DANS UNE AFFAIRE ROCAMBOLESQUE, UN TA (en février 2017) PUIS LE CE (avant-hier, 19 juillet 2017) ONT PRÉCISÉ :
- LES RÈGLES DE DÉMISSION DES CONSEILLERS MUNICIPAUX,
- LES POUVOIRS DU MAIRE ET CEUX DU JUGE EN CES DOMAINES,
- LA MARGE DE MANOEUVRE DU PRÉFET.
RIEN QUE CELA… SUR FOND DE GUERRE POLITICO-CLOCHEMERLESQUE.
Il est des histoires municipales qui atteignent l’épique. Où le débat entre élus rejoue les plus belles empoignades du passé.
Prenons Granville par exemple.
Des élus démissionnent et des suivants de liste aussi afin de conduire à des élections complémentaires. Soit, cela arrive.
Mais la maire conteste la validité de la démission d’une suivante de liste qui avait démissionné par avance. Auquel cas le conseil pouvait selon elle valablement se réunir.
Mais cette suivante de liste n’avait-elle pas démissionné ? P’têt ben qu’oui. P’têt ben qu’non. Rappelons que nous sommes en Normandie. Et surtout rappelons que la maire avait juste omis de transmettre cette démission au Préfet. C’est ballot.
Suite des opérations :
- 11 janvier 2017 : la maire fixe la liste des conseillers municipaux en exercice de ladite commune (voir ici le compte-rendu de ce conseil)… y compris la démissionnaire dont la démission est, disons, différée ou contestée par le maire. La position du maire était notamment que cette dame, en tant que suivante de liste, n’était pas encore conseillère municipale au jour où elle a démissionné (le jeu de domino des démissions de suivants de liste n’étant pas encore parvenu à elle à la date de son courrier);
- Par un jugement n° 1700069 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Caen a :
- d’une part, annulé la décision par laquelle la maire de Granville a écarté le renoncement à siéger au conseil municipal de Mme F… et l’a appelée à siéger en remplacement d’un conseiller démissionnaire,
- d’autre part, a enjoint au maire de transmettre au préfet de la Manche la démission de MmeF…,
Voici ce jugement amusant :
PREMIER APPORT DONC : il peut donc bien y avoir démission des suivants de liste au besoin par avance dans les communes de mille habitants ou plus. Cette démission est ensuite valable automatiquement (sauf sans doute rétractation) et doit donc être transmise à l’Etat.
SECOND APPORT : le TA se reconnaît un pouvoir d’injonction au maire visant à transmettre cette lettre de démission au Préfet :
- Acte 2 : la commune forme appel de cette décision devant la CAA de Nantes
- Acte 3 : par conséquent, puisque nous sommes (certes indirectement) en matière électorale,
- le préfet a annulé les élections qui devaient se tenir le 26 mars et le 2 avril, puisque l’appel est suspensif en matière électorale (point qui pourrait être débattu en l’espèce cela dit)
- la CAA de Nantes a renvoyé au Conseil d’Etat.
- Acte 4 : le Conseil d’Etat rend sa décision avant-hier. Et il pose que, justement, nous sommes en matière électorale et donc que la commune n’est pas recevable à former appel de cette décision selon le Conseil d’Etat… ce qui est conforme à la jurisprudence antérieure de la Haute Assemblée (voir CE, 5 octobre 2005, St Martin de Nigelles, n° 279422, publié au tables du rec.).
Dès lors :- 1/ LE CONSEIL D’ETAT DÉCLARE IRRECEVABLE LE RECOURS EN APPEL DE LA COMMUNE
- 2/ mais, fidèle à cette même logique, le Conseil d’Etat annule la partie du jugement qui condamnait la commune à des frais irrépétibles : si la commune n’est pas une partie à ce procès, cette conclusion est logique…).
Voici cet arrêt rendu hier … en attendant peut-être un acte 5 car il semble qu’un autre appel ait été formé contre le jugement du 9 février 2017, par des élus personnes physiques cette fois (source : presse locale ; à confirmer ; voir ici et ici… recours de personnes physiques qui sont présentés comme ayant été introduits à une date qui peut laisser place, disons, à des débats sur leur recevabilité ratione temporis). A suivre…
Conseil d’État
N° 408295
ECLI:FR:CECHS:2017:408295.20170719
Inédit au recueil Lebon
10ème chambre
M. Arno Klarsfeld, rapporteur
Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public
SCP MONOD, COLIN, STOCLET ; HAAS, avocatsLecture du mercredi 19 juillet 2017
REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
M. E…B…et autres ont demandé au tribunal administratif de Caen d’annuler la décision du 11 janvier 2017 par laquelle la maire de la commune de Granville a fixé la liste des conseillers municipaux en exercice de ladite commune et d’enjoindre au préfet de la Manche de procéder aux élections d’un nouveau conseil municipal sans délai. Par un jugement n° 1700069 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Caen a, d’une part, annulé la décision par laquelle la maire de Granville a écarté le renoncement à siéger au conseil municipal de Mme F… et l’a appelée à siéger en remplacement d’un conseiller démissionnaire, d’autre part, a enjoint au maire de transmettre au préfet de la Manche la démission de MmeF…, et enfin, a rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Par une ordonnance n° 17NT00581, 17NT00582 du 22 février 2017, enregistrée le 22 février 2017 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, le président de la cour administrative d’appel de Nantes a renvoyé au Conseil d’Etat, en application des articles R. 321-1 et R. 351-2 du code de justice administrative, les deux requêtes, enregistrées le 14 février 2017 au greffe de la cour, présentées par la commune de Granville. Par ces requêtes et un mémoire en réplique, enregistré au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat le 29 juin 2017 sous le même numéro 408295, la commune de Granville demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler le jugement du tribunal administratif de Caen du 9 février 2017, de rejeter la demande présentée par M. B…et autres devant ce tribunal, et de mettre à la charge de M. B…et autres une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code justice administrative, au titre de la procédure de première instance, et une autre somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions, au titre de la procédure d’appel ;
2°) de prononcer le sursis à exécution de ce jugement et de mettre à la charge de M. B… et autres une somme de 2 000 euros en application de l’article L. 761-1 du code justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
– le code électoral ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative ;Après avoir entendu en séance publique :
– le rapport de M. Arno Klarsfeld, conseiller d’Etat,
– les conclusions de Mme Aurélie Bretonneau, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Monod, Colin, Stoclet, avocat de la commune de Granville et à Me Haas, avocat de M.B…, Mme C…, M.G…, Mme D…et M.A… ;
Considérant ce qui suit :
Sur les conclusions d’appel dirigées contre le jugement attaqué en tant qu’il a statué sur les conclusions à fin d’annulation et d’injonction :
1. Alors même que le maire est compétent, en application de l’article L. 270 du code électoral, pour proclamer un candidat élu en remplacement d’un conseiller municipal démissionnaire, la commune de Granville ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour faire appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Caen a annulé la décision du maire de la commune écartant le renoncement à siéger au conseil municipal de Mme F…et l’appelant à siéger en remplacement d’un conseiller municipal démissionnaire et a, en conséquence, enjoint au maire de transmettre au préfet de la Manche la démission de Mme F…. L’appel de la commune est par suite, dans cette mesure, irrecevable.
Sur les conclusions d’appel dirigées contre le jugement attaqué en tant qu’il a statué sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :
2. Dès lors, ainsi qu’il a été dit au point 1, que la commune de Granville n’avait pas qualité pour agir dans un contentieux électoral relatif à la désignation des conseillers municipaux, elle ne pouvait avoir la qualité de partie dans l’instance devant le tribunal administratif de Caen. Par suite, ce dernier a méconnu le champ de l’article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à sa charge, à la demande des requérants, une somme de 1 500 euros au titre de cette disposition. La commune est, dès lors, fondée à demander, dans cette mesure, l’annulation du jugement attaqué.
3. En conséquence, les conclusions présentées en première instance par les requérants et tendant à ce qu’une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la commune de Granville au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative ne sont pas recevables. Il n’y pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de faire droit aux conclusions présentées en appel, au titre de ces mêmes dispositions, tant par la commune de Granville que par les défendeurs.
D E C I D E :
————–Article 1er : L’article 3 du jugement attaqué du tribunal administratif de Caen du 9 février 2017 est annulé.
Article 2 : Les conclusions de première instance de M.B…, MmeC…, M.G…, Mme D… et M. A…tendant à ce soit mise à la charge de la commune de Granville une somme de 1 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions d’appel de la commune de Granville et les conclusions de M.B…, MmeC…, M.G…, Mme D…et M. A…présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.
Article 4: La présente décision sera notifiée à la commune de Granville et à M. B…et autres. Copie en sera adressée au ministre d’Etat, ministre de l’intérieur.
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