Les relations entre l’homme et l’animal et, plus généralement, entre l’homme et l’environnement, évoluent rapidement. Scientifiquement la frontière entre nous et nos lointains cousins s’avère toujours plus délicate à établir. Les sensibilités changent… conduisant le juge administratif à se positionner dans un débat devenu aussi délicat que passionnant, en matière, pour s’en ternir aux animaux, par exemple :
- de cirques.
- d’abattages rituels.
- de loups.
- de marinelands.
- de chiens.
- Voir entre autres : Le maire de Béziers peut finalement ficher les chiens du centre-ville
- d’ours.
… et toute cette actualité chargée en la matière en une seule année !
A cet édifice, encore un peu baroque, le TA de La Réunion vient d’apporter sa pierre. Une pierre qui semble mineure mais qui s’avère en réalité déterminante.
Ce tribunal a eu à connaître de la légalité de l’autorisation d’exploitation d’un parc animalier sis sur la commune de l’Etang-Salé (la photo de une correspondant à une plage de ladite commune).
Trois associations locales de protection de la nature ou de l’environnement et une société concurrente contestaient la légalité de l’autorisation d’exploitation accordée par le préfet de La Réunion pour un nouveau parc animalier de 4,5 hectares permettant la présentation au public sur un parcours pédestre de deux kilomètres de 680 animaux sauvages, dont 350 oiseaux, 60 mammifères et 270 reptiles, et prévoyant notamment la présentation de rapaces en vols.
Par deux jugements du 14 décembre 2017, le tribunal administratif rejette les recours dirigés contre cet arrêté préfectoral.
Ce jugement est intéressant en ce qu’il rappelle la grille d’analyse classique en ce domaine, et qu’il la transpose au domaine animalier. Classique, sans surprise, mais intéressant. Reprenons le communiqué dudit Tribunal :
Il a tout d’abord écarté les nombreuses contestations portées sur la composition du dossier de demande, et notamment de l’étude d’impact, estimant au contraire que celle-ci était suffisante, notamment pour apprécier les effets du projet en termes de trafic routier, analyser les impacts cumulés avec les projets connus, apprécier les risques de pollution des points d’eau situés à proximité et l’impact de la consommation d’eau quotidienne de l’installation sur les capacités des réseaux de distribution d’eau, analyser la richesse de la faune et de la flore du site, ou encore apprécier le risque d’évasion des animaux et notamment des rapaces prédateurs.
Puis le tribunal a jugé au fond que les conditions d’exploitation du parc, compte des mesures prises, étaient suffisantes pour assurer la protection des intérêts auxquels elle était susceptible de porter atteinte, notamment la protection de la faune et de la flore locales, le risque d’évasion des animaux et en particulier des rapaces, ou encore la conservation des ressources hydrauliques, mais aussi le risque incendie et celui lié l’augmentation du trafic routier et en particulier le stationnement des véhicules.
Bien. Voici qui est intéressant.
Mais ce qui est plus stimulant, pour un juriste, c’est que ce tribunal a, à cette occasion, eu à trancher un point de droit qui semble nouveau (ou alors peut-être des jurisprudences antérieures nous auraient-elles échappé ?).
Le voici : les dispositions du 9° du II de l’article de l’article L. 110-1 du code de l’environnement, issues de loi biodiversité (n° 2016-1087 du 8 août 2016), énoncent un principe d’amélioration constante de la protection de l’environnement.
Ce principe est assez nouveau, en tous cas ainsi formulé.
Citons le II, 9°, de cet article, mais aussi le I puisque le mot « leur » du début du II. de cet article impose la lecture du I pour comprendre le II de cet article :
I. – Les espaces, ressources et milieux naturels terrestres et marins, les sites, les paysages diurnes et nocturnes, la qualité de l’air, les êtres vivants et la biodiversité font partie du patrimoine commun de la nation. Ce patrimoine génère des services écosystémiques et des valeurs d’usage.
Les processus biologiques, les sols et la géodiversité concourent à la constitution de ce patrimoine.
On entend par biodiversité, ou diversité biologique, la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. Elle comprend la diversité au sein des espèces et entre espèces, la diversité des écosystèmes ainsi que les interactions entre les organismes vivants.
II. – Leur connaissance, leur protection, leur mise en valeur, leur restauration, leur remise en état, leur gestion, la préservation de leur capacité à évoluer et la sauvegarde des services qu’ils fournissent sont d’intérêt général et concourent à l’objectif de développement durable qui vise à satisfaire les besoins de développement et la santé des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. Elles s’inspirent, dans le cadre des lois qui en définissent la portée, des principes suivants :
[…]
9° Le principe de non-régression, selon lequel la protection de l’environnement, assurée par les dispositions législatives et réglementaires relatives à l’environnement, ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment.
Amélioration constante… Amélioration constante… pour toutes les décisions publiques ?
NON répond le TA de La Réunion qui pose que ce principe d’amélioration constante s’impose aux dispositions législatives et réglementaires stricto sensu. Dès lors, pour citer l’abstrat d’un de ces jugements, ce principe s’impose :
« dans le cadre des dispositions législatives propres à chaque matière, au pouvoir réglementaire »
Mais que :
« ces dispositions ne peuvent être utilement invoquées directement à l’encontre d’une décision non-réglementaire d’autorisation d’exploitation au titre de la législation relative aux installations classées pour la protection de l’environement ».
Cette décision, sans doute conforme à une lecture stricte du code (la seule qui puisse prévaloir dans un tel cadre selon nous), aurait pu être débattue et pourrait l’être (pour certains actes mixtes réglementaires et non réglementaires par exemple on peut s’attendre à des difficultés considérables…).
TA La Réunion, 1ère chambre, 14 décembre 2017, n° 1401324 et 1500484 :
ta974_1401324_20171214_jugement_parc animalier
ta974_1500484_20171214_jugement_parc animalier
Source iconographique : tofprod / 2 photos
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