Par un arrêt Mme A. c/ ONF en date du 9 décembre 2021 (req. n° 432608 et 432686, à paraître aux tables), le Conseil d’État juge que lorsqu’un agent privé d’un établissement public industriel et commercial en charge également d’activités de service public administratif, a participé à certaines activités administratives, il doit être tenu de son ancienneté acquise en cette qualité lorsqu’il est titularisé dans un grade de la fonction publique de l’État.
En l’espèce, Mme F… A… a été employée par l’Office national des forêts (ONF) pour exercer les fonctions d’ingénieur forestier, sous couvert d’un contrat de droit privé du 15 février 1996 au 31 décembre 2006. Cet engagement a été renouvelé, à compter du 1er janvier 2007, par un contrat de droit public. Par un arrêté du ministre de l’agriculture du 18 mai 2015 complété par une décision du même jour dite de “notification de situation administrative” procédant à son reclassement, Mme A… a été nommée dans le corps des ingénieurs de l’agriculture et de l’environnement, à la suite de sa réussite au concours réservé aux agents non titulaires pour l’accès à ce corps.
Par un jugement du 21 février 2017, le tribunal administratif de Nancy a rejeté la demande de Mme A… tendant, d’une part, à l’annulation partielle de l’arrêté du 18 mai 2015 et de la décision du même jour précisant son ancienneté, en tant que ces décisions la reclassent au 4ème échelon de son grade avec une ancienneté au 22 août 2013 et fixent le montant de son traitement à l’indice brut 574 et, d’autre part, à l’annulation de la décision implicite du ministre rejetant le recours gracieux par lequel elle sollicitait une meilleure prise en compte de l’ancienneté acquise en qualité d’agent contractuel et de son niveau de rémunération antérieur à sa nomination dans le corps des ingénieurs de l’agriculture et de l’environnement.
Par un arrêt du 14 mai 2019, la cour administrative d’appel de Nancy a, sur appel de Mme A…, annulé l’arrêté du ministre du 18 mai 2015 et la décision du même jour en tant qu’ils fixent à 574 le traitement personnel de Mme A… dans le grade d’ingénieur de l’agriculture et de l’environnement et annulé, dans la même mesure, la décision implicite rejetant son recours gracieux.
Sous le n° 432608, Mme A… s’est alors pourvu en cassation contre cet arrêt en tant qu’il a rejeté ses conclusions d’appel dirigées contre le reclassement professionnel auquel a procédé l’arrêté du 18 mai 2015. Sous le n° 432686, le ministre de l’agriculture et de l’alimentation s’est également pourvu en cassation contre le même arrêt en tant qu’il a réformé le jugement du 21 février 2017 et annulé l’arrêté et la décision du 18 mai 2015 ainsi que la décision implicite de rejet en ce que ces trois décisions fixent à l’indice 574 le traitement personnel de Mme A… dans le grade d’ingénieur de l’agriculture et de l’environnement.
Pour faire droit au pourvoi de Mme A, le Conseil d’État rappelle tout d’abord que si, aux termes de l’article L. 221-2 du code forestier l’ONF est un établissement public industriel et commercial (EPIC), « ses activités présentent un caractère industriel et commercial, à l’exception de celles de ses activités qui, telles la réglementation, la police ou le contrôle, ressortissent par leur nature de prérogatives de puissance publique et ne peuvent donc être exercées que par un service public administratif. » L’établissement est alors un établissement public dit à double visage.
Puis, il déduit du décret n° 2006-1827 du 23 décembre 2006 fixe, en cas de nomination dans certains corps de catégorie A de la fonction publique de l’État, les règles de reprise d’ancienneté applicables, d’une part, aux agents qui justifient de services d’agent public non titulaire (article 7) et, d’autre part, aux personnes qui justifient de l’exercice d’une ou plusieurs activités professionnelles accomplies sous un régime juridique autre que celui d’agent public (article 9) que :
– d’une part, « afin de se prononcer sur la reprise d’ancienneté d’un agent contractuel de droit privé de l’Office national des forêts (ONF) pour l’application des articles 4, 7 et 9 du décret du 23 décembre 2006, il convient de rechercher si l’intéressé, dans l’exercice de ses fonctions, participait directement à l’exécution des missions de service public administratif dont se trouve également investi l’ONF nonobstant sa qualification par la loi d’EPIC » ;
– d’autre part, « commet une erreur de droit la cour qui se borne à examiner les missions des services où l’intéressé a successivement été affecté, avant de relever qu’il n’était pas établi que les fonctions particulières qu’il occupait en leur sein portaient à titre principal sur des missions ressortissant des prérogatives de puissance publique de l’ONF, alors que pour l’application du décret du 23 décembre 2006, la circonstance qu’une partie de ses missions le faisait participer aux missions de service public administratif de l’office suffit à la faire regarder comme exerçant comme agent public. »
Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :