Par un arrêt Commune de Ploudiry, en date du 18 mai 2018 (req. n° 418726), le Conseil d’État vient de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) en vue d’examiner la conformité à la Constitution, plus particulièrement au principe de libre administration des collectivités locales, du premier alinéa de l’article 88 de la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 relative au statut de la fonction publique territoriale. En ligne de mire, se trouve l’obligation pour les collectivités territoriales, leurs établissements et leurs groupements de mettre en place les deux parts prévues par régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’expérience professionnelle (RIFSEEP) institué par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014, à savoir d’une part, l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE), d’autre part, le complément indemnitaire annuel lié à l’engagement professionnel et à la manière de servir (CIA).
En l’espèce, le conseil municipal de Ploudiry a, le 12 décembre 2016, adopté une délibération portant régime indemnitaire des agents de la commune. Le préfet du Finistère ayant déféré cette délibération, la commune a déposé une QPC devant le tribunal administratif de Rennes portant sur la constitutionnalité du premier alinéa de l’article 88 de la loi du 26 janvier 1988, dans sa rédaction issue de la loi du 20 avril 2016, et qui dispose que : « Les organes délibérants des collectivités territoriales et de leurs établissements publics fixent les régimes indemnitaires, dans la limite de ceux dont bénéficient les différents services de l’Etat. Ces régimes indemnitaires peuvent tenir compte des conditions d’exercice des fonctions et de l’engagement professionnel des agents. Lorsque les services de l’Etat servant de référence bénéficient d’une indemnité servie en deux parts, l’organe délibérant détermine les plafonds applicables à chacune de ces parts et en fixe les critères, sans que la somme des deux parts dépasse le plafond global des primes octroyées aux agents de l’Etat ».
L’affaire ayant été renvoyée devant le Conseil d’État, celui-ci a jugé la question sérieuse et l’a transmise au Conseil constitutionnel. Plus particulièrement, ce sont les deuxième et troisième phrase de l’article 88 qui devront examiner les Sages. Autrement dit, ce n’est pas le principe du RIFSEEP qui est en cause, moins encore le principe de parité, mais seulement l’obligation qui est faite aux collectivités territoriales d’instituer à côté de l’IFSE, le CIA.
En effet, la Haute Assemblée a considéré que : « si la seconde phrase du premier alinéa de l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée prévoit la faculté pour les collectivités territoriales de tenir compte, pour la fixation des indemnités, des conditions d’exercice des fonctions et de la manière de servir des agents, la dernière phrase de ce premier alinéa leur impose, lorsque les services de l’État servant de référence bénéficient d’une indemnité servie en deux parts, que l’indemnité se compose de deux parts, dont l’une prend en compte les conditions d’exercice des fonctions et l’autre la manière de servir. Il résulte, en outre, de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, en application de laquelle a été pris le décret du 20 mai 2014 portant création d’un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel dans la fonction publique de l’Etat, dont les dispositions précitées de l’article 88 ont pour objet de permettre la transposition à la fonction publique territoriale, que l’instauration au sein de ce régime d’une part relative à l’engagement professionnel des agents n’est qu’une simple faculté pour l’Etat, dont la mise en oeuvre relève du pouvoir réglementaire. Par suite, le moyen tiré par la commune de Ploudiry de ce que les dispositions instaurant de manière inconditionnelle l’obligation de prévoir un régime indemnitaire incluant une part relative à l’engagement professionnel de l’agent, lorsque tel est le cas pour les services de l’État servant de référence, ne comportent pas l’énoncé de garanties propres à prévenir une entrave à l’exercice du libre choix des collectivités territoriales dans l’établissement du régime indemnitaire de leurs agents et portent, ainsi, atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales affirmé par le troisième alinéa de l’article 72 de la Constitution, soulève une question présentant un caractère sérieux. Ainsi, il y a lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée à l’encontre des deuxième et troisième phrases du premier alinéa de l’article 88 de la loi du 26 janvier 1984, dans leur rédaction issue de la loi du 20 avril 2016. »
Il convient désormais la décision du Conseil constitutionnel qui devrait intervenir d’ici trois mois.