est pas un hasard).
Vous devez être connecté pour poster un commentaire.