Non. Non… le juge administratif ne nous donnera pas notre pain quotidien. Il validera la fermeture hebdomadaire, aux bons soins du préfet, desdites boulangeries.
Le code du travail prévoit que le préfet peut, à la demande des syndicats intéressés, ordonner la fermeture hebdomadaire au public des établissements d’une profession. Toutefois, l’arrêté préfectoral doit refléter la volonté de la majorité indiscutable des professionnels concernés.
Tout au plus, alors, le juge s’assurera-t-il que ledit arrêté sur les modalités de cette fermeture hebdomadaire s’est bien faite avec en accord avec une une majorité des établissements concernés sauf formalité impossible, et à charge pour l’administration de démontrer que les signataires de cet accord sont bien majoritaires (voir l’arrêt du Conseil d’Etat n° 389477 du 27 juillet 2016).
Une affaire illustre bien ce régime (régime sans pain naturellement).
ar un nouvel arrêté du 10 septembre 2018, le préfet des Hauts-de-Seine a ordonné, dans l’ensemble du département, la fermeture au public pendant un jour par semaine des établissements dans lesquels s’effectue la vente au détail ou la distribution de pain.
Un jour long, donc, puisque sans pain (pas pu m’empêcher).
Des référés ont été présentés. En l’espèce, la question était notamment de savoir si une majorité indiscutable des professionnels de la vente de pain était favorable à une journée de fermeture hebdomadaire. Comme dans l’arrêt précité de 2016.
Par deux ordonnances du 26 novembre 2018, le juge des référés a considéré que :
- le moyen tiré de ce que l’arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 10 septembre 2018 n’avait pas été édicté sur le fondement d’un accord d’une majorité indiscutable des professionnels concernés n’apparaissait pas de nature à faire naitre un doute sérieux quant à la légalité de cet arrêté… Sur ce point, détaillons :
- l’avis de la fédération nationale de l’épicerie a été recueilli alors qu’elle ne représente pas la majorité des établissements… certes mais il fallait son avis. Le TA était donc fondé à ne pas censurer de ce fait.
- l’avis de la chambre des métiers a été consulté alors que ce n’est pas une organisation professionnelle représentative selon les requérants.. mais rien n’interdit au préfet de consulter au delà des minima légaux. Donc pas de censure de ce fait, logiquement.
- la fédération de l’épicerie et du commerce de proximité (FEPC), qui représente 854 établissements dans le département, n’a pas été consultée… selon les requérants. Sauf qu’elle s’est exprimée, et a spontanément fait connaitre au préfet son avis défavorable… nulle surprise donc à ne pas voir de censure de ce chef.
- les autres fédérations aux avis défavorables (ou silencieux) n’ont pas été cités, mais ce n’est pas en soit une cause d’illégalité.
- … reste que l’arrêté en litige n’établit pas l’existence de la majorité indiscutable des établissements concernés par la fermeture d’une journée par semaine , lequel est requis avant l’édiction de l’acte en litige. Et, là, force nous est de trouver les deux ordonnances du TA de Cergy-Pontoise un peu surprenantes au regard des formulations exigeantes, sur ce point, du Conseil d’Etat (voir arrêt précité de 2016).
- a aussi été rejeté le second moyen relatif au vice de procédure entachant l’arrêté préfectoral, qui n’aurait pas été précédé d’un accord entre les organisations syndicales de salariés et les organisations d’employeurs. Là encore, nous nous permettrons de trouver que le juge a balayé bien vite l’argument pourtant intéressant fondé sur l’article L. 3132-29 du code du travail…
Donc le juge ne nous donnera pas le pain de ce jour. Mais il nous donne de la lecture de sa sainte jurisprudence. Voir TA Cergy-Pontoise, 26 novembre 2018, n° 1811201 et n° 1811234 (22 esp.) :
1811201
1811234
Photo by Kate Remmer on Unsplash
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