Un candidat à une élection a le droit de s’exprimer dans une autre langue que la langue officielle nationale

En droit français, un candidat ou un élu a le droit de s’exprimer dans la langue de son choix.

Ceci n’est pas à confondre avec le fait que les débats des assemblées délibérantes et les documents administratifs doivent quant à eux, être en français quitte à être traduits (voir « sources » ci-après).

Or, voici que, ce jour, par son arrêt de chambre, rendu dans l’affaire Mestan c. Bulgarie (requête no 24108/15), la Cour européenne des droits de l’homme a, unanimement, posé qu’un candidat à une élection ne saurait être sanctionné pour s’être exprimé, dans sa campagne électorale, dans une autre langue que la langue du pays.

L’affaire concerne une sanction administrative imposée au leader d’un parti politique– traditionnellement soutenu par l’électorat de la minorité turque en Bulgarie – et candidat aux élections législatives bulgares de 2013 car il s’était exprimé en turc pendant sa campagne électorale. Les autorités bulgares estimèrent que le requérant avait enfreint le code électoral bulgare.

La Cour constate que le code électoral bulgare interdit absolument l’emploi de toute langue autre que la langue officielle, à savoir le bulgare, dans le cadre des campagnes électorales, et les infractions à cette disposition entraînent des sanctions administratives prenant la forme d’amendes.

La Cour note que la sanction administrative imposée au requérant sous forme d’amende constitue une ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit à la liberté d’expression. Celle-ci était prévue par le code électoral et visait éventuellement comme but la défense de l’ordre ainsi que la protection des droits d’autrui.

La Cour souligne l’importance du pluralisme, de la tolérance et de la protection des minorités dans une société démocratique, et précise que le respect des minorités, loin d’affaiblir les démocraties, ne peut que les renforcer. Ainsi, en dépit de la marge d’appréciation laissée aux autorités nationales, la Cour considère que l’interdiction en cause ne répondait pas à un besoin social impérieux et n’était pas proportionnée aux buts légitimes visés par l’article 10 de la Convention. L’ingérence dans l’exercice par le requérant de son droit à la liberté d’expression n’était donc pas nécessaire dans une société démocratique.

La Cour observe que le caractère absolu de l’interdiction litigieuse a privé les juridictions nationales de leur pouvoir d’exercer un contrôle juridictionnel adéquat. En témoigne clairement le fait que le tribunal de district s’est borné dans son examen de l’affaire à vérifier, sur la base notamment d’un enregistrement vidéo, de documents écrits et de déclarations de témoins, si, pendant la réunion en cause, le requérant s’était exprimé dans une langue autre que le bulgare dans le cadre d’une campagne électorale. Ce caractère absolu est également confirmé par les exemples de jurisprudence figurant au dossier.

Plus modestement, le requérant va, royalement, récupérer 1 200 euros (EUR) pour dommage moral et 3 200 EUR pour frais et dépens.

A mon sens, le droit français n’impose pas la langue française pour les candidats au élections, donc cette décision n’a pas d’impact immédiat dans notre pays, sauf peut être par extension (mais il s’agit en ce cas d’une extrapolation très hasardeuse de cette décision) pour les rédactions des « circulaires » (dites dans le langage courant « professions de foi »), sous réserve en sus des règles (coutumières en réalité) propres à l’Alsace-Moselle jusqu’en 2008 (et dont l’auteur regrette à titre personnel la disparition).

 

AUTRES SOURCES SUR LE DROIT FRANÇAIS  :

Voir aussi ma courte vidéo faite en mars 2022 à ce sujet (4 mn 11) : https://youtu.be/8ddUF0y8gj8