Décisions réglementaires des collectivités : débats sur les suites à donner à l’arrêt LDH du 3 décembre 2018

Nous indiquions dès le 4 décembre 2018 que, la veille, 3 décembre 2018 donc, le Conseil d’Etat, par un arrêt de Section n° 409667, Ligue des droits de l’homme (LDH), à publier au recueil Lebon, avait un peu bouleversé les règles de délais de recours contentieux contre les actes réglementaires des départements. Voir :

 

Désormais les délais de recours contentieux vont courir, non pas à compter du simple affichage comme il l’est souvent cru, mais à dater :

  • SOIT de la publication de l’acte au recueil des actes administratifs du département
  • SOIT du cumul des deux conditions suivantes :
    • affichage à l’hôtel du département
    • ET EN PLUS publication intégrale sous forme électronique sur le site Internet du département, dans des conditions garantissant sa fiabilité et sa date de publication.

 

Attention le plus probable est que reste applicable la jurisprudence du Conseil d’Etat selon lequel l’affichage ou la publication suffisent, alternativement, pour qu’il y ait caractère exécutoire (en sus de la transmission à l’Etat) de ces actes (même si ce point pourrait être débattu.

Sources : CE, 21 mai 2008, Louvard, n° 284801 ;  CE, 25 juill. 2008, n° 295799 ; pour une confirmation récente, voir CE, 8 novembre 2017, n° 406876.

Rappelons en effet le considérant de cet arrêt du 3 décembre 2018 :

« S’il résulte des dispositions de l’article L. 3131-1 du code général des collectivités territoriales que la formalité de publicité qui conditionne l’entrée en vigueur d’un acte réglementaire pris par une autorité départementale peut être soit la publication, soit l’affichage, l’affichage d’un tel acte à l’hôtel du département ne suffit pas à faire courir le délai de recours contentieux contre cet acte. Sont en revanche de nature à faire courir ce délai soit la publication de l’acte au recueil des actes administratifs du département, dans les conditions prévues aux articles L. 3131-3 et R. 3131-1 du même code, soit sa publication, en complément de l’affichage à l’hôtel du département, dans son intégralité sous forme électronique sur le site internet du département, dans des conditions garantissant sa fiabilité et sa date de publication. »

 

C’est le point de départ du délai de recours qui est donc assurément changé, pour les départements, par cette jurisprudence du 3 décembre 2018, au regard en tous cas de ce que les juristes pensaient en majorité.

Il semble peu probable (vu la formulation choisie par le CE), que cela impacte le point de départ de l’entrée en vigueur de l’acte.

Voir aussi :

 

Au risque de trop se citer soit-même, nous écrivions alors que :

« Mutatis mutandis, avec quelques bémols (exigences différentes et existence de seuils pour les communes et leurs groupements), la même solution sera applicable aux autres collectivités territoriales et à leurs groupements. Ce qui sans doute l’enlève rien à l’obligation d’affichage, indépendamment de cette question de calcul des délais de recours.

« Cela dit, pour les communes, ne sous-estimons pas les différences de régimes induites par les articles L. 2131-1 et suivants, puis R. 2131-1-A et suivants, de ce code.»

 

Or, c’est là que depuis quelques semaines, surgissent des points de vue discordants quant à l’application, ou non, par transposition, de cette jurisprudence aux communes de 3 500 habitants ou plus.

 

Depuis un mois, nombre de préfectures ont publié des circulaires à l’image de celle que voici :

 

Cette circulaire, de la Préfecture d’Eure-et-Loir, estime comme nous que le droit municipal n’est pas totalement identique sur ce point au droit départemental au point qu’il n’est pas impossible de continuer à partir de l’affichage pour les communes, même au delà du seuil de 3 500 habitants et de leurs EPCI. Voici des extraits de cette circulaire bien faite :

Premier extrait :

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Second extrait :

Capture d’écran 2019-02-24 à 21.46.30.png

 

Si nous devions parier, nous parierions plutôt dans le sens de cette préfecture (et des autres préfectures qui ont diffusé cette information).

Il suffit sur ce point de se convaincre de l’évolution du droit municipal (passage de l’ex-article R. 2131-1 du CGCT vers les actuelles formules des articles R. 2131-1-A et suivants de ce même code) par rapport au droit départemental et à son article R. 3131-1 du CGCT, inchangé.

Autre différence : le maintien d’une formulation en ce sens à l’article L. 3131-3 du CGCT, sur la publication des actes réglementaires des départements, qui n’existe pas, ou plutôt n’existe plus telle quelle, en droit municipal.

Voir d’ailleurs à ce sujet :

 

Cela dit, les différences s’atténuent si on intègre d’autres dispositions telle que celles de l’article R. 2121-10 du CGCT (publication des délibérations et des actes réglementaires du maire dans le recueil des actes administratifs [RAA])

 

Notons que d’autres analystes (dont deux cabinets d’avocats qui ont commenté à chaud cette décision du 3 décembre 2018 dans leurs blogs à la mi-février ou la fin février 2019…) pensent au contraire que l’arrêt du Conseil d’Etat va s’appliquer aux communes. Mais ces deux cabinets omettent de noter que le droit municipal est tout de même rédigé différemment que le droit départemental, sur ce point…

 

BREF, des Préfectures estiment (sans doute après consultation de la DGCL ou du pôle d’appui de Lyon ?) que cette jurisprudence du 3 décembre 2018 ne s’appliquerait pas aux communes, mêmes à celles de 3500 habitants et plus, ni aux EPCI ayant au moins une commune de ce seuil au nombre de ses membres.

Ce point de vue préfectoral nous semble très défendable au nom des différences de formulation entre parties du CGCT dédiées aux communes et aux départements.

Celui-ci n’en reste pas moins optimiste : pour notre part nous conseillons vivement nos clients et lecteurs, pour ne pas prolonger les délais de recours, à opter pour des insertions dans les RAA et la diffusion électronique prévue par le CGCT dès que possible… de manière systématisée. En attendant la prochaine jurisprudence.

 

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