Qu’est-ce qu’une zone touristique internationale ?

Aux termes de l’article L. 3132-24 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 :

« I- Les établissements de vente au détail qui mettent à disposition des biens et des services et qui sont situés dans les zones touristiques internationales peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel, dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4.»

« II. – Les zones touristiques internationales sont délimitées par les ministres chargés du travail, du tourisme et du commerce, après avis du maire et, le cas échéant, du président de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune est membre ainsi que des organisations professionnelles d’employeurs et des organisations syndicales de salariés intéressées, compte tenu du […]

 

La question se pose donc de savoir ce qu’est une zone touristique internationale.

A cette interrogation, la suite de ce II, au sein de ce même article, répond avec des critères un brin flous avec les critères suivants

[du] rayonnement international de ces zones, de l’affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France et de l’importance de leurs achats. (…) ».

 

Le TA de Paris vient de classiquement d’imposer que ces trois critères soient cumulatifs (touristes étrangers ; avec une affluence exceptionnelle ; avec des achats importants) et des indices. Mais le TA pose qu’il doit sur ces critères y avoir une « appréciation globale ».

Des indices par exemple qui conduisent à accepter sans surprise la ZA  Haussmann (grands magasins, Opéra…) :

« 11. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la fiche d’instruction de la zone en cause produite par le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, que la zone de tourisme internationale « Haussmann » comprend des sites culturels présentant une forte attractivité touristique au niveau international tels que, notamment, l’opéra Garnier accueillant 600 000 visiteurs par an et le musée Grévin accueillant 754 000 visiteurs par an. Cette zone comprend également la salle de concert l’Olympia et les deux grands magasins de renommée internationale, le Printemps et les Galeries Lafayette accueillant plus de 56 millions de visiteurs par an. Le territoire de la ville de Paris est, en outre, desservi par des aéroports et gares d’envergure internationale et dispose d’un réseau dense de transports urbains desservant notamment cette zone. Cette zone est, à cet égard, particulièrement desservie par un réseau important d’infrastructures de transport regroupant les lignes de RER A et E ainsi que plusieurs lignes de métro et de bus. Elle bénéficie également de la proximité de la gare Saint-Lazare fréquentée chaque semaine par 79 022 touristes étrangers. Il ressort, par ailleurs, de la fiche d’instruction de la zone en cause produite par l’administration, et dont les données ne sont pas contredites par les syndicats requérants, que la part des achats de touristes étrangers représente en moyenne 50% du chiffre d’affaires des grands magasins présents dans la zone. L’affluence des touristes dans cette zone se manifeste d’ailleurs par l’importance du parc hôtelier situé dans le 9ème arrondissement de Paris, l’administration faisant valoir, sans être contredite, que le 9ème arrondissement concentre 10,5% de la part totale des chambres sur Paris. Eu égard à l’ensemble de ces éléments caractéristiques de la zone « Haussmann », le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué aurait méconnu l’article R. 3132-21-1 du code du travail doit être écarté. »

 

Avouons le : la victoire qu’est le classement en ZTI de Beaugrenelle surprend un peu plus car elle est peu touristique en elle-même quoiqu’environnée de sites touristiques majeurs. Mais voyons y le fait que le juge accepte de prendre en compte la dynamique des lieux, leur évolution vers le tourisme (claire en l’espèce). Voir le considérant ad hoc :

« du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, et n’est pas contesté par les requérants, que le quartier Beaugrenelle est situé à proximité de sites présentant une forte attractivité touristique au niveau international, parmi lesquels la Tour Eiffel, le champ de Mars, ainsi que les quais de Seine, classés au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1991. Le territoire de la ville de Paris est, en outre, desservi par des aéroports et gares d’envergure internationale et dispose d’un réseau dense de transports urbains desservant notamment cette zone. Cette zone est, à cet égard, desservie par un réseau important d’infrastructures de transport regroupant une ligne RER et deux lignes de métro connectées au niveau régional, national et international mais aussi des lignes de bus et un arrêt Batobus, réservé aux navires de croisière fluviale ayant accueilli en 2013 1,8 million de passagers à 75% étrangers. Il ressort, en outre, des pièces du dossier que le secteur Beaugrenelle /Tour Eiffel/ quai Branly est caractérisé par une forte densité hôtelière ainsi que par la présence d’hôtels offrant une importante capacité d’accueil de touristes étrangers tels que l’hôtel Pullman Paris Tour Eiffel d’une capacité de 421 chambres, l’hôtel Mercure Paris centre Tour Eiffel d’une capacité de 394 chambres et l’hôtel Novotel, 4ème hôtel de Paris en capacité. L’administration fait, en outre, valoir sans être contestée, qu’un hôtel de 150 chambres est actuellement en construction sur le front de Seine et que le centre commercial Beaugrenelle, qui comprend 90 boutiques et kiosques et 10 restaurants, propose une offre de services adaptée à la clientèle internationale, caractérisée par une détaxe centralisée, un personnel d’accueil bilingue et la possibilité de livraison des achats à l’hôtel et a reçu en 2015 le trophée « International Council of shopping center » du meilleur centre commercial européen attestant ainsi de sa renommée au niveau international. Il ressort de la fiche d’instruction de la ZTI Beaugrenelle, et n’est pas sérieusement contesté par les organisations syndicales requérantes, que ce centre commercial a accueilli en 2014 (hors Monoprix) 630 000 touristes étrangers et que 17% du chiffre d’affaires réalisé cette année provenait de la clientèle touristique étrangère. Eu égard à l’ensemble de ces éléments caractéristiques de la zone « Beaugrenelle », le moyen tiré de ce que l’arrêté attaqué aurait méconnu l’article R. 3132-21-1 du code du travail doit être écarté. »

 

A ce compte là, Olympiades (avec la très grande Bibliothèque F. Mitterrand ; les quais ; la butte aux cailles, le quartier chinois…) aurait pu aussi défendre son dossier. Mais non, le juge a estimé que là nous étions un peu plus loin de la notion de ZTI :

« 6. Il ressort des pièces du dossier que la zone de tourisme internationale « Olympiades » comprend le quartier chinois du 13ème arrondissement de Paris (situé dans le « triangle de Choisy » délimité par les avenues de Choisy, d’Ivry et le boulevard Massena ainsi que sur la dalle des Olympiades et les rues environnantes) et est située à proximité du quartier dit « de la Butte aux cailles ». Pour justifier la création de cette zone, le ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique mentionne la notoriété internationale du quartier chinois et du magasin Tang Frères, la proximité de la manufacture des Gobelins, de la Fondation Jérôme Seydoux-Pathé et du quartier de la Butte aux Cailles. Il fait également valoir que cette zone comprend le centre commercial Italie 2, lequel serait le second magasin du groupe Printemps en termes de volume de détaxe généré.

7. Toutefois, il ne ressort pas de la fiche d’instruction de la zone en cause, produite par l’administration à la suite d’une mesure d’instruction diligentée par le présent tribunal portant spécifiquement sur les 3° et 4° de l’article R. 3132-21-1 du code du travail précité, que les 3,2 millions de touristes fréquentant chaque année le centre commercial Italie 2, représentant 24,6% des 13 millions de clients dudit centre commercial, seraient principalement des touristes étrangers dès lors que la part du chiffre d’affaires de ce centre commercial, généré spécifiquement par les touristes étrangers, s’élève à seulement 3,8 %. L’administration n’a, par ailleurs, fourni en réponse à cette mesure d’instruction, aucune autre donnée relative à la part des achats effectués par des touristes résidant hors de France dans le reste de la zone en cause. Par suite, alors qu’il ressort des pièces jointes à la requête que la zone Olympiades est « peu présente
sur les réseaux sociaux touristiques », il ne ressort pas des pièces du dossier que la zone en cause connaîtrait une affluence exceptionnelle de touristes résidant hors de France, ni qu’elle bénéficierait d’un flux important d’achats effectués par ces derniers justifiant son classement en zone touristique internationale. Dans ces conditions, en l’absence de données supplémentaires produites par le ministre de l’économie et des finances, les syndicats requérants sont fondés à soutenir que l’arrêté attaqué est entaché d’erreur d’appréciation.»

 

De ces lectures, ressortent deux sentiments :

  • la certitude que les paramètres de classement seront souvent incertains, mouvants, difficiles à défendre ou adapter au cas par cas sauf naturellement dans les situations indiscutables (ex. quartier Haussmann).
  • mais un point fixe : le tourisme en question doit être international, ce qui était une faiblesse nette du dossier Olympiades. Et il sera difficile d’en faire le reproche au TA de Paris qui, sur ce point, s’est fidèlement calé sur les critères posés par le législateur.

 

Voici ces jugements TA Paris, 13 février 2018, n°1621002 – 1621385 ; n° 1621005 ; n° 1621001 – 1621006 (en tout trois esp.) :

 

Voir aussi :

 

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