Dans un arrêt récent (CE, 26 février 2020, Commune de Saint-Julien-en-Genevois, req. n°436428) le Conseil d’Etat a précisé la portée de l’obligation pour le concédant de définir la nature et l’étendue de son besoin dans le cadre de la procédure de passation d’une concession.
Durant la procédure de passation d’une concession de services portant sur la mise à disposition, l’installation, la maintenance, l’entretien et l’exploitation commerciale d’abris voyageurs et de mobiliers urbains, l’un des candidats a saisi le juge des référés précontractuels. L’avis de concession prévoyait que le contrat pouvait faire l’objet de « prestations supplémentaires » sans fixer de quantités maximales ou prévisionnelles. Le TA de Grenoble a annulé la procédure de passation et a enjoint à l’autorité concédante de reprendre la procédure au stade de l’analyse des candidatures.
L’autorité concédante s’est pourvue en cassation, le CE devait alors trancher la question de savoir si une autorité concédante à l’obligation de définir, antérieurement à la publication de l’avis de concession, le volume exact des prestations qu’elle concède.
Après avoir rappelé les grands principes de la commande publique, le CE rappelle que selon l’article 27 de l’ordonnance n°2016-65 du 29 janvier 2016 désormais repris à l’article L. 3111-1 du Code de la commande publique
“la nature et l’étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale”
En outre, il rappelle également l’article 34 du décret n° 2016-86 du 1er février 2016 (repris à l’article R. 3131-1 du CCP) qui prévoit que
« l’autorité concédante offre, sur son profil d’acheteur (…), un accès libre, direct et complet aux données essentielles du contrat de concession, notamment aux données suivantes : (…) f) La valeur globale et les principales conditions financières du contrat ».
Le CE considère que
“Il est toutefois loisible à l’autorité concédante, lorsqu’elle estime qu’elle pourra être placée dans la nécessité de commander des prestations supplémentaires au cours de l’exécution du contrat, sans être en mesure d’en déterminer le volume exact, de prévoir, au stade de la mise en concurrence initiale, un critère d’appréciation des offres fondé sur la comparaison des prix unitaires proposés par les candidats pour ces prestations.”
En l’espèce la collectivité avait prévu un critère de jugement des offres intitulé ” coûts supplémentaires pour la commune ” et qui portait sur le coût d’achat de diverses prestations supplémentaires.
Elle avait par ailleurs établi un tableau de prix que les candidats devaient renseigner et qui correspondait ” au déploiement de mobiliers supplémentaires par rapport au nombre de mobiliers à déployer fixé dans le cahier des charges et dont la charge incombe au titulaire “; les cinq lignes de ce tableau faisaient référence à des mobiliers existants précisément décrits dans le cahier des charges.
Ainsi, eu égard à tous ces éléments le Conseil d’Etat à considéré que:
“En jugeant que l’absence de limite quantitative à ces prestations avait méconnu le principe de la définition préalable par l’autorité concédante de l’étendue de ses besoins et avait laissé à la commune une marge de choix discrétionnaire, alors que ce tableau permettait de comparer les prix unitaires des différentes offres, et, au surplus, que les candidats admis à concourir étaient à même de demander des précisions sur ce point à l’autorité concédante s’ils l’estimaient souhaitable, le juge du référé précontractuel du tribunal administratif de Grenoble a commis une erreur de droit. “
Le CE rejette ainsi le pourvoi. Dans certains circonstances, une certaine souplesse est donc admise par la Haute Assemblée et c’est plutôt une bonne nouvelle pour les acheteurs !
Autre précision important à retenir : la prohibition des offres anormalement basses n’est pas applicable selon le juge aux concessions
“si la société JCDecaux France soutient que l’offre de la société Girod Médias serait ” anormalement basse “, la prohibition des offres anormalement basses et le régime juridique relatif aux conditions dans lesquelles de telles offres peuvent être détectées et rejetées ne sont pas applicables, en tant que tels, aux concessions.”
Il est vrai qu’alors qu’un dispositif précis est prévu dans le code de la commande publique concernant les marchés publics, pour les concessions le code est muet sur ce point. Néanmoins on pourrait supposer que cela pourrait être un argument à faire valoir dans le cadre de passation d’un contrat de concession. Or il n’en est rien !