Eoliennes et espèces protégées : la grande accélération juridique [VIDEO]

Nouvelle diffusion 

En matière d’espèces protégées, le principe est celui de l’interdiction de toute destruction desdites espèces ou de leur habitat (art. L.411-1 du code de l’environnement), sous réserve des dérogations à ce principe (art. L. 411-2 de ce même code), le tout assurant la transposition de la directive Habitats 92/43/CEE du 21 mai 1992.

Schématiquement, une telle dérogation suppose que soient réunies trois conditions (cumulatives, donc) :

1. il n’y a pas de solution alternative satisfaisante

2. il n’en résulte pas une nuisance au « maintien, dans un état de conservation favorable, des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle »

3. le projet conduisant à cette destruction sert lui-même un des motifs limitativement énumérés par la loi, à savoir (conditions alternatives, cette fois) :

• protéger la faune et de la flore sauvages et la conservation des habitats naturels ;

• prévenir des dommages importants notamment aux cultures, à l’élevage, aux forêts, aux pêcheries, aux eaux et à d’autres formes de propriété ;

• s’inscrire dans l’intérêt de la santé et de la sécurité publiques ou pour d’autres raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou économique, et pour des motifs qui comporteraient des conséquences bénéfiques primordiales pour l’environnement ;

• agir à des fins de recherche et d’éducation, de repeuplement et de réintroduction de ces espèces et pour des opérations de reproduction nécessaires à ces fins, y compris la propagation artificielle des plantes ;

• permettre, dans des conditions strictement contrôlées, d’une manière sélective et dans une mesure limitée, la prise ou la détention d’un nombre limité et spécifié de certains spécimens.

Ces conditions sont cumulatives et, souvent, c’est sur la notion d’intérêt public majeur que sont fondées les dérogations.

Oui mais développer des énergies renouvelables est-il constitutif d’un tel intérêt public majeur ? Et l’exigence d’un tel intérêt public majeur s’impose-t-il même quand une espèce n’est pas ou plus menacée ? Et faut-il lancer la procédure si l’atteinte aux animaux apparaît non pas en amont de l’exploitation, mais au fil de celle-ci ?

Voir notre vidéo faite en février 2020 :

Sources : art. L.411-1 du code de l’environnement puis art. L. 411-2 de ce même code ; CE, 25 mai 2018, 413267 ; CE, 3 juin 2020, n° 425395 ; CE, 3 juillet 2020, n° 430585 ; CAA Nantes, 13 mars 2020, 19NT01511 ; CAA Bordeaux, 14 mai 2019, 17BX01845 ; CAA Marseille, 4 octobre 2019, 18MA01980 – 18MA02314 ; CAA Nantes, 5 mars 2019, 17NT02791- 17NT02794 ; CAA bordeaux, 30 avril 2019, FNE Midi-Pyrénées, n° 17BX01426 ; CAA de NANTES, 5ème chambre, 24/01/2020, 19NT00916 ; CAA Nantes, 6 décembre 2019, 18NT04618 ; CAA Nantes, 28 novembre 2019, 18NT01696 ; CAA Nancy, 8 avril 2020, n° 18NC02309. Plus récemment, voir CAA de BORDEAUX, 5ème chambre, 09/03/2021, 19BX03522, Inédit au recueil Lebon. Plus récemment, voir : un arrêt intéressant sur l’effarouchement et sur l’évolution des positions préfectorales (CAA de Nantes en date du 2 avril 2020, n° 19NT02640) ; CE, 15 avril 2021, n° 430500 et autres, à mentionner aux tables du rec. ( voir n°430497, n° 430498 et n° 430500) ; Inversement, selon un autre arrêt du même jour du CE (n° 432158), l’équilibre ne joue pas en faveur d’une (trop petite) centrale hydroélectrique (au regard des dégâts causés). 

Or, cet équilibre délicat à opérer dossier par dossier se trouve en évolution rapide et récente sous trois angles :

ÉTUDIONS CES DERNIÈRES ÉVOLUTIONS JURISPRUDENTIELLES ET TEXTUELLES VIA CETTE NOUVELLE VIDÉO DE 10 MN 10 :

https://youtu.be/6vy_YSTYt-g

 

MISE À JOUR

 

A été publiée la :

… après une censure du Conseil constitutionnel aussi anodine que limitée :

 

 

… Etant rappelé que ce texte doit être lu aussi à la lumière d’un tout nouveau, transitoire et puissant, règlement européen :

Survolons, maintenant, du point de vue du monde public, ce que change cette nouvelle loi française… en vidéo et sous la forme d’un article

 

I. VIDEO (très légèrement moins détaillée que l’article mais riche de trois interviews)

 

Voici en 13 mn 38 le survol de ce sujet avec trois interviews de :

• Mme Anne Jérusalem, 
Maire de Chassignelles, Présidente de la Communauté de Communes Le Tonnerrois en Bourgogne

• Me Yann Landot, 
Avocat associé, cabinet Landot & associés

• M. Julien Prieur, 
Docteur en Droit de l’environnement, spécialiste en transition écologique, formateur, attaché d’enseignements, consultant

 

https://youtu.be/YoJlSROe6HQ

 

Il s’agit d’un extrait de notre chronique vidéo hebdomadaire, « les 10′ juridiques », réalisation faite en partenariat entre Weka et le cabinet Landot & associés : http://www.weka.fr

 

 

II. ARTICLE (encore très sommaire, mais un brin plus détaillé que la vidéo)

 

Ce qui suit reste très résumé, et ne doit donc être pris que comme indiquant de grandes lignes de manière schématique :

  • II.A. Les zonages territoriaux pour les énergies renouvelables (EnR) terrestres, avec un jeu complexe de « je te tiens, tu me tiens, la barbichette entre collectivités et Etat », et avec maintien du régime de la loi 3DS (complété par le nouveau dispositif) qu’il ne faut surtout pas oublier dans cette équation 
  • II.B Éoliennes en mer : plus loin, plus souple, plus programmé 
  • II.C. Présomption de reconnaissance de la raison impérative d’intérêt public majeur
  • II.D. Liste de quelques unes des 1001 autres mesures insérées dans cette nouvelle loi 

 

 

II.A. Les zonages territoriaux pour les énergies renouvelables (EnR) terrestres, avec un jeu complexe de « je te tiens, tu me tiens, la barbichette entre collectivités et Etat », et avec maintien du régime de la loi 3DS (complété par le nouveau dispositif) qu’il ne faut surtout pas oublier dans cette équation

 

II.A.1. Rappel du régime de la loi 3DS, maintenu (et complété par le nouveau texte) avec en quelque sorte un peu étendu pour les territoires hors PLU et hors cartes communale mais sur un mode plus limité

 

Rappelons tout d’abord que, depuis l’article 35, V, de la loi 3DS n°2022-217 du 21 février 2022, l’article L. 151-42-1 du Code de l’urbanisme dispose que :

« Le règlement peut délimiter les secteurs dans lesquels l’implantation d’installations de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent est soumise à conditions, dès lors qu’elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l’usage des terrains situés à proximité ou qu’elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant. »

Ce texte, maintenu par la nouvelle loi EnR, permet donc déjà quelques zonages (avec prise en compte dans la nouvelle mouture des installations de raccordement).

Attention on voit bien que :

  • si l’on se fonde sur les questions de «  voisinage habité ou [d’] usage des terrains situés à proximité », c’est une « incompatibilité » que les élus doivent, dans le règlement du PLU, trouver, ce qui ne peut que conduire le juge qu’à un contrôle assez sévère in concreto
  • si le PLU en revanche aborde la question sous l’angle de l’atteinte » à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant »… il est possible que les élus aient un peu plus de marge de manœuvre. Tout en devant très solidement fonder leur argumentation, certes.

Surtout, ce régime est ainsi complété par la nouvelle loi :

« II. – Dans les communes des départements pour lesquels a préalablement été arrêtée une cartographie des zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables en application de l’article L. 141-5-3 du code de l’énergie et lorsque l’avis du comité régional de l’énergie a estimé, dans les conditions prévues au même article L. 141-5-3, que les zones d’accélération identifiées par ladite cartographie sont suffisantes pour l’atteinte des objectifs régionaux établis en application de l’article L. 141-5-1 du même code, le règlement peut également délimiter des secteurs d’exclusion d’installations d’énergies renouvelables, dès lors qu’elles sont incompatibles avec le voisinage habité ou avec l’usage des terrains situés à proximité ou qu’elles portent atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la qualité architecturale, urbaine et paysagère, à la mise en valeur du patrimoine et à l’insertion des installations dans le milieu environnant. Les secteurs délimités en application du présent II sont applicables uniquement aux projets dont la demande d’autorisation auprès de l’autorité compétente est déposée après l’approbation du plan local d’urbanisme dont le règlement comporte de tels secteurs. Les secteurs délimités en application du présent II ne sont pas applicables aux procédés de production d’énergies renouvelables en toiture ou aux procédés de chaleur à usage individuel. » ;

De plus, on notera, hors PLU et hors carte communale, et une fois les cartographie de zones d’accélération (voir ci-après) adoptées, un nouveau régime prévu par la loi 2023-175, et qui reprend le même cadre. Voir notamment le dernier paragraphe de l’extrait, ci-dessous, de la nouvelle loi :

 

 

 

II.A.2. Le nouveau régime des « zones d’accélération » (avec en quelques sorte une décélération — a contrario — ailleurs, mais ce n’est pas si simple que cela)

 

Mais pour l’essentiel ce qui est mis en place est un dispositif de planification territoriale des énergies renouvelables… et ce n’est qu’ensuite, à l’aune des besoins régionaux en EnR, que des zonages où, a contrario, l’éolien ou le photovoltaïque sera, soit banni, soit rendu très difficile (en sus des zonages de l’article L. 151-42-1 du Code de l’urbanisme, précité).

Cela peut sembler très « pro EnR » et contraignant. Mais c’est beaucoup, beaucoup moins piégeux que d’autres hypothèses qui étaient débattues. Ainsi, le projet consistant à donner au maire le pouvoir de dire NON purement et simplement aux projets d’EnR, qui un temps tenait la corde au fil des débats parlementaires, aurait conduit les communes à prendre la responsabilité de dire oui ou non sur chaque projet polémique, avec souvent des refus communaux qui eussent été illégaux avec un transfert sur les maires de la charge, in fine, de servir de bouc émissaire à tout le monde et de porter des combats contentieux difficiles. Cela eût été bel et bon pour les avocats des communes, mais moins bien pour les communes en réalité.

Revenons à la description de ce nouveau régime de « zones d’accélération pour l’implantation d’installations terrestres de production d’énergies renouvelables ainsi que de leurs ouvrages connexes ».

Cela peut sembler être une résurrection de feu les Zones de Développement Eolien (ZDE), mais le cadre reste assez différent.

Précisons tout de suite que :

  • ces zones ne pourront être comprises dans les parcs nationaux et les réserves naturelles ni, lorsqu’elles concernent le déploiement d’installations utilisant l’énergie mécanique du vent, dans les sites classés dans la catégorie de zone de protection spéciale ou de zone spéciale de conservation des chiroptères au sein du réseau Natura 2000 (à l’exception des procédés de production en toiture, entre autres subtilités trop nombreuses pour être ici retracées).
  • sur le cas particulier du photovoltaïque en l’absence de SCOT, voir aussi l’article 39 de la loi.

 

Ces zones se construisent et se renouvellent, schématiquement, en 12 étapes :

  • 1• référents chargés de l’instruction des projets d’énergies renouvelables, désignés dans chaque préfecture.
  • 2• informations par l’Etat (et par les gestionnaires de réseaux) aux collectivités locales sur le potentiel d’implantation des énergies renouvelables (dont « cadastre solaire »).
  • 3• concertation du public (par les communes)
  • 4• aux communes d’identifier des zones d’accélération (délibération ; délai de 6 mois ;consultations dans divers cas ; prise en compte le cas échéant du schéma de déploiement des énergies renouvelables)
  • 5•