Gaz à effet de serre : nouvelle nouvelle injonction, forte mais sans astreinte, du Conseil d’Etat [jamais 2 sans 3] (décision que certains commentateurs estiment faible. A tort selon moi)

En matière d’émission de gaz à effet de serre, le Conseil d’Etat a rendu coup sur coup, en novembre dernier puis en juillet 2021, et enfin ce jour (10 mai 2023), des décisions historiques.

Avec force, il a enjoint, en en novembre 2020, au Gouvernement de justifier, sous 3 mois, qu’il tiendra ses objectifs.

Puis, le 1er juillet 2021, il a de nouveau enjoint au Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires avant le 31 mars 2022. 

Cette date étant passée, et les requérants étant pugnaces, voici que, ce jour, le Conseil d’Etat réitère donc ses injonctions, avec force mais sans astreinte, en dépit des quelques avancées identifiées. 

Décortiquons quelques aspects de ces décisions, initiées notamment par le recours d’une commune :

  • I. Des engagements forts et des mises en œuvre réelles 
  • II. Mais côté réalisations… ne sommes nous pas loin du compte ?  
  • III. En novembre 2020, le Conseil d’Etat avait déjà enjoint à l’Etat de justifier sous 3 mois que la trajectoire de réduction à horizon 2030, en matière de gaz à effet de serre, pourra être respectée
  • IV. Puis le 1er juillet 2021, par une importante décision, le Conseil d’Etat a enjoint au Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires avant le 31 mars 2022
  • V. Avant que, ce jour, de remettre le couvert
  • VI. Ceci traduit un renforcement très net de l’intervention du juge administratif en ces domaines et sa réticence croissante face au droit flou ou aux objectifs dénués de mesures d’application concrète 

 

 

I. Des engagements forts et des mises en œuvre réelles

 

La France a, en termes de transition environnementale, des engagements forts :

Voir aussi : Avis de la FNCCR concernant la PPE et la SNBC 

Ces dispositions se retrouvent à ce jour au sein de l’article L. 100-4 du code de l’énergie et de l’article L. 222-1 A du code de l’environnement.

Il en résulte des implications et des déclinaisons en de nombreux domaines. Voir par exemple :

 

 

II. Mais côté réalisations… ne sommes nous pas loin du compte ?

 

La Cour des comptes a pointé que nous étions loin du compte en termes de financement climat, cela dit :

Même s’il y a quelques signes encourageants :

 

Et des choses à faire sur le terrain. Voir par exemple :

 

 

III. En novembre 2020, le Conseil d’Etat avait déjà enjoint à l’Etat de justifier sous 3 mois que la trajectoire de réduction à horizon 2030, en matière de gaz à effet de serre, pourra être respectée

 

Pour la première fois, le Conseil d’Etat avait alors été conduit à se prononcer sur une affaire portant sur le respect des engagements en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre. En effet, la commune de Grande-Synthe a saisi le Conseil d’État à la suite du refus du Gouvernement opposé à sa demande que soient prises des mesures supplémentaires pour respecter les objectifs issus de l’accord de Paris.

La haute juridiction juge d’abord que la requête de la commune, commune littorale particulièrement exposée aux effets du changement climatique, est recevable.

Sur le fond, le Conseil d’Etat relève que si la France s’est engagée à réduire ses émissions de 40 % d’ici à 2030, elle a, au cours des dernières années, régulièrement dépassé les plafonds d’émissions qu’elle s’était fixés et que le décret du 21 avril 2020 a reporté l’essentiel des efforts de réduction après 2020.

Avant de statuer définitivement sur la requête, le Conseil d’État demande donc aujourd’hui au Gouvernement de justifier, dans un délai de trois mois, que son refus de prendre des mesures complémentaires est compatible avec le respect de la trajectoire de réduction choisie pour atteindre les objectifs fixés pour 2030.

Lors de la signature de l’accord de Paris sur le climat du 12 décembre 2015, conclu dans le cadre de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) du 9 mai 1992, l’Union européenne et la France se sont engagées à lutter contre les effets du changement climatique induit notamment par l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. Pour mettre en œuvre cet engagement, l’Union européenne et ses Etats membres ont décidé de réduire leurs émissions de 30 % par rapport à 2005 d’ici à 2030, un objectif de 37 % étant assigné à la France. En outre, la France s’est fixée à elle-même, par la loi, un objectif encore un peu plus ambitieux de réduction de 40 % de ses émissions en 2030 par rapport à 1990.

La commune de Grande-Synthe (Nord) et son maire ont demandé fin 2018 au Président de la République et au Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires pour infléchir la courbe des émissions produites et respecter, au minimum, les engagements pris par la France. Un refus leur ayant été opposé, ils ont saisi le Conseil d’État, soutenus par les villes de Paris et Grenoble ainsi que par plusieurs organisations de défense de l’environnement dont Oxfam France, Greenpeace France et Notre Affaire A Tous. Le Conseil d’Etat juge d’abord que la requête de la commune de Grande-Synthe est recevable, cette commune littorale de la mer du Nord étant particulièrement exposée aux effets du changement climatique. Il admet également les différentes interventions.

Le Conseil d’Etat relève d’abord que la France s’est engagée, pour mettre en œuvre l’accord de Paris, à adopter une trajectoire de réduction des émissions permettant de parvenir, en 2030, à une baisse de 40 % par rapport à leur niveau de 1990.

S’agissant de la portée juridique de la CCNUCC et de l’accord de Paris, invoqués par les requérants, en droit français, le Conseil d’Etat fait application d’une grille classique en relevant que ces accords renvoient à chaque Etat signataire le soin de prendre des mesures nationales pour assurer leur mise en œuvre. Le Conseil d’Etat précise néanmoins que les objectifs que s’est fixés la France à ce titre doivent être lus à la lumière de ces accords afin de leur donner une pleine portée en droit français.

Ces engagements ont été déclinés aux niveaux européen et national. En France, le législateur a ainsi fixé un objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de 40 % entre 1990 et 2030 sur le territoire national. Pour atteindre cet objectif, le Gouvernement a adopté par décret une trajectoire de réduction s’étendant sur 4 périodes (2015-2018, 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033), chacune comportant un plafond d’émissions (appelé « budget carbone »), progressivement dégressif.

Le décret du 21 avril 2020 ayant reporté après 2020 et notamment après 2023 une partie de l’effort de réduction des émissions devant être réalisé, le Conseil d’Etat demande au Gouvernement de justifier que son refus de prendre des mesures plus strictes est compatible avec le respect de l’objectif pour 2030.

Le Conseil d’État constate d’abord que, pour la période 2015-2018, le plafond d’émissions prévu a sensiblement été dépassé. La France a seulement réalisé une baisse moyenne de ses émissions de 1 % par an alors que le plafond fixé imposait une réduction de l’ordre de 2,2 % par an. Par un décret du 21 avril 2020, le Gouvernement a modifié les 2e, 3e et 4e plafonds d’émissions. Il revoit à la baisse l’objectif de réduction des émissions pour la période 2019-2023 et prévoit donc un décalage de la trajectoire de baisse pour atteindre l’objectif prévu pour 2030 : une partie des efforts initialement prévus est ainsi reportée après 2023, ce qui imposera alors de réaliser une réduction des émissions en suivant un rythme qui n’a jamais été atteint jusqu’ici.

Face à ces nouvelles données, le Conseil d’État estime qu’il ne dispose pas des éléments nécessaires pour juger si le refus de prendre des mesures supplémentaires est compatible avec le respect de la nouvelle trajectoire résultant du décret d’avril dernier pour parvenir à l’objectif de 2030. Il demande donc au Gouvernement, de lui fournir, dans un délai de trois mois, les justifications appropriées, et à la commune requérante ainsi qu’aux intervenantes tous éléments complémentaires.

Si les justifications apportées par le Gouvernement ne sont pas suffisantes, le Conseil d’État pourra alors faire droit à la requête de la commune et annuler le refus de prendre des mesures supplémentaires permettant de respecter la trajectoire prévue pour atteindre l’objectif de – 40 % à horizon 2030.

 

CE, 19 novembre 2020, n° 427301 :

427301

 

 

IV. Puis, par une importante décision, le Conseil d’Etat a en juillet 2021 enjoint au Gouvernement de prendre des mesures supplémentaires avant le 31 mars 2022

 

La décision de juillet 2021 fut donc la suite de la précédente.

À la suite de la transmission par le Gouvernement de nouveaux éléments, une nouvelle instruction contradictoire a été ouverte et une audience publique s’est tenue le 11 juin dernier au Conseil d’État.

2019-2020 : une baisse relative des gaz à effet de serre

Pour atteindre l’objectif de réduction issu de l’Accord de Paris, de – 40 % par rapport au niveau de 1990, le Gouvernement a adopté une trajectoire s’étendant sur 4 périodes (2015-2018, 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033), chacune comportant des objectifs de réduction.

Le Conseil d’État observe que le niveau d’émissions mesuré en 2019 respecte l’objectif annuel fixé pour la période 2019-2023. Toutefois la baisse des émissions observée, de 0,9 %, apparaît limitée par rapport aux objectifs de réduction visés pour la précédente période (2015-2018), qui étaient de 1,9 % par an et par rapport aux objectifs fixés pour la période suivante (2024-2028), qui sont de 3 % par an.

Les données provisoires pour 2020 montrent une baisse sensible des émissions. Toutefois, cette diminution s’explique dans une large mesure par les effets du confinement sur l’activité et doit, ainsi que l’a notamment relevé le Haut conseil pour le climat (HCC), être regardée comme « transitoire » et « sujette à des rebonds » et elle ne permet pas, à elle seule, de garantir que la trajectoire fixée pour atteindre les objectifs de 2030 pourra être respectée.

Des efforts supplémentaires nécessaires à court terme pour atteindre l’objectif de 12 % de baisse des émissions entre 2024 et 2028

Le Conseil d’État observe que la stratégie nationale prévoit une diminution des émissions de 12 % pour la période 2024-2028 contre seulement 6 % entre 2019 et 2023. Il estime qu’il ressort des différents éléments transmis, notamment des avis publiés entre 2019 et 2021 par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), le Conseil économique, social et environnemental (CESE) et le HCC, que cet objectif de réduction de 12 % ne pourra être atteint si de nouvelles mesures ne sont pas adoptées à court terme.

Le Conseil d’État constate en outre que l’accord entre le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne en avril 2021 a relevé l’objectif de réduction des émissions gaz à effet de serre de 40 à 55 % par rapport à leur niveau de 1990.

Le Conseil d’État observe enfin que le Gouvernement admet que les mesures actuellement en vigueur ne permettent pas d’atteindre l’objectif de diminution de 40 % des émissions de gaz à effet de serre fixé pour 2030, puisqu’il compte sur les mesures prévues par le projet de loi « climat et résilience » pour atteindre cet objectif.

En l’absence de mesures supplémentaires en vigueur aujourd’hui et permettant de respecter la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre, le Conseil d’État fait droit à la demande des requérants et enjoint au gouvernement de prendre avant le 31 mars 2022 toutes mesures utiles pour atteindre l’objectif issu de l’Accord de Paris.

Voici cette décision :

CE, 1er juillet 2021, n°427301

 

 

V. Ce jour (10 mai 2023), voici que le Conseil d’Etat réaffirme, avec force (deux délais, demandes précises), ses injonctions (jamais deux sans trois)… mais sans astreinte

 

La décision précédente conduisait à une injonction avec le 31 mars 2022 pour date butoir.

Un an après, le Conseil d’État a vérifié si les actions menées traduisent une correcte exécution de sa décision.

Le Conseil d’Etat estime que, si des mesures supplémentaires ont bien été prises et traduisent la volonté du Gouvernement d’exécuter la décision, il n’est toujours pas garanti de façon suffisamment crédible que la trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre puisse être effectivement respectée. C’est pourquoi le Conseil d’Etat ordonne aujourd’hui au Gouvernement de prendre de nouvelles mesures d’ici le 30 juin 2024, et de transmettre, dès le 31 décembre, un bilan d’étape détaillant ces mesures et leur efficacité.

Saisi notamment par la commune de Grande-Synthe et plusieurs associations de défense de l’environnement, le Conseil d’État avait ordonné au Gouvernement en juillet 2021 de prendre toutes les mesures permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre produites en France pour garantir sa compatibilité avec les objectifs fixés par le législateur français en cohérence avec l’Accord de Paris (- 40% d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990) avant le 31 mars 2022. Après avoir reçu les éléments transmis par le Gouvernement pour justifier son action ainsi que les observations de la commune de Grande-Synthe, de la ville de Paris et des associations requérantes, le Conseil d’État a organisé une audience orale d’instruction, au cours de laquelle il a pu entendre le Gouvernement et les parties requérantes, et interroger le Haut Conseil pour le Climat.

 

LE CONSEIL D’ETAT A DONC RENDU UNE DÉCISION QUE JE CROIS FORTE CAR IL A RÉAGI VITE, ET A DEMANDÉ DES PRÉCISIONS NETTES SUR DEUX DATES DIFFÉRENTES. EN REVANCHE LE REJET DE L’ASTREINTE PEUT ETRE CRITIQUE (MAIS BON SI C’EST POUR DONNER, COMME CE FUT FAIT POUR LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE, DES MONTANTS D’ASTREINTE À DES BUDGETS D’ÉTABLISSEMENTS DE L’ETAT..). JE VIENS DE ME FAIRE HOUSPILLER EN LIGNE POUR AVOIR TROUVÉ QUE CETTE DÉCISION DU CONSEIL D’ETAT RESTE NÉANMOINS FORTE. MAIS JE MAINTIENS CETTE ANALYSE. 

NB : ce qui suit reprend largement le communiqué du Conseil. 

Après avoir tenu une audience de jugement le 12 avril, il rend aujourd’hui sa décision. Le Conseil d’Etat y précise les modalités selon lesquelles il détermine si la décision du 1er juillet 2021 a été correctement exécutée. Il doit examiner si les mesures prises par le Gouvernement, ou qui peuvent encore être adoptées pour produire des effets dans un délai suffisamment court, permettent que la courbe des émissions de gaz à effet de serre soit compatible avec l’atteinte des objectifs fixés à l’échéance 2030. Il doit, à ce titre, examiner si les objectifs intermédiaires ont été atteints, si les mesures adoptées ou annoncées sont de nature à réduire les émissions de gaz à effet de serre, ou au contraire risquent d’augmenter ces émissions. Il prend, enfin, en considération les effets constatés ou prévisibles de ces différentes mesures et, plus largement, l’efficacité des politiques publiques mises en place, au regard des méthodes d’évaluation disponibles, notamment les avis émis par les experts, dont le Haut conseil pour le climat.

Les objectifs de baisse des émissions pour 2019-2023 pourraient être respectés…

Pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre de – 40% par rapport aux niveaux de 1990, le Gouvernement a adopté une trajectoire de diminution de ces émissions s’étendant sur 4 périodes dites budgets carbone (2015-2018, 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033), chacune comportant des objectifs de baisse des émissions.
Sous réserve de la confirmation des données 2021 et 2022, les données publiées par le centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA) montrent que jusqu’ici les objectifs 2019-2023, correspondant à une diminution moyenne des émissions de 1,9 % par an, pourraient être respectés. Cependant, au-delà de cette moyenne, les baisses des émissions annuelles sont très contrastées : – 1,9 % en 2019, puis – 9,6 % en 2020. Par ailleurs, les données provisoires disponibles montrent que les émissions sont reparties à la hausse en 2021 (+ 6,4 %) avant de redescendre à nouveau en 2022 (- 2,5 %), malgré une baisse particulièrement faible les 9 premiers mois de l’année.
Le Conseil d’État relève qu’il existe une incertitude sur le point de savoir si ces résultats sont liés à des actions du Gouvernement ou au contexte particulier des dernières années, caractérisé par de fortes baisses de l’activité (2020, avec la pandémie de Covid-19 et deux confinements) puis à la crise de l’énergie (2022 avec la guerre en Ukraine).

…mais il n’est pas certain que la réduction des émissions puisse être accélérée de façon suffisante à partir de 2024 en vue d’atteindre la cible fixée par le législateur en 2030

Les éléments mis en avant par le Gouvernement montrent qu’un certain nombre de mesures ont bien été prises depuis le 1e juillet 2021, avec un budget alloué à leur financement et, plus largement, à la transition écologique et énergétique. L’exercice de simulation réalisé par le CITEPA, à la demande du Gouvernement, indique que les mesures prises depuis juillet 2017 pourraient permettre d’atteindre une baisse de plus de 38 % des émissions des gaz à effet de serre en 2030 par rapport à leurs niveaux de 1990.
Pour autant, le Conseil d’Etat relève que le Haut Conseil pour le Climat (HCC) dans son rapport 2022, estime qu’il existe un risque avéré que l’objectif de réduction pour 2030 ne soit pas tenu. Comme le note le HCC, sur les 25 orientations de la stratégie de baisse des émissions établie par le Gouvernement (stratégie nationale bas carbone, SNBC), seules 6 ont bénéficié de mesures en adéquation avec la trajectoire de réduction fixée et 4 auraient même fait l’objet de mesures aux effets contraires, en particulier dans le secteur des transports, du bâtiment, l’agriculture et l’énergie. Le HCC souligne ainsi qu’il existe des risques majeurs que les objectifs fixés pour 2030 ne soient pas tenus. Par ailleurs, le HCC constate que malgré la création d’un Secrétariat général à la planification écologique, un véritable pilotage reposant sur des indicateurs pertinents et sur une évaluation systématique de l’incidence des politiques publiques sur le climat n’est toujours pas mis en œuvre. Le HCC estime que le risque de ne pas atteindre les objectifs de 2030 est d’autant plus grand que la trajectoire de baisse des émissions prévoit une accélération des baisses d’émissions qui doivent atteindre – 3,2 % par an à partir de 2024. Les éléments retenus par le HCC n’ont pas été sérieusement contestés.

Le Gouvernement doit accélérer

Le Conseil d’État relève que l’ensemble des mesures adoptées depuis le 1er juillet 2021 montre la volonté du Gouvernement d’atteindre les objectifs de 2030 mais que l’évaluation de ces mesures repose sur des hypothèses non vérifiées à ce jour et que les conclusions de cette évaluation sont en contradiction avec l’analyse faite par le HCC.
Compte tenu de la nécessité d’accélérer la réduction des émissions dès 2024 et dans la perspective des nouveaux objectifs adoptés par l’Union européenne pour 2030 (- 55 % par rapport aux niveaux de 1990), le Conseil d’État estime que les mesures prises à ce jour ne permettent pas de garantir, de façon suffisamment crédible, que la trajectoire de réduction des émissions adoptée par le Gouvernement pourra être atteinte, notamment l’objectif de réduction de 40% des émissions qui était en vigueur à la date de la décision du Conseil d’Etat du 1er juillet 2021.
Pour ces raisons, le Conseil d’État conclut que sa précédente décision ne peut être regardée comme ayant été exécutée, et adresse une nouvelle injonction au gouvernement, en lui demandant de prendre, d’ici au 31 juin 2024 toutes les mesures nécessaires pour atteindre l’objectif de réduction des émissions de – 40 % en 2030. S’il n’assortit pas son injonction d’une astreinte, le Conseil d’Etat demande au Gouvernement de transmettre d’ici le 31 décembre 2023 dans un premier temps, puis au plus tard le 31 juin 2024 tous les éléments justifiant à la fois qu’il a pris ces mesures et qu’elles sont de nature à permettre de respecter cet objectif.

Voici cette décision :

 

CE, 10 mai 2023, 467982

 

Voici le futur — et très copieux — résumé des tables du rec. tel que préfiguré par celui de la base Ariane :

« 54-06-07-008 : Procédure- Jugements- Exécution des jugements- Prescription d’une mesure d’exécution-

« Injonction faite au Premier ministre de prendre, avant le 31 mars 2022, toutes mesures utiles permettant d’assurer la compatibilité des émissions nationales de GES avec les objectifs légaux et réglementaires de réduction pour 2030 – Exécution – 1) Objectifs – a) Cadre juridique actuel – b) Nouvel objectif européen (paquet « Fit for 55 ») – Applicabilité – Absence – Modalités de prise en compte – 2) Office du juge – Prise en considération de tous les éléments recueillis permettant de s’assurer, avec une marge de sécurité suffisante et en tenant compte des aléas de prévision et d’exécution, que ces objectifs seront atteints – Portée – 3) Mise en oeuvre – a) Niveaux d’émissions de GES relevés jusqu’à la date de la décision – Parts annuelles indicatives d’émissions prévues pour les années 2019 à 2021 ayant été respectées et part prévue pour 2022 pouvant l’être – b) Mesures invoquées par le Gouvernement – c) Appréciation de leur compatibilité avec la trajectoire de diminution – i) Considérations préalables – Incidence de la pandémie de Covid-19 et de la guerre en Ukraine – Accélération, à partir de 2022, du rythme de diminution à atteindre – ii) Méthodes d’évaluation du Gouvernement, des requérants et du HCC – iii) Appréciation – Respect des objectifs pour la période 2020-2022 – Incertitudes quant à la capacité à rendre suffisamment crédible l’atteinte d’un rythme de diminution compatible avec les objectifs fixés pour 2030 – iv) Conséquence – Décision ne pouvant être regardée comme ayant été complètement exécutée – Injonction, sans astreinte, à prendre toutes mesures supplémentaires utiles pour assurer la cohérence du rythme de diminution des émissions avec la trajectoire de réduction et à produire, à échéance du 31 décembre 2023 puis au plus tard le 30 juin 2024, tous les éléments justifiant de l’adoption de ces mesures et permettant l’évaluation de leurs incidences.

« Conseil d’Etat statuant au contentieux ayant, par une décision n° 427301 du 1er juillet 2021, d’une part, annulé le refus implicite de prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre (GES) produites sur le territoire national afin d’assurer sa compatibilité avec les objectifs de réduction fixés à l’article L. 100-4 du code de l’énergie et à l’annexe I au règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 et, d’autre part, enjoint au Premier ministre de prendre de telles mesures avant le 31 mars 2022. Requérants estimant que les mesures permettant d’assurer l’exécution complète de cette décision n’ont pas été prises et ayant saisi le Conseil d’Etat, sur le fondement des articles L. 911-5 et R. 931-2 du code de justice administrative (CJA), de demandes tendant au prononcé d’une astreinte. 1) a) Règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 fixant à -37 % l’objectif de réduction des émissions de GES en 2030, par rapport à leurs niveaux de 2005. Législateur ayant fixé un objectif de réduction de 40 % des émissions de GES en 2030 par rapport aux niveaux de 1990 à l’article L. 100-4 du code de l’énergie. Articles L. 222-1 A à L. 221-C du code de l’environnement prévoyant la fixation d’une stratégie bas-carbone et de budgets carbone. Décret n° 2020-457 du 21 avril 2020 relatif aux budgets carbone nationaux et à la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) fixant en son article 2 les budgets carbone des périodes 2019-2023, 2024-2028 et 2029-2033, respectivement, à 422, 359 et 300 Mt de CO2eq par an, hors émissions et absorptions associées à l’utilisation des terres, aux changements d’affectation des terres et à la foresterie. Articles 3 à 5 définissant les modalités de répartition de ces budgets carbone par grands secteurs, par domaines d’activité et par catégories de GES. Article 6 précisant des tranches indicatives d’émissions annuelles, pour chacun des deuxième, troisième et quatrième budgets carbone. Parts annuelles indicatives de 443 Mt CO2eq en 2019, 436 Mt CO2eq en 2020, 423 Mt CO2eq en 2021, 410 Mt CO2eq en 2022. b) Article 4 du règlement (UE) 2021/1119 du 30 juin 2021 approuvant un nouvel objectif de réduction des émissions nettes de GES, après déduction des absorptions, à échéance 2030, à au moins – 55 % en 2030 par rapport aux niveaux de 1990. Déclinaison de ce nouvel objectif global venant d’être adopté par le Parlement et le Conseil dans le cadre du « paquet » dit « Fit for 55 » ou « Ajustement à l’objectif -55 ». Règlement modificatif en cours de publication à la date de la présente décision portant de -37 % à -47,5 % l’objectif de réduction de ses émissions de GES par la France pour la période 2005 – 2030. La décision du 1er juillet 2021 ayant examiné, conformément à la décision avant-dire droit du 19 novembre 2020, la légalité des décisions de refus implicite attaquées initialement aux regards des objectifs fixés tant au niveau européen que national applicables à la date de son intervention, le nouvel objectif européen et ses déclinaisons nationales ne peuvent être regardés comme applicables, en tant que tels, au présent contentieux. Pour autant, cet élément ne saurait être ignoré dans l’analyse de l’évolution du niveau des émissions de GES, dès lors que cette modification du cadre règlementaire mis en place par l’Union européenne va se traduire, de façon imminente, par un renforcement sensible des objectifs à atteindre par la France. 2) Pour démontrer la correcte exécution de la décision du 1er juillet 2021, le Gouvernement doit justifier que les mesures prises, ainsi que les mesures qui peuvent encore être raisonnablement adoptées pour produire des effets dans un délai suffisamment court, permettent que la courbe des émissions de GES produites sur le territoire national soit compatible avec l’atteinte des objectifs mentionnés par le règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 et les décrets pris pour l’application des articles L. 221-A à L. 221-C du code de l’environnement, fixés à l’échéance 2030, avant l’adoption du « paquet » dit « Fit for 55 ». Pour déterminer si tel est le cas, le juge de l’exécution prend en considération tous les éléments recueillis lors de l’instruction contradictoire permettant de s’assurer, avec une marge de sécurité suffisante, et en tenant compte des aléas de prévision et d’exécution, que les objectifs fixés par le législateur pourront être atteints. Il lui appartient, en particulier, en premier lieu, d’examiner si les objectifs intermédiaires ont été atteints à la date à laquelle il statue et dans quelles conditions, en tenant compte, le cas échéant, des évènements exogènes qui ont pu affecter de manière sensible le niveau des émissions constatées. En deuxième lieu, il lui appartient de prendre en compte les mesures adoptées ou annoncées par le Gouvernement et présentées comme de nature à réduire les émissions de GES mais également, le cas échéant, les mesures susceptibles d’engendrer au contraire une augmentation notable de ces émissions. En troisième lieu, il doit prendre en considération les effets constatés ou prévisibles de ces différentes mesures et, plus largement, l’efficacité des politiques publiques mises en place, au regard des différentes méthodes d’évaluation ou d’estimation disponibles, y compris les avis émis par les experts, notamment le Haut conseil pour le climat (HCC), pour apprécier la compatibilité de la trajectoire de baisse des émissions de GES avec les objectifs assignés à la France. Au regard de l’ensemble de ces éléments, il appartient, en dernier lieu, au juge de déterminer, dans une perspective dynamique, et sans se limiter à l’atteinte des objectifs intermédiaires, mais en prenant en compte les objectifs fixés à la date de sa décision d’annulation, si, au vu des effets déjà constatés, des mesures annoncées et des caractéristiques des objectifs à atteindre ainsi que des modalités de planification et de coordination de l’action publique mises en oeuvre, les objectifs de réduction des émissions de GES fixés à l’échéance de 2030 peuvent, à la date de sa décision, être regardés comme raisonnablement atteignables. Si au terme de cette analyse, le juge de l’exécution estime que des éléments suffisamment crédibles et étayés permettent de regarder la trajectoire d’atteinte de ces objectifs comme respectée, il peut clore le contentieux lié à l’exécution de sa décision. Si au contraire il estime que tel n’est pas le cas, il lui appartient d’apprécier l’opportunité de compléter les mesures déjà prescrites ou de prononcer une astreinte, en tenant compte pour ce faire tant des circonstances de droit et de fait à la date de sa décision que des diligences déjà accomplies par l’administration pour procéder à l’exécution de la décision du 1er juillet 2021, ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l’être. 3) a) Emissions de GES nationales, hors utilisation des terres, s’étant élevées à 435 Mt CO2eq en 2019, à comparer à l’objectif indicatif de 443 Mt CO2eq fixé par le décret n° 2020-457 du 21 avril 2020, et à 393 Mt CO2eq en 2020, à comparer à l’objectif indicatif de 436, chiffres qui correspondent à une baisse, respectivement, de 1,9 % et 9,6 % des émissions par rapport à l’année directement précédente. Données provisoires disponibles pour 2021 situant le niveau d’émission à 418 Mt CO2eq, correspondant à une hausse des émissions de 6,4 % par rapport au niveau constaté en 2020, année qui avait été marquée par les mesures prises pour la gestion de la crise sanitaire causée par la pandémie de Covid-19. Dernières données non consolidées publiées concernant l’année 2022 mettant en évidence un niveau des émissions en baisse de 2,5 % par rapport à celui de 2021, avec une différence sensible de tendance entre les neuf premiers mois de l’année, marqués par une baisse très faible du niveau des émissions de l’ordre de – 0,3 %, et les trois derniers mois de l’année, marqués par des émissions en forte baisse, avec toutefois des évolutions contrastées selon les secteurs. Sous réserve de la confirmation de ces données provisoires pour l’année 2021 puis pour l’année 2022, éléments mettant en évidence que les parts annuelles indicatives d’émissions prévues pour le 2e budget carbone pour les années 2019, 2020 et 2021 ont été respectées et que celle prévue pour l’année 2022 pourrait l’être également. Sur la période 2019-2021, il en résulte un rythme de diminution annuel moyen des émissions de GES de l’ordre de – 1,9 %. b) Ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires faisant valoir que dans l’objectif d’accélérer le rythme de diminution des émissions de GES à un niveau compatible avec la trajectoire prévue par la SNBC, et en particulier celui prévu par les 3ème et 4ème budgets carbone tels que fixés par le décret du 21 avril 2020, de nombreuses mesures ont été adoptées par le Gouvernement depuis le 1er juillet 2021, que des budgets conséquents ont été prévus et seront consacrés au soutien de la transition écologique, et que des dispositifs de pilotage de l’action climatique de l’Etat destinés à mettre en oeuvre la SNBC ont été mis en place. S’agissant des mesures adoptées depuis le 1er juillet 2021, ministre mettant notamment en avant l’adoption de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 ainsi que les nombreux textes réglementaires d’application prévus par cette loi comportant des mesures destinées à réduire le niveau des émissions de GES. Ministre faisant également valoir différentes mesures dans les secteurs des transports, du bâtiment, de l’agriculture, de l’industrie, de l’énergie et des déchets. Ministre invoquant également les financements alloués à ces mesures ainsi que les initiatives prises en matière de gouvernance et de pilotage des politiques publiques relatives au climat. c) i) Il y a lieu de relever, tout d’abord, que les résultats constatés sont rendus d’interprétation délicate compte tenu de l’intervention, d’une part, de deux circonstances exogènes qui ont affecté de façon notable les activités générant des émissions de gaz à effet de serre, d’autre part, des mesures temporaires prises en réponse par le Gouvernement, également susceptibles d’affecter la trajectoire de réduction de ces émissions. Ainsi, les trois dernières années 2020, 2021 et 2022 ont été marquées par la grave crise sanitaire causée par la pandémie de Covid-19, qui a conduit à une forte restriction des activités qui génèrent des émissions de gaz à effet de serre, puis à un fort rebond de l’activité économique ayant fait suite à la levée de la plupart des mesures restrictives adoptées. Or, ces circonstances exceptionnelles ne permettent pas d’apprécier, d’une part, si les objectifs fixés pour 2020 auraient été atteints sur la base des seules mesures structurelles adoptées antérieurement, d’autre part, dans quelle proportion l’efficacité de ces mesures a eu une incidence sur le niveau d’émission constaté en 2021 au regard des données provisoires actuellement disponibles. La crise liée à la guerre en Ukraine a, par ailleurs, eu des incidences significatives sur l’activité économique, les conditions d’approvisionnement en énergie et les décisions de politique énergétique, à compter de février 2022, et a conduit le Gouvernement à prendre des mesures susceptibles d’aller à l’encontre des objectifs de réduction des émissions de GES, notamment en intervenant sur les prix de l’énergie et les dépenses supportées par les entreprises et les ménages et en maintenant ouvertes ou en recourant à des centrales à charbon et à des centrales électriques au gaz pour garantir l’approvisionnement en électricité du pays. Il y a également lieu de relever, comme le notait déjà la décision du 1er juillet 2021, que les 3ème et 4ème budgets carbone tels que fixés par le décret du 21 avril 2020 vont imposer un rythme de diminution des émissions de GES sensiblement supérieur au rythme annuel moyen de – 1,9 % constaté pour les années 2019 à 2021 et ce, sans prendre en compte le rehaussement de l’objectif de réduction des émissions adopté à l’échelle de l’Union européenne (UE). ii) S’agissant des modalités d’appréciation de la capacité de la France à atteindre les objectifs de réduction des émissions de GES qui lui sont assignés, mesures prises par le Gouvernement ayant fait l’objet de différents types d’évaluations qui ont été versées à l’instruction contradictoire. Gouvernement ayant mené à bien, sous l’égide du Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA), un exercice de simulation par projection des effets de différentes mesures sélectionnées. Exercice biennal de modélisation mis en oeuvre par l’Etat au titre de l’article 18 du règlement (UE) 2018/1999 du 11 décembre 2018 et ayant pour objet de mesurer l’impact à moyen terme des politiques publiques menées afin de réduire les émissions de GES. Pour réaliser la première étape de cette évaluation (dite « run 1 »), Gouvernement ayant mis à jour les scénarios prospectifs qui avaient été communiqués dans le cadre de l’instance au fond pour y intégrer les mesures supplémentaires adoptées depuis juillet 2017 et s’étant appuyé sur une agrégation de paramètres clés, d’indicateurs et de modèles sectoriels, soit technico-économiques, soit purement physiques réalisée par le CITEPA. Selon les projections ainsi effectuées avec les mesures supplémentaires adoptées depuis juillet 2017, émissions de GES des six secteurs des transports, du bâtiment, de l’agriculture, de l’industrie, de l’énergie et des déchets devant atteindre 335,4 Mt CO2eq en 2030, correspondant à une diminution de 23 % par rapport à leur niveau de 2019 et de plus de 38 % par rapport à leur niveau de 1990. Le Gouvernement faisant dès lors valoir que compte tenu des mesures supplémentaires adoptées depuis le 31 décembre 2022 et de la marge d’erreur inhérente à un tel exercice d’évaluation, les objectifs de réduction des émissions fixés pour 2030 devraient être atteints. Toutefois, cet exercice de prévision présente un degré d’incertitude significatif à la date de la présente décision, en raison notamment de l’absence d’évaluation rétrospective sur la capacité des mesures prises en compte à permettre effectivement les réductions d’émissions de GES projetées à l’horizon 2030. L’évaluation de la réduction des émissions à laquelle il aboutit doit, dès lors, être complétée par une appréciation de l’impact des politiques sectorielles menées par rapport aux différentes orientations sectorielles fixées dans le cadre de la SNBC pour atteindre les objectifs de réduction fixés à cette échéance. Requérantes ayant produit des éléments d’analyse complémentaires à ceux qui avaient été versés lors de l’instance au fond, établis notamment par un cabinet d’étude spécialisé. Requérantes estimant qu’il résulte de cette analyse que seuls trois des onze paramètres « structurants » étudiés dans trois secteurs parmi les plus émetteurs (transports, bâtiment, agriculture) connaîtraient une évolution en cohérence avec les objectifs de la SNBC, un quatrième paramètre connaissant une évolution favorable qui lui permettrait d’approcher ces objectifs. Or, compte tenu de l’importance des paramètres structurants pris en compte dans le niveau total d’émissions constaté, le non-respect des objectifs assignés pour au moins sept d’entre eux sur les onze évalués ne serait pas susceptible d’être compensé par les résultats éventuellement plus favorables obtenus s’agissant d’autres paramètres ou secteurs. HCC ayant retenu, dans son rapport réalisé conformément à l’article L. 132-4 du code de l’environnement et publié en juin 2022, que, si des nouvelles mesures positives sont effectivement intervenues depuis son précédent rapport annuel, pour dix-neuf des vingt-cinq orientations sectorielles de la SNBC, seules six de ces orientations apparaissent en adéquation avec le niveau requis pour atteindre les budgets carbone. HCC estimant que quatre d’entre elles peuvent même être regardées comme ayant fait l’objet de mesures de nature à compromettre l’atteinte des objectifs fixés dans le cadre de la SNBC. Au total, HCC estimant qu’il existe des risques majeurs persistants de ne pas atteindre les objectifs fixés pour 2030 en matière de réduction des émissions de GES, eu égard notamment à la nécessité, à compter de la période couverte par le 3ème budget carbone (2024-2028), de doubler le rythme annuel de réduction de ces émissions par rapport à ce qui est observé depuis 2010. Rythme annuel moyen de réduction constaté depuis lors étant en effet de l’ordre de -1,7 % alors que les 3ème et 4ème budgets carbone imposent un rythme annuel moyen de l’ordre de -3,2%, et ce, sans prendre en compte le rehaussement de l’objectif de réduction des émissions adopté à l’échelle de l’Union européenne. HCC soulignant en outre qu’un véritable pilotage, reposant sur un suivi des indicateurs pertinents, des plans d’action déclinés dans tous les ministères et une évaluation systématique des politiques publiques au regard de leurs incidences sur le climat n’est pas encore en place. iii) En premier lieu, les objectifs de réduction des émissions de GES fixés pour les années 2020, 2021 et 2022, à travers les parts indicatives annuelles du deuxième budget carbone (2019-2023), ont été ou pourraient être atteints. Toutefois, ces résultats doivent être replacés dans le contexte de l’assouplissement des objectifs assignés au deuxième budget carbone auquel le décret du 21 avril 2020 a procédé, mais également de la baisse très significative des émissions constatées en 2020, compte tenu de la baisse d’activité causée par les mesures prises pour lutter contre la pandémie de Covid-19. En deuxième lieu, le Gouvernement a adopté un ensemble de mesures conséquent, qui concerne nombre d’activités ou de secteurs émetteurs de GES, et a alloué des montants importants aux investissements en lien avec la transition écologique et énergétique. Ces mesures, si elles sont mises en oeuvre pleinement et sans retard, apparaissent de nature à conduire à une diminution supplémentaire des émissions de GES. Ces éléments doivent être regardés comme manifestant la volonté du Gouvernement d’atteindre les objectifs de réduction des émissions fixés en l’état à l’échéance 2030 et d’exécuter, ce faisant, la décision du 1er juillet 2021. Cependant, si ce dernier fait valoir que ces mesures permettront d’atteindre ces objectifs de réduction des émissions, d’une part, l’évaluation prospective qu’il a produite repose sur des hypothèses de modélisation qui ne sont pas vérifiées à ce stade et ne permettent pas de considérer comme suffisamment fiables les résultats avancés, d’autre part, les conclusions de cette évaluation apparaissent en contradiction avec l’analyse par objectifs sectoriels menée par le HCC de la « stratégie nationale bas carbone », laquelle n’a été remise en cause, dans sa méthodologie ou les conclusions auxquelles elle aboutit, par aucune des parties. Dans ces conditions, et compte tenu notamment du renforcement de l’ampleur des réductions de GES attendues par les 3ème et 4ème budgets carbone par rapport au niveau constaté jusqu’ici, il demeure des incertitudes persistantes, qui n’ont pas été levées par l’instruction contradictoire menée, complétée par la séance orale d’instruction, quant à la capacité des mesures prises à ce jour et des modalités de coordination stratégique et opérationnelle de l’ensemble de l’action publique mises en oeuvre, à rendre suffisamment crédible l’atteinte d’un rythme de diminution des émissions territoriales de GES cohérent avec les objectifs de réduction fixés pour 2030 par les dispositions législatives nationales ou par le droit de l’UE pertinents. iv) Il en résulte qu’en l’état de l’instruction, la décision du 1er juillet 2021 ne peut être regardée comme complètement exécutée. Dans ces circonstances, et compte tenu notamment des diligences déjà accomplies par le Gouvernement ainsi que de celles qui sont encore susceptibles de l’être, il y a lieu, en l’état, de compléter l’injonction prononcée par cette décision en édictant, sur le fondement des articles L. 911-5 et R. 911-32 du CJA, les mesures complémentaires nécessaires pour en assurer l’exécution complète, sans qu’il soit besoin par ailleurs de prononcer une astreinte. Il y a ainsi lieu, sans prononcer d’astreinte, d’enjoindre à la Première ministre de prendre toutes mesures supplémentaires utiles pour assurer la cohérence du rythme de diminution des émissions de GES avec la trajectoire de réduction de ces émissions retenue par le décret du 21 avril 2020 en vue d’atteindre les objectifs de réduction fixés par l’article L. 100-4 du code de l’énergie et par l’annexe I du règlement (UE) 2018/842 du 30 mai 2018 avant le 30 juin 2024 et de produire, à échéance du 31 décembre 2023, puis au plus tard le 30 juin 2024, tous les éléments justifiant de l’adoption de ces mesures et permettant l’évaluation de leurs incidences sur ces objectifs de réduction des émissions de GES.

« (1) Rappr., sous l’empire de l’article L. 514-1 du code de l’environnement abrogé par l’ordonnance n° 2012-34 du 11 janvier 2012, CE, 9 juillet 2007, Ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables c/ Société Terrena-Poitou, n° 288367, T. p. 958 ; CE, 14 novembre 2008, Ministre d’Etat, ministre de l’écologie, du développement et de l’aménagement durables c/ Société Soferti, n° 297275, p. 420 ; Cf. CE, 26 juillet 2018, Association “Non au projet éolien de Walincourt-Selvigny et Haucourt-en-Cambrésis” et autres, n° 416831, p. 327. »

VOIR AUSSI, ICI, UN LIEN VERS LES CONCLUSIONS DU RAPPORTEUR PUBLIC (M. Stéphane HOYNCK) :

http://www.conseil-etat.fr/fr/arianeweb/CRP/conclusion/2023-05-10/467982

 

 

VI. Ceci traduit un renforcement très net de l’intervention du juge administratif en ces domaines et sa réticence croissante face au droit flou ou aux objectifs dénués de mesures d’application concrète

 

Le juge administratif ne laisse donc plus passer les textes qui seraient juste du pipeau, les objectifs flous, les objectifs législatifs dénués de traduction réelle. C’est sans doute une réaction au regard des formulations impératives de ces objectifs, ce qui ne peut plus continuer à ne pas se traduire par un peu de concret. C’est peut-être un renforcement du contrôle du juge sur l’administration active, même si on ne le constate pas dans d’autres domaines. C’est sans doute aussi une réaction face à 20 ans au moins de droit bavard mais vide qui a alimenté un grand nombre de lois de gauche ou de droite au fil des mandatures…

Alors le Conseil d’Etat a réagi. En matière énergétique, déjà, il a censuré à deux reprises un décret pour cause de flou excessif, schématiquement :

Il censure voire réécrit les textes flous ou imprécis, avec une audace qu’il n’avait pas dans le passé. Voir pour un exemple récent :

La Haute Assemblée a, surtout, lourdement condamné l’Etat en matière de pollution atmosphérique, déjà pour cause de retard au regard de ses engagements (européens en l’espèce) :

La décision de ce jour s’inscrit dans ce même type de démarches même si, là,  nous ne sommes pas sur le même terrain juridique à strictement parler.