Peut-on faire un référé liberté contre l’élection d’un(e) maire ?
Serait-ce même l’occasion de revenir sur l’élection municipale elle-même alors que celle-ci n’a pas donné lieu à recours ?
NON et NON…. Bien sûr.
Un tel contentieux relève du contentieux électoral avec les règles qui s’attachent (en termes de délais de recours, de cristallisation des moyens contentieux…) qui en résultent (art. L. 2122-13 du CGCT et jurisprudence constante en ce domaine).
Alors quand un requérant a eu la fantaisie (mais peut-être a-t-il en sus de déposer une protestation électorale contre l’élection du maire ?) de s’essayer à un référé-liberté contre l’élection de Mme le maire de Saint-Laurent du Maroni…
le TA de la Guyane n’a pu que rejeter ledit recours par une ordonnance (du juge des référés en la personne du Président dudit TA) en date du 3 juin 2020.
Le requérant, partie perdante lors de l’élection municipale, n’avait pas contesté celle-ci dans les temps. Alors il s’agissait peut-être avec hardiesse de tenter de contourner cet obstacle ? Peine perdue, donc, et ce via une ordonnance qui semble en droit difficile à contester.
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Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 2 juin 2020, M[…], ayant pour avocat […..], demandent au juge des référés, statuant sur le fondement de l’article L. 521-2 du code de justice administrative :
1°) de constater les atteintes graves et manifestement illégales aux libertés fondamentales de l’élection comme maire de Saint-Laurent-du-Maroni de Mme Sophie Charles ;
2°) de prononcer à cet effet toutes les mesures nécessaires ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Laurent-du-Maroni la somme de 2 500 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
XXX et autres soutiennent que :
– l’urgence est caractérisée ; l’atteinte manifestement illégale à des libertés fondamentales et la situation de la municipalité de Saint-Laurent du Maroni relèvent de l’urgence ; le caractère inexistant de l’acte concernant l’élection du maire de la commune de Saint-Laurent du Maroni entraine qu’il y a extrême urgence à ce que la légalité soit rétablie ;
– le principe de libre administration des collectivités locales constitue une liberté fondamentale ; sont en cause les rapports internes au sein de la commune ; les conditions de l’élection du maire portent atteinte à la liberté d’expression des conseillers municipaux, au droit d’expression de la démocratie locale au droit de vote et de représentation ; les atteintes sont graves et manifestement illégales en ce que l’élection aux fonctions de maire d’une personne qui n’a pas la qualité de conseiller municipal peut être considérée comme relevant de la catégorie des actes inexistants.
Vu :
– les autres pièces du dossier ;
– le code électoral ;
– le code général des collectivités territoriales ;
– le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. En vertu de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté une atteinte grave et manifestement illégale. En vertu de l’article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut rejeter une requête par une ordonnance motivée, sans instruction contradictoire ni audience publique, notamment lorsque la demande ne présente pas un caractère d’urgence ou encore est irrecevable.
2. M. XXX a conduit une liste lors du scrutin municipal qui s’est tenu à Saint-Laurent du Maroni le 15 mars 2020. Toutefois, la liste conduite par Mme Sophie Charles a obtenu la majorité des suffrages exprimés et a été proclamée élue à l’issue du premier tour. En premier lieu, il est constant qu’à la date de la présente ordonnance M. XXX et ses colistiers n’ont pas contesté les résultats de cette élection. En second lieu, il résulte de la feuille de proclamation des résultats que si celle-ci rappelait le nom des têtes de liste, Sophie Charles et LXXX, elle ne comportait toutefois pas mention de leurs prénoms et noms comme conseillers municipaux élus et conseillers communautaires élus. Dans ces conditions, estimant que Mme Charles n’avait pas la qualité de conseillère municipale, M. XXX et autres demandent au juge des référés, sur le fondement des dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative, de faire cesser l’atteinte grave et manifestement illégale découlant de l’élection en qualité de maire de la commune de Saint-Laurent du Maroni d’une personne, Mme Sophie Charles, qui n’a pas la qualité de conseillère municipale et de prononcer à cet effet toutes les mesures nécessaires.
Lorsqu’un requérant fonde son action sur la procédure particulière instituée par l’article L. 521-2 du code de justice administrative, il lui appartient de justifier d’une part de la recevabilité de sa demande et d’autre part de circonstances caractérisant une situation d’urgence, qui s’apprécie concrètement, compte tenu des justifications fournies et de l’ensemble des circonstances de l’espèce, et qui implique, sous réserve que les autres conditions posées par cette disposition soient remplies, qu’une mesure visant à sauvegarder une liberté fondamentale doive être prise dans les quarante-huit heures.
Aux termes du premier alinéa de l’article L. 2122-4 du code général des collectivités territoriales : « Le conseil municipal élit le maire et les adjoints parmi ses membres, au scrutin secret et à la majorité absolue». Aux termes l’article L. 2122-13 du même code : « L’élection du maire et des adjoints peut être arguée de nullité dans les conditions, formes et délais prescrits pour les réclamations contre les élections du conseil municipal». Enfin selon l’article D. 2122-2 de ce même code, « le délai de cinq jours dans lequel, conformément à l’article L. 2122-13, l’élection du maire et de ses adjoints peut être arguée de nullité court à partir de vingt-quatre heures après l’élection ». Il résulte de ces dispositions que la contestation de l’élection d’un maire, qui revêt le caractère d’une protestation électorale, doit être formée au plus tard à dix-huit heures le cinquième jour suivant un délai de vingt-quatre heures après l’élection.
L’élection du maire d’une commune peut ainsi, conformément aux principes généraux du droit électoral, être contestée dans le délai réduit mentionné au point précédent, compte tenu de l’urgence qui s’attache au règlement des protestations dirigées contre l’élection. Il est prévu que les requêtes introduites à cette fin sont, après leur instruction contradictoire, examinées par le tribunal administratif statuant au contentieux, en formation collégiale dans un délai de trois mois. La voie de droit ainsi ouverte aux intéressés fait, en principe, obstacle à ce que puisse être utilement mise en œuvre la procédure de référé prévue par les dispositions de l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Il n’en va autrement que dans le cas où les illégalités susceptibles d’entacher les opérations électorales conduisant à l’élection d’un maire seraient d’une gravité telle que celles-ci devraient être tenues pour inexistantes, ce qui imposerait alors que le juge des référés puisse en constater la nullité sans délai.
D’une part, les divers moyens tirés de la méconnaissance du code général des collectivités territoriales, tenant aux conditions de l’élection du maire de Saint-Laurent-du-Maroni le lundi 25 mai 2020, n’imposent aucunement au juge des référés de constater sans délai la nullité de l’élection de Mme Charles, de tels moyens qui ne visent en l’espèce aucune atteinte à la liberté fondamentale que constitue le principe de libre administration des collectivités locales, devant être portés devant le juge de l’élection ainsi qu’il est dit au point précédent. Il s’ensuit que les moyens sus-analysés, ne peuvent qu’être écartés comme irrecevables. D’autre part, alors que le nombre total d’élus du conseil municipal, compte tenu des têtes de liste Sophie Charles et XXX, s’élève à 43 ainsi qu’il est prévu par les dispositions de l’article L. 2121-2 du code général des collectivités territoriales pour une commune comptant entre 40 000 et 49 999 habitants, il y a lieu d’écarter le moyen selon lequel Mme Charles n’avait pas la qualité d’élue municipale, l’omission de son nom, tout comme d’ailleurs celle de M. Adam, constituant, dans les circonstances propres à l’élection acquise le 15 mars 2020, une simple erreur matérielle qu’il y a lieu, pour le juge des référés, de constater.
Dans ces conditions, M. Adam et autres, ne justifient ni de la condition de recevabilité ni de la condition d’urgence particulière requises par l’article L. 521-2 du code de justice administrative. Leur requête ne peut donc qu’être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles tendant à l’allocation des frais du procès, conformément à la procédure prévue par les dispositions de l’article L. 522-3 de ce code.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de M. XXX et autres est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à XXX
Une copie en sera adressée pour information à la commune de Saint-Laurent-du-Maroni et au préfet de la Guyane.
Fait à Cayenne, le 3 juin 2020.
Le juge des référés,
Signé
L. MARTIN
La République mande et ordonne au préfet de la Guyane en ce qui le concerne et à tous huissiers à ce requis en ce qui concerne les voies du droit commun contre les parties privées de pourvoir à l’exécution de la présente ordonnance
Pour expédition conforme,
Le Greffier en Chef,
Ou par délégation le greffier,
Signé
M-Y. METELLUS