Tout a commencé à un rythme effréné. La circulation sur les voies départementales :
- est passée en juin 2018 de 90 à 80 km/h SAUF sur les sections de routes comportant au moins deux voies affectées à un même sens de circulation :
- puis a alimenté les polémiques et les manifestations, y compris à l’aide d’infox grossières :
- puis a conduit à un relatif blocage des fiscalités environnementales et de la prise en compte du coût carbone :
- Fiscalité environnementale : le CPO (Cour des comptes) appelle à une relance de la fiscalité carbone… post bonnets rouges puis post gilets-jaunes
- en dépit de l’absence de blocage juridique sur ce point :
- puis a pu revenir à 90 km/h au cas par cas via la loi d’orientation des mobilités (LOM n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 ; nouvel article L. 3221-4-1 du code général des collectivités territoriales – CGCT), aux mains des présidents de conseils départementaux et/ou des préfets.Voir :
- Retour aux 90 km/h : comment ne pas déraper ?
- Mobilités : ça roule pour la LOM (très marginalement cabossée rue Montpensier)
- La LOM garée au JO
- 90 km/h : une instruction pour éviter les sorties de route
- 90 km/h : une nouvelle instruction pour éviter les sorties de route
Nombre de présidents de conseils départementaux, eux-mêmes non loin de la date de renouvellement de leurs mandats, ont donc joué à celui ou celle qui signerait le plus rapidement après la loi tel ou tel arrêté, plus ou moins large.
N.B. : à charge, pour ne pas commettre l’infraction d’homicide ou de blessures par négligence ou imprudence, pour les élus concernés, à l’avenir, de ne pas commettre de « faute caractérisée » dans ce domaine (pas de retour aux 90 km/h pour les tronçons à fort taux d’accidents par exemple… ; pas de retour de toute la voirie concernée en dépit des pressions xantho-régressives, par exemple…).
Ces arrêtés n’ont bien naturellement satisfait ni les personnes inquiètes des émissions carbonées, ni les associations nationales en matière de sécurité routière.
Cela dit, ces dernières viennent de connaître un revers contentieux notable.
Schématiquement, une association nationale n’aura pas forcément toujours intérêt à agir contre chaque acte, pour peu que celui-ci soit en l’espèce d’une portée limitée aux circonstances locales.
Ou, plus précisément :
« 2. Considérant que si, en principe, le fait qu’une décision administrative ait un champ d’application territorial fait obstacle à ce qu’une association ayant un ressort national justifie d’un intérêt lui donnant qualité pour en demander l’annulation, il peut en aller autrement lorsque la décision soulève, en raison de ses implications, notamment dans le domaine des libertés publiques, des questions qui, par leur nature et leur objet, excèdent les seules circonstances locales ; »
(formulation type, voir par exemple CE, 7 février 2017, n° 392758).
Cela dit, par leurs statuts, ou en raison d’une appréciation large des circonstances locales notamment en cas d’écho médiatique d’une affaire locale, il arrive que le juge puisse être assez compréhensif (voir pour un cas intéressant CAA Marseille, 20 mars 2017, LDH, n°16MA03385).
Mais, compréhensive, la CAA de Lyon a décidé de ne pas l’être s’agissant des recours contre des décisions départementales en matière de passage à 90 km/h, et ce au détriment de la requérante qu’était la Fédération nationale de la Ligue contre la violence routière.
L’arrêt ainsi rendu est très illustratif de la méthode du juge sur ce point :
« 3. Il ressort des pièces du dossier que les quarante-cinq arrêtés contestés ont été pris en application de l’article L. 3221-4-1 du code général des collectivités territoriales créé par la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités qui permet au président du conseil départemental de fixer, par un arrêté motivé pris après avis de la commission départementale de la sécurité routière sur la base d’une étude d’accidentalité, pour les sections de routes hors agglomération relevant de sa compétence et ne comportant pas au moins deux voies affectées à un même sens de circulation, une vitesse maximale autorisée supérieure de 10 km/h à celle prévue par le code de la route. Les applications départementales de ces dispositions ne présentent pas une portée excédant leur seul objet local, alors même que les Côte-d’Oriens ne sont pas les seuls usagers des voies concernées. Si l’objet statutaire de la fédération nationale de la Ligue contre la violence routière est de lutter par tous les moyens légaux contre les manifestations de la violence routière et de prévenir les accidents de la circulation, elle fédère des associations départementales, dont celle constituée dans le département de la Côte-d’Or, également dénommées Ligue contre la violence routière. La fédération nationale de la Ligue contre la violence routière, dont le siège social est fixé à Paris, a un ressort national. Par suite, cette association ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour agir contre les arrêtés départementaux en cause, ainsi que l’a justement jugé le tribunal.
« 4. Il résulte de ce qui précède que la fédération nationale de la Ligue contre la violence routière n’est pas fondée à soutenir que c’est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Sa requête doit donc être rejetée.»
Vu le maillage national de ces routes, d’une part, et l’effet médiatique national de ces décisions, d’autre part, on pourra penser que le juge lyonnais a été pour le coup assez sévère en imposant cette sortie de route aux associations nationales :

Conclusion :
- sauf victoire contentieuse en cassation, ces arrêtés sont à l’abri de recours directes
- et si les requérants veulent faire des recours en abrogation (avec moins de moyen de légalité externe, voir Conseil d’État, 18 mai 2018, n° 411045 et n° 411583 [2 esp. distinctes] que nous avions commentée ici), ou s’ils veulent faire des recours directs sur de possibles nouveaux arrêtés, ils auront garde à mettre en avant au moins un co-requérant local ou une association locale, ce qui est le B-A-BA du requérant associatif d’ailleurs…
Source : CAA Lyon, 8 juillet 2021, 21LY00400
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