La sécheresse pointe le bout de son nez, et les esprits se commencer déjà à se projeter sur les vacances estivales. La CJUE a eu l’occasion de rendre un arrêt, le 20 avril 2023, qui pourrait également concerner votre été, en se penchant sur les conditions d’octroi des concessions balnéaires (CJUE, 20 avril 2023, aff. n°C-348/22, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (Commune de Ginosa)).
Un petit rappel pour contextualiser le débat : il ressort de la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 que l’octroi des concessions d’occupation du domaine public est soumis à une procédure de sélection des candidats potentiels si le nombre d’autorisations disponibles pour une activité donnée est limité en raison de la rareté des ressources naturelles.
Dans cette affaire, la loi italienne avait prorogé les concessions d’occupation du domaine public maritime en cours jusqu’à fin 2033. Dans ce cadre, la commune italienne de Ginosa a décidé de proroger les concessions d’occupation du domaine public maritime concernant son territoire. L’autorité italienne chargée de contrôler la concurrence et le marché a toutefois demandé à la commune de ne pas appliquer la loi italienne, en rappelant l’exigence européenne de mise en concurrence préalable. La commune étant en désaccord, le litige a poursuivi jusqu’à solliciter l’intervention de la CJUE par la voie de questions préjudicielles tendant à vérifier le champ d’application de la directive, sa validité, sa nature, et les effets de son application. Se posait notamment la question de savoir si la directive était d’effet direct.
Dans son arrêt du 20 avril 2023, aff. C-348/22, la CJUE juge notamment que :
- La directive d’applique à toute concession d’occupation du domaine public maritime. Il n’est pas nécessaire qu’il y ait un intérêt transfrontalier certain ou que tous les éléments pertinents se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre pour qu’elle s’applique.
- La directive permet que la notion de rareté des ressources naturelles et des concessions disponibles soit appréciée en combinant une approche abstraite et générale, à l’échelle nationale, et une approche casuistique, reposant sur une analyse du territoire concerné. Toutefois, les critères retenus par un État membre pour apprécier la rareté des ressources naturelles utilisables doivent reposer sur des paramètres objectifs, non discriminatoires, transparents et proportionnés.
- Les dispositions de la directive concernant l’obligation d’appliquer une procédure de sélection impartiale et transparente entre les candidats potentiels, ainsi que l’interdiction de renouveler automatiquement une autorisation octroyée pour une activité donnée, sont d’effet direct. En effet, elles sont jugées comme étant énoncées de manière inconditionnelle et suffisamment précise par la directive. Les juridictions nationales ont donc l’obligation d’écarter une loi qui n’y soit pas conforme, tout comme les autorités communales. L’interdiction de reconduction automatique, dans la lignée de celle de principe concernant les marchés publics, cherche à préserver la concurrence.
Ainsi, l’occupation du domaine public maritime sera nécessairement soumis à une procédure de mise en concurrence préalable; leur durée ne pouvant être prolongée automatiquement .
Source :
CJUE, 20 avril 2023, aff. n°C-348/22, Autorità Garante della Concorrenza e del Mercato (Commune de Ginosa)
Pour aller plus loin :
Résiliation d’un contrat d’occupation du domaine public : quel contrôle du juge ? https://blog.landot-avocats.net/2023/04/05/resiliation-dun-contrat-doccupation-du-domaine-public-quel-controle-du-juge/
Occupation du domaine public : le juge fait preuve d’une relative souplesse concernant la mise en concurrence ! https://blog.landot-avocats.net/2023/04/11/occupation-du-domaine-public-le-juge-fait-preuve-dune-relative-souplesse-concernant-sa-mise-en-concurrence/
Contrats publics : l’arrêt Jean Bouin est mort et enterré. L’irrésistible ascension des principes de mise en concurrence et de publicité peut reprendre (pour la plupart des occupations du domaine public à tout le moins) https://blog.landot-avocats.net/2022/12/08/contrats-publics-larret-jean-bouin-est-mort-et-enterre-lirresistible-ascension-des-principes-de-mise-en-concurrence-et-de-publicite-peut-reprendre/
Contrats et domaine : les apports des arrêts du 2 décembre 2022 [VIDEO et article] https://blog.landot-avocats.net/2023/01/05/contrats-et-domaine-les-apports-des-arrets-du-2-decembre-2022-video-et-article/
*article rédigé avec la collaboration de Yasmine Chevreul, juriste