Un maire ne peut se prononcer sur une demande de protection fonctionnelle d’un agent communal qui le met personnellement en cause.

Un maire est-il compétent pour se prononcer sur une demande de protection fonctionnelle pour des faits de harcèlement moral lorsqu’il est personnellement mis en cause ?

Par un arrêt M. B… c/ commune d’Hirson en date du 3 février 2022 (req. n° 20DA02055), la cour administrative de Douai a répondu par la négative. Elle a considéré qu’au regard du principe d’impartialité, le maire aurait dû transmettre la demande à l’un de ses adjoint, à défaut à un conseiller municipal.

Technicien principal territorial en fonction à la commune d’Hirson, M B… a, par un courrier du 2 juillet 2018, demandé au maire d’Hirson de lui accorder la protection fonctionnelle à raison de faits de harcèlement moral dont il estimait être victime, notamment de la part du maire lui-même, dans le cadre de ses fonctions.

M. B… a alors demandé l’annulation de cette décision implicite. N’ayant obtenu satisfaction devant le tribunal administratif d’Amiens, il a saisi la cour administrative d’appel d’Amiens.

La cour précise tout d’abord, que si la protection fonctionnelle « n’est pas applicable aux différends susceptibles de survenir, dans le cadre du service, entre un agent public et l’un de ses supérieurs hiérarchiques, il en va différemment lorsque les actes du supérieur hiérarchique sont, par leur nature ou leur gravité, insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique. »

Puis, elle rappelle qu’en vertu du principe d’impartialité, le supérieur hiérarchique mis en cause à raison de d’actes insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique (en clair d’actes pénalement répréhensibles) « ne peut régulièrement, quand bien même il serait en principe l’autorité compétente pour prendre une telle décision, statuer sur la demande de protection fonctionnelle présentée pour ce motif par son subordonné. »

Enfin, elle considère qu’il résulte des dispositions de l’article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales que le maire, qui n’aurait pas délégué cette fonction, est en principe compétent pour se prononcer sur une demande de protection fonctionnelle émanant des agents de sa commune. « Toutefois, face à une telle demande qui viserait des faits de harcèlement moral le concernant personnellement et qui comporterait les éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence d’un harcèlement […], il se trouve en situation de ne pouvoir se prononcer sans méconnaître les exigences qui découlent du principe d’impartialité ». Il lui appartient alors de se considérer empêcher au sens de l’article L. 2122-17 du même code, et de transmettre celle-ci à l’un de ses adjoints dans l’ordre du tableau ou, à défaut, à un conseiller municipal.

En l’espèce, la cour relève « que M. B… a, notamment, fait l’objet de remarques véhémentes de la part du maire d’Hirson au cours d’une réunion publique, le 14 décembre 2012, qu’il a connu plusieurs changements d’affectation en quelques années, notamment sur des postes ne comportant pas de fonctions d’encadrement, qu’il a fait l’objet d’une suspension de ses fonctions par un arrêté du maire d’Hirson du 27 avril 2016 alors qu’il a été victime d’une agression le même jour et qu’il s’est vu reconnaître un accident de service pour une tentative de suicide survenue le 9 février 2017 sur son lieu de travail. Ces éléments de fait, qui mettent en cause notamment le maire d’Hirson et qui sont insusceptibles de se rattacher à l’exercice normal du pouvoir hiérarchique, sont susceptibles de faire présumer l’existence d’un harcèlement moral. »

Dans ces conditions poursuit le juge d’appel, le maire d’Hirson ne pouvait légalement, sans manquer à l’impartialité, se prononcer lui-même sur la demande de protection fonctionnelle de M. B….

Cet arrêt peut être consulté à partir du lien suivant :

https://www.legifrance.gouv.fr/ceta/id/CETATEXT000045140488?juridiction=CONSEIL_ETAT&juridiction=COURS_APPEL&juridiction=TRIBUNAL_ADMINISTATIF&juridiction=TRIBUNAL_CONFLIT&page=1&pageSize=10&query=20DA02055&searchField=ALL&searchType=ALL&sortValue=DATE_DESC&tab_selection=cetat