Open data des décisions de Justice : importante étape ce matin. Avec deux noms que nous utiliserons tous beaucoup à l’avenir : « Décisions de la justice administrative » ; « Judilibre »

L’open data des décisions de Justice progresse lentement (I), mais avec un calendrier prévisionnel devenu clair (II). A ce sujet, un important décret est à noter au JO de ce matin (III) avec la création de deux traitements automatisés (un au CE — sobrement baptisé « Décisions de la justice administrative » — et un à la Cass. plus inventivement intitulé « Judilibre ») et des précisions sur les règles de traitement, de droit d’accès et de rectification, d’anonymisation, etc. 

 

I. Rappel des épisodes précédents 

 

L’open data des décisions de Justice progresse lentement. Voir :

Voir surtout ma petite vidéo à ce sujet :

https://youtu.be/KejD7KfcNYU

Depuis avril dernier, le calendrier commence d’être connu avec enfin un peu de précision :

  • Pour l’ordre administratif, les décisions de justice et les copies sollicitées par des tiers sont respectivement mises à disposition du public et délivrées aux tiers, dans les conditions et selon les modalités prévues aux articles L. 10 et L. 10-1, R. 741-13, R. 741-14 et R. 751-7 du code de justice administrative, au plus tard le :
    • 30 septembre 2021 s’agissant des décisions du Conseil d’Etat ;
    • 31 mars 2022 s’agissant des décisions des cours administratives d’appel ;
    • 30 juin 2022 s’agissant des décisions des tribunaux administratifs.
  • Pour les contentieux civils, commerciaux et sociaux relevant de la compétence de l’ordre judiciaire, le calendrier est le suivant :
    • 30 septembre 2021 s’agissant des décisions rendues par la Cour de cassation ;
    • 30 avril 2022 s’agissant des décisions rendues par les cours d’appel ;
    • 30 juin 2023 s’agissant des décisions rendues par les conseils de prud’hommes ;
    • 31 décembre 2024 s’agissant des décisions rendues par les tribunaux de commerce ;
    • 30 septembre 2025 s’agissant des décisions rendues par les tribunaux judiciaires.
  • Au pénal, ce calendrier devient :
    • 30 septembre 2021 s’agissant des décisions rendues par la Cour de cassation ;
    • 31 décembre 2024 s’agissant des décisions rendues par les juridictions de premier degré en matière contraventionnelle et délictuelle ;
    • 31 décembre 2025 s’agissant des décisions rendues par les cours d’appel en matière contraventionnelle et délictuelle ;
    • 31 décembre 2025 s’agissant des décisions rendues en matière criminelle.

 

III. Le décret au JO de ce matin 

 

Au JO de ce matin, se trouve le décret n° 2021-1276 du 30 septembre 2021 relatif aux traitements automatisés de données à caractère personnel dénommés « Décisions de la justice administrative » et « Judilibre » (NOR : JUST2129635D) :

Il s’agit pour l’essentiel de créer les sites, les traitements automatisés, pour ces données à caractère personnel, l’un pour le judiciaire et l’autre pour l’ordre administratif, relevant respectivement de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat, dénommés respectivement
  • « Décisions de la justice administrative »
  • et « Judilibre » (?)

… tous deux ayant pour finalité la diffusion éventuellement enrichie des décisions de justice des ordres administratif et judiciaire ainsi que la conservation des données en vue de cette diffusion et du traitement des demandes d’occultation et de levée d’occultation.

 

Citons in extenso l’article 2 de ce décret :

  • « Les catégories de données à caractère personnel et informations enregistrées dans les traitements prévus à l’article 1er sont celles mentionnées dans les décisions de justice, destinées à faire l’objet d’une mise à disposition en application des textes susvisés, rendues par les juridictions administratives, la Cour de cassation et les cours d’appel statuant en matière civile, sociale et commerciale.
    Peuvent être enregistrées dans les traitements, les catégories de données à caractère personnel suivantes :
    1° Concernant les personnes physiques mentionnées dans la décision, lorsqu’elles sont parties ou tiers :
    a) Des données relatives à l’identité et aux coordonnées des personnes physiques mentionnées dans les décisions de justice, notamment : titre de civilité, nom de famille, nom d’usage, prénom(s), alias, sexe, dates de naissance et de décès, communes de naissance et de décès, codes et noms du pays de naissance et de décès, nationalité, numéro de téléphone, adresse électronique, adresse postale, adresse de résidence, filiation, numéro de sécurité sociale, titre et distinction honorifiques ;
    b) Des données relatives à la situation administrative des personnes physiques mentionnées dans les décisions de justice, notamment : les éléments figurant sur les autorisations, titres et cartes de séjour ou document de circulation pour le ressortissant étranger, carte d’identité, passeports, permis de conduire, autorisations administratives ;
    c) Des données relatives à la vie personnelle mentionnées dans les décisions de justice notamment : capacité des personnes, situation familiale, date et lieu de mariage ou de PACS, date de divorce ou de rupture de PACS, nombre d’enfants ;
    d) Des données relatives à la vie professionnelle, au parcours scolaire et universitaire et à la situation financière mentionnées dans les décisions de justice, notamment : niveau d’étude, situation professionnelle, titre, grade et emploi, relations de travail, statut, droits à la retraite, tous éléments de rémunération, situation fiscale ;
    e) Des données relatives au patrimoine des personnes physiques mentionnées dans les décisions de justice, notamment : données bancaires dont numéros de comptes, éléments issus de pièces comptables, biens et droits mobiliers et immobiliers, publicité foncière et références cadastrales, situation relative à l’aide juridictionnelle ;
    f) Des données relatives aux activités des personnes physiques mentionnées dans les décisions de justice, notamment : déplacements, fréquentations, contacts, adresse IP ;
    g) Des données relatives aux objets, véhicules et moyens de communication des personnes physiques mentionnées dans les décisions de justice, notamment : numéro d’identification du véhicule, plaque d’immatriculation, données relatives aux identifiants des équipements, données de géolocalisation ;
    h) Des données relatives aux infractions, condamnations ou mesures de sûreté des personnes physiques mentionnées dans les décisions de justice ;
    i) Des données relatives aux procédures juridictionnelles devant les juridictions judiciaires et administratives ;
    j) Des données relatives aux faits générateurs de responsabilité mentionnées dans les décisions de justice ;
    k) Des données et informations relatives aux préjudices subis mentionnées dans les décisions de justice ;
    l) Le numéro des décisions de justice ;
    m) Des données relatives aux avis, expertises rendus mentionnées dans les décisions de justice ;
    2° Concernant les magistrats, les membres du greffe et les personnes représentant à titre habituel les personnes en justice :
    a) Des données relatives à l’identité : titre de civilité, nom de famille, nom d’usage, prénom(s), fonction ;
    b) Des données relatives à la vie professionnelle : titre, grade et emploi, adresse professionnelle.
    Le traitement peut enregistrer des données à caractère personnel de la nature de celles mentionnées à l’article 6 de la loi du 6 janvier 1978 susvisée, dans la stricte mesure où ces données sont contenues dans les décisions visées au premier alinéa.»

     

Les articles suivants portent sur l’accès aux décisions, l’anonymisation, les droits d’accès et de rectification :

« Toute personne peut avoir accès aux décisions de justice rendues par les juridictions mises à la disposition du public, conformément aux dispositions de l’article L. 10 du code de justice administrative et des articles L. 111-13 et R. 111-11 du code de l’organisation judiciaire.
Seuls les agents habilités respectivement par le Conseil d’Etat et la Cour de cassation affectés à la mise en œuvre de ces traitements ont accès, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d’en connaitre, aux données et informations qui y sont enregistrées

  • Les opérations de mise à jour, de suppression et de consultation font l’objet d’un enregistrement comportant l’identification de l’utilisateur, la date, l’heure et la nature de l’intervention dans le traitement. Ces informations sont conservées pendant une durée de six mois.

  • Le droit d’accès et le droit de rectification, prévus respectivement aux articles 15 et 16 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 susvisé, distincts des procédures de rectification d’erreur matérielle prévues par le code de justice administrative et par les codes de procédures pénale et civile, s’exercent auprès du centre de recherche et de diffusion juridique du Conseil d’Etat et du service de documentation, des études et du rapport de la Cour de cassation.
    En application des dispositions du f du 1 de l’article 23 du règlement (UE) 2016/679 du 27 avril 2016 susvisé, le droit à la limitation ne s’applique pas au présent traitement.
    Les demandes d’occultation ou de levée d’occultation et les recours formés contre les décisions rendues s’exercent dans les conditions prévues à l’article R. 741-15 du code de justice administrative et à l’article R. 111-13 du code de l’organisation judiciaire.