Une association de défense de consommateurs peut être agréée… et pour autant avoir quelques faux-airs d’entreprise familiale

Associations de défense des consommateurs : comment apprécie-t-on, en droit, leur indépendance, requise pour leur agrément ? A cette question, le juge répond avec un mode d’emploi plein de bon sens, d’apparence stricte… et avec une application pratique dont il ressort que ce n’est que dans des cas exceptionnels que le critère d’indépendance donnera lieu à censure en cas de relations pourtant nettes entre intérêts collectifs défendus et intérêts familiaux des exécutifs de ces associations .

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Il résulte des articles L. 811-1, L. 811-2, L. 621-1 et R. 811-7 du code de la consommation qu’une association de défense des consommateurs ne peut obtenir et conserver l’agrément prévu à l’article L. 811-1 du code de la consommation, lequel fonde sa capacité à se constituer partie civile en application de l’article L. 621-1 du même code, qu’à la condition de présenter des garanties d’indépendance à l’égard de toutes formes d’activités professionnelles.

Le Conseil d’Etat vient de poser qu’il appartient à l’autorité compétente de s’assurer, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, que l’association qui sollicite la délivrance ou est titulaire d’un tel agrément justifie, eu égard à ses statuts, ses modalités d’organisation et ses conditions de fonctionnement, d’une indépendance à l’égard

  • non seulement d’opérateurs économiques susceptibles de porter atteinte aux intérêts des consommateurs que l’association a pour objet de défendre,
  • mais aussi, ainsi qu’il résulte de la lettre même des articles L. 811-2 et R. 811-7 de ce code et de leur objet, de toutes autres formes d’activités professionnelles.

 

En l’espèce, une association de défense des consommateurs agréée était spécialisée dans l’aide aux maîtres d’ouvrages individuels, dont le président d’honneur était le père de l’associée-fondatrice d’un cabinet d’avocats…

L’amour paternel étant une belle est bonne chose, ladite fille et consoeur :

  • figurait dans une liste de professionnels recommandés par l’association,
  • était très régulièrement mandatée par l’association dans les litiges l’opposant à des constructeurs ou à la caisse de garantie immobilière du bâtiment
  • intervenait pour donner des conférences ou des consultations au siège de l’association.

Message personnel : Papa, Maman,  qu’attendez vous bon sang pour fonder une association de consommateurs distribuant mes cartes de visite ? 

Le Conseil d’Etat n’y a pas vu à redire. L’indépendance s’apprécie très limitativement donc et quoique ces associations agréées aient des pouvoirs spécifiques en regard de leur mission d’intérêt général… il est clair que le  Conseil d’Etat décide de ne pas aller trop loin dans le contrôle de leur fonctionnement en termes éthiques au delà de l’indépendance face aux acteurs du secteurs considéré.

Car la Haute Assemblée a estimé que ces circonstances ne justifient pas légalement le retrait, par le préfet, de l’agrément de cette association au motif qu’elle ne respecterait plus la condition d’indépendance à l’égard de toutes formes d’activités professionnelles prévues aux articles L. 811-2 et R. 811-7 du code de la consommation.

Mais ce n’est pas un blanc-seing non plus. Le Conseil d’Etat a expressément pris en compte le fait que :

  • l’association mène exclusivement une action désintéressée de soutien aux maîtres d’ouvrage individuels
  • ce cabinet d’avocats, spécialisé en droit de la construction, n’était pas le seul cabinet dont les services étaient recommandés.

 

L’affaire est renvoyée donc à la cour administrative d’appel de Versailles, initialement saisie, pour corriger le tir et juger au fond.

 

Source :

Conseil d’État, 2 juin 2023, n° 456015, aux tables du recueil Lebon