Loi Covid-19 : il y aura-t-il maintien du 1er tour ? qui va gérer les communes pendant le temps de la crise ?

Réponse : oui ou non selon que le second tour pourra, ou ne pourra pas, se tenir en juin. Et ce en raison de la position du Conseil d’Etat. Détaillons tout ceci. 

 

La loi état d’urgence sanitaire / Covid-19 a été adoptée cette nuit à titre définitif par les deux assemblées après une commission mixte paritaire positive. Voir :

 

Un des enjeux pour le Sénat et certains partis est de ne surtout pas remettre en jeu les résultats du premier tour, sur fond de débat constitutionnel à vrai dire un peu oiseux (sauf crise très très longue, ou sauf cas ponctuel de très très faible participation, les résultats du 1er tour nous semblent acquis), en tous cas bâti sur des sables mouvants. Voir :

 

 

I. Un second tour fixé au plus tard, en juin

 

La loi finale acte d’un :

  • maintien du premier tour
  • report du second tour, au plus tard en juin 2020.
    La date en sera fixée par décret en conseil des ministres, pris le mercredi 27 mai 2020 au plus tard si la situation sanitaire permet l’organisation des opérations électorales au regard, notamment, de l’analyse du comité de scientifiques institué sur le fondement de l’article L. 3131-26 du code de la santé publique.

N.B.1 : au plus tard le 23 mai 2020, est remis au Parlement un rapport du Gouvernement fondé sur une analyse du comité de scientifiques se prononçant sur l’état de l’épidémie de covid-19 et sur les risques sanitaires attachés à la tenue du second tour et de la campagne électorale le précédant. Avec un contenu précisé par la loi elle-même. 

N.B.2 : des ajustements, mineurs, ont été prévus pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie. 

 

II. Mais pour ce second tour, de nombreux ajustements sont nécessaires !?

 

Oui et la loi les prévoit :

  • la campagne électorale pour le second tour sera ouverte à compter du deuxième lundi qui précède le tour de scrutin ;
  • les principales limitations en termes de communication électorale sont prolongées (celles de l’article L. 50-1, du dernier alinéa de l’article L. 51 et, surtout, de l’article L. 52-1 du code électoral… toutes continuent de courir depuis le 1er septembre 2019) ;
  • idem pour la collecte des fonds en matière de comptes de campagne  ;
  • les comptes de campagne du premier tour pour les listes non admises ou ne présentant par leur candidature au second tour, seront à présenter au 10 juillet 2020 à 18 heures  ; les plafonds de ces dépenses prévus aux articles L. 52-11 et L. 224-25 du code électoral sont majorés par un coefficient fixé par décret qui ne peut être supérieur à 1,5 (sans doute que pour les listes au second tour mais le texte de la loi est flou sur ce point) ;
  • pour celles présentes au second tour, la date limite est fixée au 11 septembre à 18 heures
  • la même date est utilisée en termes de report de leurs comptes de l’exercice 2019 pour les partis et groupements politiques (dépôt jusqu’au 11 septembre 2020) ;
  •  dans les communes de 1 000 habitants et plus et dans les circonscriptions métropolitaines de Lyon, les dépenses engagées pour le second tour de scrutin initialement prévu le 22 mars 2020 au titre, respectivement, du second alinéa de l’article L. 242 et de l’article L. 224-24 du code électoral sont remboursées aux listes ayant obtenu au premier tour un nombre de suffrages au moins égal à 10 % du total des suffrages exprimés.
  • l’élection se fera à droit constant (à l’exception de son article 6, les dispositions de la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral ne sont pas applicables au second tour de scrutin nonobstant l’entrée en vigueur prévue pour le 30 juin pour cette loi)

 

III. Et si le 27 mai on n’arrive pas à tenir l’élection en juin : alors on recommence les deux tours

 

Si la situation sanitaire ne permet pas l’organisation du second tour au plus tard au mois de juin 2020, le mandat des conseillers municipaux et communautaires, des conseillers d’arrondissement, des conseillers de Paris et des conseillers métropolitains concernés est prolongé pour une durée fixée par la loi.

Si l’on reporte à juin 2020, les membres du Parlement qui s’y opposaient ont bien fini par accepter qu’au bout de trois mois il faudrait reporter toutes les élections et non pas maintenir le premier tour.

Les raisons de cette position unanime, in fine ?

Chacun a bien du se rallier à la position du Conseil d’Etat (souvent annonciatrice de celle du Conseil constitutionnel), sur le fait qu’au delà de trois mois, le premier tour serait difficile à maintenir en droit, voir les points 6, et surtout 7, de l’avis n° 399873, du CE, en date du 18 mars 2020.

Les électeurs sont convoqués par décret pour les deux tours de scrutin, qui ont lieu dans les trente jours qui précèdent l’achèvement des mandats ainsi prolongés. La loi détermine aussi les modalités d’entrée en fonction des conseillers municipaux élus dès le premier tour dans les communes de moins de 1 000 habitants pour lesquelles le conseil municipal n’a pas été élu au complet.

 

IV. Et quand, du coup, ces mandats se termineront-ils ?

 

Les conseillers élus au premier tour ou au second tour sont renouvelés intégralement en mars 2026. Soit un mandat d’un peu moins de 6 ans pour ce coup ci.

V. Et quid de ceux qui, dans des communes de mille habitants ou plus, ont été élus dès le premier tour ?

 

MAIS même dans cette hypothèse, à savoir celle d’élections postérieures à juin, il y aurait en tout état de cause maintien du premier tour des élections dans les communes où l’élection a été acquise au premier tour (en tout cas c’est l’interprétation la plus raisonnable d’un texte mal formulé sur ce point, selon nous).

Les conseillers municipaux et communautaires élus dès le premier tour organisé le 15 mars 2020 entrent en fonction à une date fixée par décret au plus tard au mois de juin 2020, aussitôt que la situation sanitaire le permet au regard de l’analyse du comité de scientifiques précité.

La première réunion du conseil municipal se tient de plein droit au plus tôt cinq jours et au plus tard dix jours après cette entrée en fonction.

NB : un arrondissement parisien se trouve dans cette situation. Mais l’installation du conseil de Paris ne pourra avoir lieu qu’après le second tour. La loi a adopté donc des mesures spécifiques pour ce cas précis. 

 

VI. Et quid de ceux qui, dans des communes de moins de mille habitants, ont été élus dès le premier tour ?

 

Si dans une commune de moins de mille habitants, tous les conseillers municipaux ont été élus dès le premier tour, s’applique la même solution que ci-avant en V.

De même la loi prévoit-elle en tout état de cause le maintien des conseillers municipaux élus dès le premier tour dans les communes de moins de mille habitants où certains conseillers peuvent avoir été élus dès le premier tour et d’autres non.

Les élections du second tour, dans ces communes de moins de mille habitants, seront un peu des élections complémentaires… 

Par dérogation, dans les communes de moins de 1 000 habitants pour lesquelles le conseil municipal n’a pas été élu au complet, les conseillers municipaux élus au premier tour entrent en fonction le lendemain du second tour de l’élection

 

VII. Et en attendant, qui administre nos communes ? Avec quelles délégations ?

 

La règle par défaut est que les élus municipaux en exercice avant le premier tour conservent leur mandat jusqu’à l’entrée en fonction des conseillers municipaux élus (au premier tour ou au second tour, voir ci-avant).

Important : c’est le mandat de tous les conseillers municipaux qui se trouve maintenu. Et non seulement ceux du maire et des adjoints.

N.B. : les dérogations correspondent, pour l’essentiel, à des aménagements pour Paris et pour les communes à sectionnement électoral… 

Le cas échéant, leur mandat de conseiller communautaire est également prorogé jusqu’à cette même date.

Il y a maintien des délégations aux élus (et tel que le texte est rédigé cela semble porter tant sur les délégations aux adjoints au maire que sur les délégations de l’organe délibérant vers l’exécutif).

MAIS les candidats élus au premier tour dont l’entrée en fonction est différée sont destinataires de la copie de l’ensemble des décisions prises sur le fondement de l’article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales et, le cas échéant, de tout acte de même nature (art. L. 5211-10 du CGCT) pris par le président de l’établissement public de coopération intercommunale ou son remplaçant, et ce jusqu’à leur installation.

NB : pas d’élection partielle (même en cas de perte d’un tiers ou de la moitié des sièges ou pour la complétude du conseil) pendant cette période provisoire. 

 

VIII. Et qu’en est-il des conseils municipaux qui, bravant l’interdiction gouvernementale, se sont installés le week-end dernier ?

 

Déjà, avant cette loi, de telles réunions n’étaient pas sans de grandes fragilités juridiques :

 

Plus nettement, la loi nouvelle pose que :

« […] le statut des candidats élus au premier tour dont l’entrée en fonction est différée ne leur confère ni les droits ni les obligations normalement attachées à leur mandat. »

Cette loi n’est certes pas rétroactive sur ce point, mais le Préfet sera fondé à leur appliquer une démission d’office de leurs fonctions de maire et d’adjoint au maire le temps que se (ré)installe le conseil.

 

IX. Quand les nouveaux élus municipaux commenceront-ils la période où ils doivent mettre fin à des incompatibilités entre leurs mandats municipaux et diverses fonctions ?

 

La loi nouvelle prévoit que :

« Le régime des incompatibilités applicable aux conseillers municipaux et communautaires, aux conseillers d’arrondissement et de Paris ne s’applique à eux qu’à compter de leur entrée en fonction. »

 

 

X. et pour les mandats intercommunaux ? et les autres mandats dans les SPL, les SEML, les SEMOP, les CCAS, les CIAS, les OPH ?

 

Voir :

 

 

XI. et pour les indemnités de fonctions ?

 

La loi reporte la date de trois mois d’adoption des délibérations indemnitaires avec une interprétation dans les débats qui devrait conduire à poser que cela conduira à une rétroactivité sur ce point et à un maintien des indemnités de fonctions pour les exécutifs du moins :

VI ter. – La seconde phrase du I de l’article L. 2123-20-1 du code général des collectivités territoriales n’est pas applicable aux conseils municipaux renouvelés au complet à l’issue du premier tour des élections municipales et communautaires organisé le 15 mars 2020.

Le quatrième alinéa de l’article L. 5211-12 du même code n’est pas applicable à l’organe délibérant d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre renouvelé au complet à l’issue de ce premier tour et de l’élection subséquente du maire et des adjoints de ses communes membres.

 

XII. et s’il faut, pendant ce temps, voter ? réunir le conseil ?

 

Ce point est réglé par l’article 7 B (numérotation provisoire) :

« Pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire prévu à l’article L. 3131-20 du code de la santé publique et dans les zones géographiques où il reçoit application, par dérogation aux articles L. 2121-17, L. 2121-20, L. 3121-14, L. 3121-16, L. 4132-13, L. 4132-15, L. 4422-7, L. 7122-14, L. 7122-16, L. 7123-11, L. 7222-15 et L. 7222-17 du code général des collectivités territoriales, les organes délibérants des collectivités territoriales et des établissements publics qui en relèvent ne délibèrent valablement que lorsque le tiers de leurs membres en exercice est présent. Si, après une première convocation régulièrement faite, ce quorum n’est pas atteint, l’organe délibérant est à nouveau convoqué à trois jours au moins d’intervalle. Il délibère alors sans condition de quorum. Dans tous les cas, un membre de ces organes peut être porteur de deux pouvoirs.

« Un dispositif de vote électronique ou de vote par correspondance papier préservant la sécurité du vote peut être mis en œuvre dans des conditions fixées par décret pendant la durée de l’état d’urgence sanitaire. Il ne peut y être recouru dans le cadre des scrutins dont la loi commande le caractère secret.

Il y a donc abaissement du quorum à 1/3 et possibilité de réunions à distance en visio ou correspondance (décret à venir).

XIII. et quid du budget ? des comptes administratifs ?

 

Voir :

 

 

VOIR AUSSI EN VIDÉO

Quand il y aura t-il un second tour des municipales ? Refera-t-on le premier tour ? [Courte vidéo] 

 

MISE À JOUR AU 24 MARS

LA LOI EST PARUE : EN VOICI UN RAPIDE DÉCRYPTAGE

La loi ordinaire Covid-19 au JO de ce matin : voici le texte ainsi qu’un court décryptage