Décret 2018-1225 du 24 décembre 2018 : précisions sur la régularisation des offres papiers et sur la signature des contrats de concession

Comme annoncé il y a quelques semaines (voir ici et ici), le décret n°2018-1225 du 24 décembre 2018 a apporté des modifications aux textes en vigueur en matière de marchés publics et de contrats de concession ainsi qu’au tant attendu Code de la commande publique.

Outre la création, d’une procédure, à titre expérimental, pour les marchés en matière d’achat innovants, il prévoit :

  • à l’article 11, la possibilité de signer électroniquement les contrats de concession, dans les conditions fixées par l’arrêté du 12 avril 2018 relatif à la signature électronique dans la commande publique, possibilité désormais explicitement applicable aux contrats de concession ;
  • à l’article 6, l’ajout d’un alinéa à l’article 55-I du décret n°2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : « Les dispositions du premier alinéa s’appliquent dans le cas où l’acheteur constate qu’une candidature a été présentée en méconnaissance du I de l’article 41 ». Cet ajout permet de préciser explicitement que les plis papiers remis, ce qui n’est désormais plus autorisé pour les marchés publics d’un montant supérieur à 25 000 euros HT, peuvent être régularisés, possibilité qui faisait débat au sein de la doctrine.

Concernant la régularisation des plis remis sous format papier, bien que l’ajout de cette nouvelle disposition soit très rassurante pour les acheteurs publics, elle conduit à plusieurs remarques.

Une disposition rassurante en apparence pour les acheteurs publics

Depuis le 1er octobre 2018, pour tous les marchés publics d’un montant supérieur à 25 000 euros HT, les soumissionnaires ne peuvent, en principe, plus remettre de pli papier et doivent remettre un pli dématérialisé via le profil acheteur de l’acheteur public.

Toutefois, l’entrée en vigueur de cette obligation avait fait naître de nombreuses craintes chez les acheteurs publics qui s’interrogeaient sur la manière de traiter les plis papier qui seraient remis en contradiction avec cette nouvelle obligation. Les acheteurs publics se demandaient notamment s’ils disposaient, ou non, de la possibilité de régulariser de tels plis. Sur cette possibilité de régularisation des plis papiers, la doctrine n’était pas unanime sur ce point, certains considérant qu’il s’agissait de la modification d’une caractéristique substantielle de l’offre au sens de l’article 59 du décret n°2016-360, ne pouvant donc être légalement effectuée.

L’ajout d’un alinéa à l’article 55 du décret n°2016-360 met fin à cette peur légitime des acheteurs publics qui sont désormais explicitement autorisés à régulariser les plis papiers qui seraient remis. Les acheteurs publics peuvent donc régulariser les plis papiers qui seraient remis mais il s’agit simplement d’une faculté, les acheteurs publics étant toujours libres de décider de régulariser, ou non, une offre. En revanche, si un acheteur public décide de régulariser un pli remis sous format papier, il devra alors régulariser toutes les offres afin de respecter le principe d’égalité de traitement des candidats.

En revanche, il convient de relever que cette nouvelle disposition ne vise que la phase de remise des candidatures. Aussi, il reste une incertitude pour les procédures restreintes ou les procédures négociées pour lesquelles des phases de remise de candidatures et d’offres se succèdent et sont distinctes.

Des difficultés matérielles à la régularisation des plis papiers remis

Certes, l’ajout de cette nouvelle disposition semble rassurante pour les acheteurs publics mais elle risque de présenter des difficultés en pratique.

La régularisation des offres papiers interviendra nécessairement après la date limite de remise des candidatures et/ou des offres. Or, passée cette date, les plateformes de dématérialisation utilisées par les acheteurs publics ne permettent en principe plus la remise de plis dématérialisés. Aussi, sans modification du fonctionnement de ces plateformes, le seul moyen de régulariser un pli papier sera d’accepter une remise par courriel.

Si ce moyen de communication est, a priori, autorisé par l’article 41 du décret n°2016-360 du 25 mars 2016 car il s’agit d’un « moyen de communication électronique », il est peu satisfaisant pour un acheteur public car il n’apporte pas les mêmes garanties que le dépôt d’un pli via un profil acheteur. De plus, le dépôt par courriel est parfois prohibé par certains règlements de la consultation

Egalement, les acheteurs publics pourraient rencontrer des difficultés matérielles concernant la signature électronique. En effet, bien que la signature de l’offre ne soit plus imposée par les textes qu’à l’attributaire, nombreux sont les acheteurs qui continuent à l’imposer dans leur règlement de la consultation.

Or, cette obligation de signature risque de poser des difficultés pour la régularisation des plis papiers puisque la plupart des profils acheteur ne permettent pas de signer électroniquement un document postérieurement à la date limite de remise des plis.

Article écrit en collaboration avec Mathilde Ifcic, élève-avocate