Reprise d’un salarié sous un régime de droit public, quid de la rémunération ?

Par un arrêt M. B… c/ commune de Saint-Lô en date du 20 avril 2021 (req. n° 20NT01991), la cour administrative d’appel de Nantes a rappelé les règles relatives au maintien de la rémunération lorsque, à l’occasion d’une reprise en régie directe de l’activité privée d’une association par une commune dans le cadre d’un service public administratif, le personnel privé de ladite association est placé sous un régime de droit public. Dans cette hypothèse, l’article L. 1224-3 du code du travail dispose que la personne publique doit proposer un contrat de droit public reprenant les clauses substantielles du contrat de droit privé du salarié transféré.

Or, elle a considéré que pour l’application de l’article L. 1224-3 du code du travail, la rémunération antérieure et la rémunération proposée doivent être comparées en prenant en considération, pour leurs montants bruts, les salaires ainsi que les primes éventuellement accordées à l’agent et liées à l’exercice normal des fonctions, dans le cadre de son ancien comme de son nouveau contrat. De plus, le supplément familial de traitement versé à l’agent dans le cadre de son nouveau contrat constitue un avantage salarial qui doit être pris en considération lors de cette comparaison.

En l’espèce, M. B… a été recruté le 11 septembre 2009 par l’association « Musique en pays Saint-Lois » en qualité de professeur de musique. La commune de Saint-Lô ayant décidé de reprendre les activités de cette association en régie directe, M. B… a été recruté, à compter du 1er septembre 2014, par la commune en tant qu’assistant territorial d’enseignement artistique par un contrat à durée indéterminée à temps non complet en date du 29 janvier 2015.

Par un jugement du 30 mars 2016, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. B… tendant à l’annulation du contrat de travail du 29 janvier 2015 et de la décision du 30 avril 2015 du maire de Saint-Lô rejetant sa demande de modification des clauses de ce contrat. Par un arrêt du 22 mai 2018, la cour a annulé ce jugement et le contrat de travail du 29 janvier 2015 conclu entre la commune de Saint-Lô et M. B… en tant seulement qu’il prévoit une rémunération inférieure à celle perçue par ce dernier en application du contrat antérieur à la reprise en régie de l’école de musique de Saint-Lô. Par une décision n° 422481 du 3 juillet 2020, le Conseil d’État a annulé cet arrêt et a renvoyé l’affaire devant la cour pour y être jugée.

Dans le cadre de ce renvoi, la cour a considéré qu’il résulte des dispositions de l’article L. 1224-3 du code du travail que « interprétées au regard des objectifs poursuivis par la directive 2001/23/CE du 12 mars 2001 concernant le rapprochement des législations des Etats membres relatives au maintien des droits des travailleurs en cas de transfert d’entreprises, d’établissements ou de parties d’entreprises ou d’établissements, qu’en écartant, en l’absence même de toute disposition législative ou réglementaire contraire, la reprise des clauses du contrat dont le salarié transféré était titulaire relatives à la rémunération, lorsque celles-ci ne sont pas conformes aux ” conditions générales de rémunération et d’emploi des agents non titulaires de la personne publique “, le législateur n’a pas entendu autoriser cette dernière à proposer aux intéressés une rémunération inférieure à celle dont ils bénéficiaient auparavant au seul motif que celle-ci dépasserait, à niveaux de responsabilité et de qualification équivalents, celle des agents en fonction dans l’organisme d’accueil à la date du transfert. En revanche ces dispositions ont pour objet et pour effet de faire obstacle à ce que soient reprises, dans le contrat de droit public proposé au salarié transféré, des clauses impliquant une rémunération dont le niveau, même corrigé de l’ancienneté, excèderait manifestement celui que prévoient les règles générales fixées, le cas échéant, pour la rémunération de ses agents non titulaires. En l’absence de telles règles au sein d’une collectivité territoriale, la reprise de la rémunération antérieure n’est en tout état de cause légalement possible que si elle peut être regardée comme n’excédant pas manifestement la rémunération que, dans le droit commun, il appartiendrait à l’autorité administrative compétente de fixer, sous le contrôle du juge, en tenant compte, notamment, des fonctions occupées par l’agent non titulaire, de sa qualification et de la rémunération des agents de l’Etat de qualification équivalente exerçant des fonctions analogues. Pour l’application de ces dispositions, la rémunération antérieure et la rémunération proposée doivent être comparées en prenant en considération, pour leurs montants bruts, les salaires ainsi que les primes et indemnités éventuellement accordées à l’agent et liées à l’exercice normal de ses fonctions, dans le cadre de son ancien comme de son nouveau contrat. »

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CAA/decision/2021-04-20/20NT01991