Par un arrêt du 6 octobre 2017, le Conseil d’Etat vient de préciser le droit à l’indemnisation du cocontractant de l’administration lorsque son préjudice est imputable aux fautes que cette dernière a commises ainsi que les limites de ce droit.
Dans le cadre de cette affaire examinée par le Conseil d’Etat, le tribunal administratif (TA) de Montpellier avait dans un premier temps indemnisé la société CEGELEC à la suite de l’annulation par le juge du référé contractuel du marché qui lui avait été attribué par le centre hospitalier de Narbonne en réparation des préjudices subis et résultant de cette annulation. Cette indemnisation s’élevait à 132 616 euros, assortie des intérêts légaux et de la capitalisation, au titre du manque à gagner auquel la société pouvait prétendre selon le TA.
En effet, le juge a prononcé l’annulation après avoir constaté que la signature du contrat litigieux avait été effectuée avant l’expiration du délai de stand-still ; en outre, plusieurs autres irrégularités affectant les critères de sélection des offres ont aussi été relevées. Ces erreurs ont été imputables au CH de Narbonne.
En revanche, à la suite d’un appel du centre hospitalier, la CAA de Marseille a ramené la somme litigieuse à un montant très largement inférieur et réduit aux seuls frais de soumission (12 470 euros) en considérant que la société requérante ne pouvait se prévaloir d’aucun droit à la conclusion du contrat en raison des nombreuses irrégularités de la procédure ayant conduit à sa conclusion. Le lien de causalité directe n’avait en effet pas été démontré entre les fautes commises et le préjudice réclamé. La CAA avait néanmoins considéré que les fautes commises par le CH étaient à l’origine du préjudice subi par la société CEGELEC concernant les seuls frais engagés par la société pour répondre à l’appel d’offres. (CAA de Marseille, CH de Narbonne, req. n° 14MA00603).
La société CEGELEC Perpignan s’est donc pourvue en cassation.
Le Conseil d’Etat, saisi alors à son tour, a confirmé l’analyse de la CAA en jugeant que :
« que dans le cas où le contrat est écarté́ en raison d’une faute de l’administration, l’entrepreneur peut en outre, sous réserve du partage de responsabilités découlant le cas échéant de ses propres fautes, prétendre à la réparation du dommage imputable à la faute de l’administration ; qu’à ce titre il peut demander le paiement des sommes correspondant aux autres dépenses exposées par lui pour l’exécution du contrat et aux gains dont il a été effectivement privé du fait de sa non-application, notamment du bénéfice auquel il pouvait prétendre, si toutefois l’indemnité́ à laquelle il a droit sur un terrain quasi-contractuel ne lui assure pas déjà̀ une rémunération supérieure à celle que l’exécution du contrat lui aurait procurée ; que, saisi d’une demande d’indemnité́ sur ce fondement, il appartient au juge d’apprécier si le préjudice allégué́ présente un caractère certain et s’il existe un lien de causalité́ direct entre la faute de l‘administration et le préjudice ; »
Cette décision vient donc de modifier la jurisprudence existante du Conseil d’Etat (CE, 10 avril 2008, société Decaux, req. n° 244950) et de restreindre considérablement les conditions du droit à indemnisation du cocontractant de l’administration en exigeant la preuve d’un lien direct entre les fautes commises par l’administration et le manque à gagner de son cocontractant.
Pour consulter l’arrêt du 6 octobre 2017 c’est ici
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