En vertu des articles L. 1332-1, L. 1332-2-1, R. 1332-22-1, R. 1332-22-3 et R. 1332-33 du code de la défense, l’accès d’une personne à une installation d’importance vitale peut être refusé par l’exploitant de l’installation lorsque les caractéristiques de cette personne ne sont pas compatibles avec cet accès.
Sur la base des notes des services de sécurité, un certain M. A. était radicalisé ou en tous cas risquait suffisamment de l’être pour ne pas être admis à pénétrer dans une centrale nucléaire au titre du régime de cet article L. 1332-1 du code de la défense :
« 6. Il ressort des pièces du dossier et notamment des éléments mentionnés dans la note du 26 septembre 2016 du service départemental du renseignement territorial de la Loire, dans celle du 22 février 2019 du service central du renseignement territorial et dans la note de synthèse du 21 mai 2019 du service de défense, de sécurité et d’intelligence économique du ministère de la transition écologique et solidaire que M. A… revendique son appartenance à la mouvance salafiste, que son épouse a fait l’objet d’un signalement pour radicalisation et qu’il est en relation avec plusieurs personnes signalées pour radicalisation. En se fondant sur ces éléments, qui sont suffisamment étayés par les pièces versées au dossier, pour caractériser l’incompatibilité du comportement et des fréquentations de l’intéressé avec l’autorisation sollicitée et refuser pour ce motif l’accès sollicité, l’autorité administrative n’a pas fait une inexacte application des dispositions précédemment citées du code de la défense. C’est, par suite, à tort que le tribunal administratif s’est fondé sur une erreur d’appréciation de l’autorité administrative pour annuler la décision du ministre de l’environnement, de l’énergie et de la mer rejetant le recours de M. A… contre la décision lui refusant l’accès au centre nucléaire de production d’électricité de Saint-Alban Saint-Maurice-l’Exil.»
Ce que nous confirme, dans ce cadre, le Conseil d’Etat c’est que :
- L’exploitant peut solliciter par écrit l’avis du préfet de département, lequel peut demander à ce que soit diligentée une enquête administrative destinée à vérifier que les caractéristiques de la personne physique ou morale intéressée ne sont pas incompatibles avec l’accès envisagé.
Ce point n’est pas surprenant.
Raisonnons par analogie avec d’autres domaines, certes un peu différents :- par exemple pour l’accès à la profession de Notaire le Conseil d’Etat a récemment, parce que le texte de base ne l’excluait pas, admis que, sur la moralité de l’impétrant, l’administration compétente prenne d’autres informations que celles listées par le code (Conseil d’État, 29 juillet 2022, n° 458168, à mentionner aux tables du recueil Lebon).
- Ajoutons qu’en matière de sécurité, le recours aux « notes blanches » est autres sources difficiles à recouper ou contester, a déjà été validé par le Conseil d’Etat, en matière par exemple de fermeture de lieux de culte (TA Versailles, ord., 22 novembre 2017, n°1708063 ; TA Melun, 30 septembre 2016, n° 1600931, 1603471 ; CE, ord., 25 février 2016, M. J…et autres, n° 397153 ; CE, ord., 5 août 2016, ministère de l’intérieur, n° 402139).
- A comparer (pour le même cadre juridique cette fois ou un cadre très proche) avec, s’agissant de refus d’autorisation de commerce de matériels de guerre, CE, 3 mars 2010, Ministre de la défense n° 318716, rec. T. pp. 667-925-928 ; s’agissant de l’interdiction de la détention d’armes, CE, 29 avril 2015, M. , n° 372356, rec. T. pp. 783-833.
- Lorsqu’il est saisi, par le recours administratif prévu à l’article R. 1332-33 à titre de préalable obligatoire, d’une décision de refus d’accès à une telle installation, il appartient au ministre compétent d’apprécier, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les caractéristiques de la personne concernée sont effectivement incompatibles avec l’accès à l’installation en cause.
Il s’agit visiblement d’un contrôle normal.Et sur ce point, il est clair qu’au cas par cas, les appréciations seront difficiles à prédire. Comparons avec quelques autres domaines, certes dans des cadres juridiques très différents :
- Par exemple, sur un pilote qui peut avoir une pratique rigoriste de l’Islam tout en étant pilote d’avion : TA Montreuil, ord., 24 février 2022, n° 2200405
- De même les barbus de tous poils peuvent-ils être rassurés, la barbe n’étant pas en soi en signe d’appartenance religieux quand bien même l’agent public concerné reconnaîtrait qu’elle pourrait être perçue comme tel (CE, 12 février 2020, n° 418299).
- Ou dans un tout autre cadre, voir la saga des interprétations différentes sur la situation de M. M. H. Iquioussen (CE, ord., 30 août 2022, n°466554)
Voici cette décision :
Conseil d’État, 17 octobre 2022, n° 444826, à mentionner aux tables du recueil Lebon