Des particuliers ont constaté, à la suite d’importantes fuites d’eau dues à la rupture de la bride d’alimentation en eau sous pression de la borne d’incendie située contre la façade de leur maison, l’apparition de nombreux désordres dans leur propriété. Après expertise, est retenue la responsabilité de deux sociétés, de la commune et de la communauté de communes. Puis au terme d’un marathon juridictionnel, la condamnation restant à la charge d’une société est censurée, ce qui était contesté devant le Conseil d’Etat.
Pour les actions en responsabilité civile extracontractuelle de ce type, le mode d’emploi d’application de la prescription varie selon qu’on se trouve avant ou après l’entrée en vigueur de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 :
- avant l’entrée en vigueur de cette loi, les actions en responsabilité civile extracontractuelle se prescrivaient par dix ans à compter de la manifestation du dommage, en application de l’article 2270-1 du code civil
- après l’entrée en vigueur de cette loi, une telle action se prescrit par cinq ans en vertu de l’article 2224 du code civil.
Mais avec deux atténuations :
- lorsque la prescription de dix ans n’était pas acquise à la date d’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, l’application de l’article 2224 du code civil ne saurait conduire à prolonger la prescription au-delà de la durée de dix ans résultant des dispositions antérieures
- la prescription (au moins pour les litiges sous l’empire du régime de la prescription de dix ans) court à compter de la manifestation du dommage, c’est-à-dire de la date à laquelle la victime a une connaissance suffisamment certaine de l’étendue du dommage, quand bien même le responsable de celui-ci ne serait à cette date pas encore déterminé.
(voir : CE, 20 novembre 2020, Société Suez Eau France, n° 427250, rec. T. p. 978).
Sur ce dernier point, le Conseil d’Etat vient, par une décision du 7 février 2023, d’affiner son mode d’emploi en :
- confirmant que :
- « La prescription instituée par le premier alinéa de l’article 2270-1 du code civil, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, et par l’article 2224 du code civil, dans sa version issue de cette même loi, court à compter de la date à laquelle la victime a une connaissance suffisamment certaine de l’étendue du dommage. »
- posant que le point de départ de ce délai de prescription n’est pas reporté si les désordres ultérieurs constatés étaient raisonnablement prévisibles :
- « Les conséquences futures et raisonnablement prévisibles des désordres apparus ne constituent pas une aggravation du dommage de nature à reporter le point de départ du délai de prescription.»
- décidant que l’absention coupable de la victime de remédier aux désordres initiaux est sans effet sur l’aggravation alléguée en tant qu’elle reporte ou non le point de départ de ce délai de prescription :
- « Est sans incidence à cet égard la circonstance que l’aggravation alléguée serait la conséquence de l’abstention de la victime de prendre des mesures pour remédier aux désordres initialement constatés. »
Source :
Conseil d’État, 7 février 2023, n° 454109, aux tables du recueil Lebon