Les filiales d’un même groupe peuvent, plus facilement qu’avant, répondre séparément à un appel d’offres public au regard du droit des pratiques anticoncurrentielles. Ce qui ne veut pas dire qu’une telle pratique n’est pas dangereuse en droit de la commande publique.

A la suite d’une décision de la CJUE précisant la jurisprudence au niveau européen, l’Autorité de la concurrence modifie sa pratique décisionnelle, qui interdisait jusqu’alors, sous peine de sanctions, à des filiales d’un même groupe de se coordonner en réponse à des appels d’offres…. une telle pratique n’est plus nécessairement une entente illicite. Mais elle peut cependant donner à sanctions, notamment en droit de la commande publique, et ce sous certaines conditions. 

 

A la suite d’un rapport d’enquête transmis par la DGCCRF, l’Autorité de la concurrence s’est saisie de pratiques mises en œuvre par des entreprises en réponse aux d’appels d’offres lancés par France AgriMer, qui est un établissement public national.

Entre 2013 et 2016, plusieurs sociétés appartenant alors au groupe Ovimpex (Dhumeaux, Mondial Viande Service, Vianov) ont déposé des offres en réponse aux marchés publics lancés par France AgriMer. Présentées comme distinctes et autonomes, ces offres étaient en réalité élaborées en commun.

L’Autorité considérait que pouvaient être sanctionnées au titre de la prohibition des ententes les pratiques consistant en la présentation au pouvoir adjudicateur d’offres en apparence indépendantes mais préparées de façon concertée par des entités appartenant à un même groupe.

Sources en ce sens : voir par exemple les décisions n° 03-D-07 du 4 février 2003; n° 08-D-29 du 3 décembre 2008 ; n° 10-D-04 du 26 janvier 2010 ; n° 18-D-02 du 19 février 2018.

Toutefois, dans un arrêt du 17 mai 2018 « Ecoservice projektai » UAB, C‑531/16, la Cour de justice de l’Union européenne a jugé que les règles de l’article 101 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (« TFUE »)  sont inapplicables aux pratiques consistant, pour des entreprises appartenant à un même groupe, à soumettre de façon coordonnée des offres distinctes et en apparence indépendantes en réponse à un appel d’offres au motif que, dans une telle hypothèse, les entreprises concernées forment une même unité économique, ce qui fait obstacle à la qualification d’entente au sens de l’article 101 du TFUE.

La prise en compte de cette jurisprudence a conduit l’Autorité à faire évoluer sa pratique décisionnelle et à estimer qu’en l’espèce il n’y avait pas eu entente illicite.

Source : Décision 20-D-19 du 25 novembre 2020 de l’Autorité de la concurrence :

20-D-19 du 25 novembre 2020

 

Mais cela ne signifie pas que de telles pratiques ne sont pas censurées au titre du droit de la commande publique (article L. 3 du code de la commande publique)…

Il est à noter que ceci intervient alors même que le juge administratif censure, depuis des arrêts du 10 juillet 2020 et, surtout, du 12 octobre 2020, plus efficacement qu’avant les ententes entre acteurs (le champ des ententes illicites se réduit mais leur sanction y compris devant le juge administratif s’étend donc en efficacité). Voir :